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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 18:55

   Nommé Sordèl en Occitanie, Sordello est le plus grand troubadour italien en langue provençale. Sa « Vida », aux péripéties controversées le fait naître à Mantoue d’un chevalier de condition modeste. On le voit à la cour de Richard de Sanbonifacio à Vérone.

    Il devient l’amant de l’épouse du comte, s’enfuit avec elle, quitte l’Italie en 1228 pour se réfugier en Provence où il vit sous la protection de Raimon Béranger puis, quelques années plus tard, il est  à la cour de Charles d’Anjou qui lui attribua des terres et lui proposa une nouvelle épouse.

    Il parcourt l’Auvergne et la Cerdagne en Espagne. Il rejoint l’Italie en 1256 et meurt dans les Abruzzes après 1269.

    On conserve quarante-trois œuvres dont douze « chansons » d’amour et des « sirventès » dont l’éloge posthume (une complainte funèbre) de Blacatz, seigneur d’Aups, troubadour, protecteur et ami de nombreux troubadours. (lire l’article consacré à ce troubadour où j’ai inclus le chant de Sordello).

 Sordello

 

ŒUVRE :

 

    Dans une forme simple, belle et élégante, le poète nous retrace les moments de la tradition des troubadours et de l’amour courtois : le printemps, les tourments d’amour, la noblesse de la dame aimée, les plaintes du soupirant, l’acceptation des épreuves comme degrés ascensionnels du désir, l’idéalisation de l’amour.

 

Ailàs, e que-m fan mei uèlh          Hélas ! A quoi me servent les yeux

Car non veson ço qu’ieu vuèlh.    S’ils ne voient pas ce que moi je veux ?

 

Ar quand renovel’e gença            Maintenant, quand se renouvelle et s’embellit

Estius ab folh’et ab flors,              L’été avec ses feuillages et ses fleurs

Pos mi fai prècs ni l’agença          Puisqu’elle me prie et qu’il lui plaît

Qu’ieu chant e-m lais de dolor     Que je chante et que j’arrête de souffrir

Cilh qu’es dona de plasença,        Celle qui est dame de plaisir

Chantarai, sitot d’amor                 Je la chanterai, quoique d’amour

Mor, car l’am tan sens falhença   Je meure, car je l’aime tant et sans faillir

E pauc vei lèis asor.                       Et je la vois peu celle que j’adore.

 

Ailàs, e que-m fan mei uèlh           Hélas ! A quoi me servent les yeux

Car non veson ço qu’ieu vuèlh.     S’ils ne voient pas ce que je veux ?

 

Sitot amors mi tormenta                   Bien que l’amour me tourmente

Ni m’auci, non o planc ren,               Et me tue, je ne me plains de rien

Qu’al mens mor per la plus genta,    Car au moins je meurs pour la plus noble

Per qu’ieu prenc lo mal pel ben ;      Aussi je prends le mal pour le bien ;

Ab que-lh plassa e-m consenta          Pourvu qu’il lui plaise de m’accorder

Qu’ieu de lèis esper mercé:               Et que d’elle j’espère merci

Ja per nul maltrach qu’ieu senta,     Et jamais, quelque peine que je ressente

Non ausirà clam de me.                      Elle n’entendra de moi nulle plainte.

 

Ailàs, e que-m fan mei uèlh              Hélas ! A quoi me servent les yeux

Car non veson ço qu’ieu vuèlh.        S’ils ne voient pas ce que je veux ?

 

Morts soi si s’amors no-m denha  Je suis mort si de mon amour elle ne me juge digne,

Qu’ieu non vei ni-m posc pensar     Car je ne vois ni ne puis imaginer

Ves ont m’an ni-m vir ni-m tenha    Vers où je puis me tourner ou aller

S’ilha-m vol de si lonhar ;                 Si elle veut m’éloigner d’elle;

Qu’autra no-m plai que-m retenha  Car nulle autre qui m’accueillerait ne  me plaît

Ni lèis bo-m posc oblidar;                 Ni ne pourrait me la faire oublier ;                

Ans adès com m’en prenha,              Au contraire, toujours quoiqu’il m’arrive

La-m fai mièlhs amors amar.            L’amour me la fait mieux aimer.

 

Ailàs, e que-m fan mei uèlh               Hélas ! A quoi servent mes yeux

Car non veson ço qu’ieu vuèlh.         S’ils ne voient pas ce que je veux ?

 

Ai ! per que-m fai tan mal traire,     Ah ! Pourquoi me fait-elle tant souffrir ?

Qu’ilh sap ben de que m’es gent       Elle sait bien ce qui me réconforte

Qu’el sieu prètz dir e retraire            Et que, pour dire et défendre son mérite

Soi plus sieus ont piègs en pren,         Plus je souffre et plus je suis à elle,

Qu’ela-m pot far o desfaire                Et qu’elle peut m’élever ou m’abaisser

Coma lo sieu, non li-m defen,             Comme sa chose, et que je ne l’en empêche pas

Ni de lèis no-m vuèlh estraire,            D’elle je ne veux pas m’éloigner

Si be-m fai morir vivent.                    Même si elle me fait mourir vivant.

 

Ailàs, e que-m fan mei uèlh                Hélas ! A quoi servent mes yeux

Car non veson ço qu’ieu vuèlh.         S’ils ne voient pas ce que je veux ?

 

Chantant prèc ma doç’amia              En chantant je prie ma douce amie

Si-lh plai non m’auci a tort,               De ne pas me tuer à tort, s’il lui plaît

Que s’ilh sap que pecats sia,              Car si elle sait que c’est un péché,

Pentrà s’en quand m’aurà mort,      Elle s’en repentira quand elle m’aura tué

Empero morir volria                          Pourtant je préférerais mourir

Mais que vieure sens conort ;            Plutôt que de vivre sans espoir ;

Car piègs trai que si moria                Car il souffre plus que s’il mourrait

Qui pauc ve ço qu’ama fort.              Celui qui voit peu ce qu’il aime le plus ?

 

Ailàs, e que-m fan mei uèlh               Hélas ! A quoi servent mes yeux

Car non vesonço qu’ieu vuèlh.          S’ils ne voient pas ce que je veux ?

 

 IMGP1643

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6 avril 2013 6 06 /04 /avril /2013 18:30

   Originaire de Laurac ou de Saint-Martin Lalande (Lauragais), il assiste au « consolament » de son frère vers 1232. Il était donc proche de la religion chrétienne cathare à l’image de la noblesse lauragaise dont la quasi- totalité appartenait à la communauté de l « Eglise de Dieu » comme aimaient à s’appeler les cathares.

   Nous possédons de lui « un joc partit » ou débat  où notre troubadour s’affronte à un certain Sifre, troubadour lui aussi.

Bernat-Mir-1.JPG

 

ŒUVRE :

   Le poète défend l’amour charnel et le désir qui porte l’amour à considérer la femme dans ses parties érogènes alors que son interlocuteur considère l’amour dans son idéal féminin et moins vulgaire.

   Alors le poète, sans pudeur et avec un réalisme joyeux, soupçonne son débateur de masquer ses véritables envies et juge ses propos comme prétextes à fuir ce que font la majorité des amants : désirer posséder la femme dans ce qu’elle offre pour le plaisir sexuel.

 

Mir Bernat, mas vos ai trovar        Mir Bernat, puisque je vous ai trouvé

A Carcassona la ciutat                     Dans la ville de Carcassonne

D’una re-m tenc per issarat,           Sur une chose qui m’embarrasse

E volh vostre sen m’en aond;           Je veux que votre avis me secoure;

En una don’ai la mitat,                    D’une dame j’ai la moitié

E no-m soi ges ben acordat             Mais je ne sais pas bien décider

Si-m val mai d’aval o d’amont       Ce qui me vaut mieux, le bas ou le haut.

 

Sifre, be-os tenc per arribat           Sifre, je vous tiens pour bien arrivé

Car conselh m’avetz demandat     Et puisque vous m’avez demandé conseil

Et ieu donar lo-os ai onrat,             Je vous le donnerai précieux

Car fort en consir de priond ;        Car j’y ai réfléchi profondément

Co sachatz ben en veritat               Sachez bien cela, en vérité

Que si-m cresiatz d’est mercat       En cette affaire si vous m’en croyez

Per ver penriatz devèrs lo con.       Vous prendriez vraiment le côté du con.

 

Mir Bernat, ben es emportuns           Mir Bernat, vous êtes bien déplaisant

Car no-m respondètz ab mots clus ;  Car vous ne me répondez pas à mots couverts ;

La dona presatz mai dejus                  Vous prisez plus la dame du côté du bas

Et ai vos ausit dire dont ;                     Et je vous ai entendu dire où ;

Ja no-m volha le rei Jesus                    Que jamais ne m’aime le roi Jésus

S’ieu enans non ma prenc dessus        Si je ne prends pas du côté du haut

De lai ont sos cabels se tond.                 Là où elle coupe ses cheveux.

 

Sifre, lo mielhs laissatz e-l plus            Sifre, vous laissez le plus et le meilleur

E ço que mais ama cascuns                  Et ce que chacun aime le mieux

Segon la natura e l’us                           Selon la nature et l’habitude

Que fan l’autre bon drud pel mond    Et que suivent tous les bons amants du monde

Val mai ço d’aval non fa-l mus            Il vaut mieux ce qui est bas que le visage

E ja trobaretz, no-m n’escus,               Et vous reconnaîtrez vite, point ne m’en excuse

Qu’om gencer de mi no-i respond.      Que personne ne répond mieux que moi sur ce

                                                                            point.

 

Mir Bernat,per pauc no-m n’irais      Mir Bernat, pour peu je me mettrais en colère

Car mi respondètz mots savais            Car vous me répondez avec des mots grossiers

E cela part presatz trop mais              Et vous prisez trop cette partie

Que los druds e-ls marits confond ;    Qui trouble les amants et les maris ;

Que mais en val uns gents assais         Il vaut mieux un aimable essai

Qu’om embraç e manei e bais             Où l’on enlace et câline et embrasse

Boca et uolh e cara e front.                  La bouche et les yeux et le visage et le front

 

Sifre, no-os cugètz qu’ieu-m biais      Sifre, ne pensez pas que je me fourvoie

Ni-l mièlhs per lo sordejor lais,          Ni que je laisse le meilleur pour le pire

Car tot dia abraç e bais                       Car tous les jours j’embrasse et baise

Fraire e cosin e segond                       Mes frères, mes cousins germains ou seconds

Fraire d’aiço dic que soi verais          Mais en cela, je dis que je suis dans le vrai    

Que tota drudaria nais                        Car tout amour d’amants naît                

D’aquel cap d’ont plus se rescond.     De ce côté où il se cache le plus.

 

Mir Bernat, est joc ai partit               Mir Bernat, j’ai partagé ce jeu avec vous

E tenc vos tot per escarmit,                  Et je vous tiens pour bien abusé

Car ieu ab conselh del marit             Car moi, avec l’assentiment du mari

M’en mostre bèl semblant volont,    Pour qu’il me fasse en retour bon visage

Del cap de sus que ai chausit,            C’est le côté du haut que j’ai choisi

Et ai vos cel estrem gequit                 Et je vous ai abandonné le côté opposé

Que no-m pogra far jausion.             Qui ne pourrait me rendre heureux.

 

Sifre, vos avètz falhit                         Sifre, vous avez failli

A for de cavalièr marrit;                   A la manière d’un mauvais chevalier

Grèu començaretz grand ardit   Il vous sera difficile d’entreprendre de grandes choses

Car per paor se gelos gronh            Si par peur que le jaloux ne grogne

Avètz cel mlaissat e gurpit               Vous laissez et abandonnez le côté

Per que-l bon drud son esbaït          Par lequel les bons amants sont ravis

E cascuns n’a-l cor jausion.              Et dont chacun a le cœur réjoui.

 

croix occitane

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2 avril 2013 2 02 /04 /avril /2013 18:13

    Né à Auvillar, recueilli par un riche gentilhomme, Alaric del Villar, il devient le disciple de Cercamond auprès de qui, à la cour de Guillaume de Poitiers, il apprend la musique et l’art de la versification.

    Au mariage de Louis VII avec Aliénor d’Aquitaine, petite fille de Guillaume IX d’Aquitaine, il devient le premier troubadour connu et réputé ; il aurait suivi la jeune épouse à la cour de Paris dont il aurait été rapidement chassé par le roi, jaloux du « fins amor » que chantait le poète à la belle Aliénor.

    Il doit s’exiler en Castille où les comtes castillans, par alliances maritales, ont des liens étroits avec les ducs d’Aquitaine.

    Il reste 43 poèmes où l’on remarque l’art subtil des métaphores et l’élégance maniérée de la versification. La thématique mêle la courtoisie de l’amour dont il dénonce par ailleurs l’insincérité et l’artifice à la spontanéité du regard amoureux dans l’extase de la passion. Il célèbre aussi la sagesse et la perspicacité des gens du peuple à l’opposé de la codification rigide et insane des gens de cour.

Macabru.JPG

EXTRAITS :

    L’originalité de ce poème réside dans la symbolique de l’oiseau messager que la postérité reprendra pour signifier la distance qui sépare l’amant de sa dame, engendrant chagrin et craintes mais aussi le lien qui unit malgré la séparation la passion des cœurs lorsque l’amour est conquis et partagé. Or le poète exprime une défiance à l’égard de celle qu’il aime parce que son infidélité et son inconstance l’entraînent dans le désespoir. Malgré tout, le poète vit dans le désir et l’attente de l’acquiescement

    La forme dénote une grande maîtrise dans l’art de la versification et un savoir rare dans la composition métrique.

Estornèl, cuèlh ta volada :         Etourneau, prends ton envol :

Demand, ab la matinada            Demain, de bonne heure

Iràs m’en un’entrada                 Tu t’en iras dans un pays

Ont cugèi aver amia;                  Où je croyais avoir une amie;

Trobaràs                                      Tu la trouveras

E veiràs                                        Tu la verras

Per que vas ;                                 C’est pour cela que tu y vas ;

Contar l’as                                     Tu lui diras.

E-lh diràs                                         Tu lui demanderas

En eis pas                                          En même temps

Per que se traslia.                            Pourquoi elle a trahi sa foi.                       

 

Non sai s’aissi-s fo fafada               Je ne sais si elle a été instruite par les fées

Que non m’am e si’amada,            Pour ne pas m’aimer et n’être pas aimée de moi

Qu’ab una sola vegada                   Ah! Si une seule fois

Pora grands la matinia,                  Quel beau jour ce serait

Si-lh plagés                                       Il lui plaisait

Ni volgués                                         Et qu’elle acceptât

Qu’o fesés;                                        De le faire

Per un mes                                        Un seul mois

N’agrà tres,                                       En vaudrait trois

A qui es                                              A qui serait

De sa companhia.                              En sa compagnie.

 

Ai ! Com es encalabada                    Hélas! Comme elle est puissante

La falsa rason daurada                    La folle raison dorée

Denant totas vai triada ;                   Entre toutes elle se distingue

Va! Ben es fols qui s’i fia,                  Ah! Il est bien fou celui qui s’y fie!

De sos dats                                          Des dés

Qu’a plombats                                    Qu’elle a plombés

Vos gardatz,                                        Gardez-vous

Qu’enfanats                                         Car ceux qu’elle a trompés

N’a assatz,                                          Sont nombreux

Co sachatz,                                         Sachez-le

E mes en la via.                                  Et ceux qu’elle a abandonnés en chemin.

 

Per semblant es vesiada,                  De même elle est rusée

Plus que vièlha volps caçada;          Plus qu’un vieux renard traqué;

L’autrièr mi fetz far la bada            L’autre jour, elle m’a fait attendre pour rien

Tota nuèch entrusc’al dia                 Toute la nuit jusqu’au lever du jour

Sos talants                                           Son amour

Es volants                                            Est volage

Ab negans ;                                           Et trompeur ;

Mas un chants                                     Aussi une chanson

Fa-n enfants                                         Les enfants en font-ils

Castiants                                               Pour la punir

De lor felonia.                                       De sa félonie.

 

Celui fadèt gentil fada                         Il a été porté par les fées

A qui fo s’amor donada;                      Celui à qui son amour fut donné;

Non fo tal crestianada                          Jamais pareille femme ne fut baptisée

De çai lo peirón Elia;                           Depuis le temps du père Elie;

Vol’e vai                                                Vole et va

Tot dreit lai                                           Tout droit là-bas

E-lh retrai                                             Et dis-lui

Qu’ieu morrai                                       Que je mourrai

Si non sai                                                 Si je ne sais pas

Consi jai                                                   Comment elle se couche

Vuda o vestia.                                          Nue ou vêtue.

 

Sa beutats fo ab lèis nada                         Sa beauté est née avec elle

Sens fum de dreis ni d’erbada ;               Sans odeurs de cresson ni d’herbes ;

De mil amics es casada                             Elle est entourée de mille amis

E de mil senhors amia.                              Et de mille seigneurs elle est l’amie.

Marcabruns                                                Marcabrun

Ditz que l’us                                                Dit que sa porte

Non es clu;                                                   N’est pas fermée ;

Bad e mus                                                    C’est ébahi et muet

Qui-lh vol plus                                             Que celui qui en demande plus

Qu’a ratüs                                                    Avec éclat

Part de la fraia.                                            Elle abandonne.

 

De fin’amor esirada                                  De fine amour désirée

Az une flor pic vairada                              Elle offre une fleur changeante

Plus que d’autruna pausada                     Plus qu’aucune autre femme

Paucs fols fai tost grand folia.                   Petit fou commet vite grande folie.

Perdo-l grat                                                Je lui pardonne volontiers

De l’abat                                                     Cet abbé

Sant Privat ;                                               De Saint-Privat ;

M’ai pensat                                                 J’ai idée

Sens cujat                                                     En effet

Si-m ditz : mat,                                            Que si elle me dit : mat

Que l’amors embria.                                    Son amour pour moi grandira.

 

Del deslei                                                       Du tort

Que me fei                                                     Qu’elle m’a fait

Li fauc dreit,                                                  Je l’excuse

E-ilm’autrei                                                    Et à elle je me donne

Mas sotz mei                                                  Mais que sous moi

Aplat sei                                                          Elle se couche

Qu’ela-m laç’e-m lia.                                      Et qu’elle m’enlace et m’étreigne.

IMGP9232 IMGP9185

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30 mars 2013 6 30 /03 /mars /2013 17:50

    Originaire de Thégra, près de Rocamadour (Quercy), il est un des fils d’un seigneur de petite noblesse, Arman de Saint-Circ d’Alzon.

    Il s’initia à l’art du jonglage puis, parti à la célèbre université de Montpellier, il parfait ses compétences, découvre l’art de la poétique troubadouresque et amplifie sa culture en étudiant la Grammaire latine, la Rhétorique et la Logique de l’argumentation.

    Comme la grande majorité de ses confrères, il choisit la vie de l’errance et, selon les circonstances, il participe aux combats de la Croisade Albigeoise aux côtés d’Henri 1er de Rodez. Il est reçu par le dauphin d’Auvergne et par d’autres princes et vassaux locaux tels le vicomte de Turenne.

    Voyageur, il visite la Gascogne où il connaît Savaric de Mauléon et la comtesse de Bénauges. De là, il part pour le Poitou puis en Castille et en Aragon. Revenu en Provence, il choisit l’exil et se réfugie en Italie vers 1220, s’établit à Trieste auprès des frères Ezzelino et d’Alberico de Romano et de leurs cours respectives après avoir parcouru la Lombardie et la Vénétie où demeurent de nombreuses familles cathares.

    Il mourut à Trieste en 1256.

    Son activité poétique s’exerce entre 1217 et 1253 ; il nous reste quinze « cançons » dont trois ont leur talentueuse composition mélodique, deux « sirventès », une vingtaine de « coblas », un « salut », et un « partiment ».

    Outre l’apport de son art aux italiens, il rédige des « Vidas » ou biographies romanesques des troubadours dont en particulier celles de Savaric de Mauléon et de Bernard de Ventadorn.

    Enfin il écrit vers 1240 le « Donatz proençals » ou grammaire complété par un traité de versification et un dictionnaire de rimes ; il en présente deux versions : l’une en occitan, l’autre en latin.

 

Uc de St Cirq

ŒUVRE :

 

   C’est une cobla où dans un langage simple le poète exprime sa passion pour sa Dame.               Cependant le poète utilise la répétition de formules parallèles, à l’interrogation systématique, à un arsenal rhétorique qui peut voler la sincérité de l’amour en la couvrant de formes sophistiquées.

Tres enemics et dos mals senhors ai

Qu’usquecs ponha nuoch e jorn com m’aucia.

L’enemic son mos uolhs e-l cor que-m fai

Vler celèi qu’a mi non tanheria;

E l’uns sénher es amors qu’en bailía

Ten mon fin cor e mon fin pensament;

L’autre es vos, dona, en qui m’ntend,

A qui non aus mon cor mostrar ni dir

Cam, m’auciètz d’envej’e de desir.

 

J’ai trois ennemis et deux mauvais seigneurs

Qui chaque jour et nui s’efforcent de me tuer.

Les ennemis sont mes yeux et mon cœur qui me fait

Désirer celle qu’il ne faudrait pas ;

L’un des seigneurs est amour qui en tutelle

Tient mon cœur loyal et ma fidèle pensée

L’autre c’est vous, Madame, que j’aime

A qui je n’ose monter mon cœur ni dire

Combien vous me faites mourir d’envie et de désir.

 

 

Que farai doncs, dona, que çai ni lai

Non posc trobar ren sens vos que bo-m sia ?

Que farai ieu qui serian esglai

Tou autre joi si de vos no-l avia ?

Que farai ieu qui capdela e guia

La vostr’amors e-m fug e-m sèc e-m prend ?

Que farai ieu qu’autre joi non atend?

Que farai ieu ni compoiai gaudir

Si vos, dona, no-m voletz retenir ?

 

Que ferai-je, Madame, puisqu’ici ni là

Je ne puis trouver rien hors de vous qui me plaise ?

Que ferai-je, moi, qui serait tourments

Toute autre joie que je n’aurai pas de vous ?

Que ferai-je, moi, que conduit et me guide

Votre amour qui me fuit, me suit et me prend ?

Que ferai-je, moi, qui n’attends d’autre joie ?

Que ferai-je, moi, et comment pourrai-je m’échapper

Si vous, Madame, ne voulez pas me retenir ?

 

 

Com durarai ieu que non posc morir

Ni ma vida non m’es mas malanança ?

Com durarai ieu que vos faitz languir

Desesperat amb un pauc d’esperança ?

Com durarai ieu que ja alagrança

Non aurai mais si non me ven de vos ?

Com durarai ieu que ieu soi gelos

De tot ome qui vai vas vos ni ven

E de tots cels a qui n’aug dire ben ?

 

Comment durerai-je moi qui ne puis mourir

Alors que ma vie ne m’est plus malheur ?

Comment durerai-je moi que vous faites languir,

Désespéré avec un peu d’espoir ?

Comment durerai-je moi qui jamais allégresse

N’aurai plus, si elle ne me vient de vous ?

Comment durerai-je moi qui suis jaloux

De tout homme qui vers vous va et vient

Et de tous ceux à qui j’entends dire du bien de vous ?

 

 

Com viurai ieu tan coral sospir

Fatz nuoch e jorn que movan de pesança?

Com viurai ieu que non posc far ni dir

Autra sens vos ren que-m tenh’ad onrança ?

Com viurai ieu qu’als non port e membrança

Mas vostre cors e las plasents faiçons

E-ls cortés dichs umils et amoros?

Com viurai ieu que d’als non prèc de me

Dieu mas qu’ieu lais ab vos trobar mercé ?

 

Comment vivrai-je moi qui de si déchirants soupirs

Qui montent de ma peine pousse nuit et jour ?

Comment vivrai-je moi qui ne puis faire ni dire

A une autre que vous rien que je tienne à honneur ?

Comment vivrai-je moi qui ne me souviens pas des autres

Mais seulement de votre corps et de vos manières agréables

Et de vos propos courtois, humbles et amoureux ?

Comment vivrai-je moi qui ne demande pas autre chose

A Dieu que de me laisser trouver grâce à vos yeux ?

 

 

 

Que dirai ieu, dona, si no-m manten

Fina mercés sivals d’aitan qu’ieu vença

Ab mon fin cor et ab ma leial fe

Vostra rictat e vostra grand valença ?

Que dirai ieu si vos no-m faitz sofrença ?

Que dirai ieu qu’autra non posc veser

Qu’en drech d’amor mi posc’al cor plaser ?

Que dirai ieu qu’autra el mond non es

Que-m donès joi per nul ben que-m fesés ?

 

Que dirai-je moi, Madame, si ne me soutient pas
votre pitié sincère, du moins pour que je vainque

Avec mon cœur fidèle et avec ma foi loyale

Votre noblesse et votre  grande valeur ?

Que dirais-je moi, si vous ne m’êtes pas indulgente ?

Que dirai-je moi qui ne puis en voir une autre

Qui en droit amour puisse plaire à mon cœur ?

Que dirai-je moi si au monde il n’en est pas d’autre

Qui puisse me donner joie, quelque bien qu’elle me fasse ?

 

 

A la valent comtessa de Proença,

Car son sei fach d’onor e de saber,

E-il dichs cortés e-il semblant de placer,

An ma chansons, car cela de qui es

Me comandèt qu’a lèis la tramesés.

 

Qu’à la noble comtesse de Provence

Car ses actions sont d’honneur et de savoir

Et ses propos courtois et son maintien plaisant,

Aille ma chanson, car celle à qui elle appartient

Me commanda qu’à elle je l’adresse.

 Bernard de Ventadour  Savary-de-Mauleon.JPG

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25 mars 2013 1 25 /03 /mars /2013 19:26

    De nombreuses versions entourent la vie de cette « trobaïritz ». Elle appartiendrait à la seigneurie d’Anduze (Gard) et pourrait être la fille de Pierre Bremond, seigneur d’Anduze, baron et coseigneur de Sommières.

    Elle aurait épousé Hugues de Mirabel. Nous connaissons quelques épisodes de sa vie à travers l’œuvre de son amant, Uc de Saint-Cirq qu’elle aimait passionnément. Elle fut l’ami et la confidente d’une autre « trobaïritz », Azalaïs d’Altier.

   Il ne nous reste d’elle que ce poème que Mistral traduisit en provençal moderne.

Clara-d-Anduze.JPG

 

ŒUVRE :

   Cette chanson est pour Uc de Saint-Cirq. Elle s’y plaint de ceux qui sont venus contrarier son amour et assure son ami de sa fidélité malgré la souffrance et la colère qu’entraînent l’absence.

 

En grèu esmai et en grèu pensament

An mes mon cor et en granda error

Li lausengièr e-l fals devinador,

Abaissador de joi e de joven,

Car vos que am mais que res qu’el mond sia,

An fach de me departir e lonhar,

Si qu’ieu no-os posc veser ni remirar,

Dont mor de dol, d’ira et de feunia.

 

En grave émoi et en grave inquiétude

Et en grande erreur ont mis mon cœur

Les médisants et les espions fourbes

Qui rabaissent joie et jeunesse

Car vous que j’aime sur toute chose au monde

Ils vous ont séparé et éloigné de moi

De sorte que je ne puis vous voir ni vous regarder

Ce dont je meurs de douleur,de colère et de rancœur.

 

 

Cel que-m blasma vostr’amor ni-m defend

Non pot en far en ren mon cor melhor

Ni-l doç desir qu’ieu ai de vos maior,

Ni l’enveia ni-l desir ni-l talent

E non es om tan mos enemics sia,

Si-lh n’aug dir ben mais no-m pot dir ni far

Neguna ren que a placer me sia.

 

Celui qui me blâme ou m’interdit de vous aimer

Ne peut en rien rendre mon cœur meilleur

Ni accroître le doux désir que j’aie de vous

Ni mon envie, ni mes désirs, ni mon inclination ;

Et il n’est pas un homme, pour ennemi qu’il me soit

Que je ne tienne en estime, si je l’entends vous louer

Et s’il dit du mal de vous, de tout ce qu’il peut dire ou faire

Rien ne me sera jamais plaisir.

 

 

Ja no-os donètz, bèls amics, espavent

Que ja ves vos aja cor trichador

Ni qu’ie-os camja per nul autr’amador,

Si-m pregavan d’autras donas un cent;

Qu’amors que-m ten per vos en sa bailía

Vol qu’en mon cor vos estui e vos gard;

E farai o e s’ieu pogués emblar

Mon cors tal l’a que jamais non l’auria.

 

Bel ami, n’ayez jamais de crainte

Qu’envers vous j’aie le cœur trompeur,

Ni que je vous échange contre quelqu’un d’autre amoureux,

Même si m’en priaient cent autres dames ;

Car l’amour qui pour vous me tient en son pouvoir

Veut que je vous enferme et vous garde en mon cœur ;

Et je ferai ainsi, si je pouvais cacher

Mon cœur, tel qu’il ne l’aurait jamais fait.

 

 

Amics, tant ai d’ira e de feunia

Car non vos vei que quand ieu cug chantar,

Planh e sospir per qu’ieu non posc ço far

Ab mas coblas que-l cors complir volria.

 

Ami, j’ai tant de colère et de ressentiment

De ne pas vous voir, que lorsque je pense chanter,

Je me plains et soupire, de sorte que je ne peux faire

Avec mes couplets ce que mon cœur voudrait accomplir.

 

Uc-de-St-Cirq.JPG

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18 mars 2013 1 18 /03 /mars /2013 19:03

    Comtesse de Die (Drôme), elle fut l’épouse du seigneur Guillaume de Poitiers et s’éprit de Raimbaut d’Orange. Or ces deux troubadours ne l’évoquent jamais. Sa « vida » est peu explicite ; nous n’avons pas de grandes certitudes et la dimension du mystère ne doit pas nous faire oublier qu’elle est une des plus grandes poétesses de l’amour.

 Son œuvre aujourd’hui compte cinq pièces où l’on découvre, à travers un style de grande élégance, les évolutions  et les crises des sentiments amoureux. La versification subtile dénote une grande maîtrise de l’expression poétique émaillée d’une grande féminité dans la courtoisie amoureuse. L’une de ses œuvres est accompagnée de la composition musicale.

 

Beatrice de Dia

 

 

EXTRAIT :

Certainement le poème le plus célèbre de la comtesse. Elle revendique  avec force ardente et avec une expression poignante d’être considérée à l’égal de l’amant comme le définissent les règles chevaleresques.

 

A chantar m’er de ço qu’ieu non volria,

Tan me rancur de lui qui soi amia ;

Car ieu l’am mais que nula ren que sia :

Vas lui no-m val mercés ni cortesia

Ni ma beutats ni mos prètz ni mos sens ;

Qu’atressi-m soi enganad’e traia

Com degr’èsser, s’ieu fos desavinents

 

Il me faudrait chanter ce que je ne voudrai pas

Tant je me plains de celui dont je suis l’amie,

Car je l’aime plus qu’aucun être qui soit :

Envers lui ne me servent ni merci ni courtoisie

Ni ma beauté, ni mon mérite, ni mon esprit,

Car je suis trompée et trahie

Ainsi que je devrai l’être si j’étais déplaisante.

 

 

D’aiço-m conort, car anc non fi falhença,

Amics, vas vosper nula captenença ;

Ans vos am mais non fetz Seguins Valença,

E paltz mi mout que ieu d’amar vos vença

Lo mieus amics, car ètz lo plus valents,

Mi faitz orgolh en dits et en parvença

E si ètz francs vas totas autras gens.

 

Une chose me console : Jamais je ne commis de faute

Envers vous, ami, en aucune manière ;

Au contraire je vous aime plus que Seguin n’aima Valence

Et il me plaît fort qu’en amour je vous vainque ;

Mon ami, vous êtes le plus vaillant,

Mais vous me traitez avec orgueil en paroles et en actes

Alors que vous êtes affable avec tous les autres.

 

 

E membre vos quals fo-l començaments

Meravelh me com vostre cor s’orgolha,

Amics, vas me, per qu’ai rason que-m dolha ;

Non es ges dreits qu’autr’amors vos mi tolha,

Per nula ren que-os diga ni acolha.

De nostr’amor! Ja Donnedieus non volha,

Qu’en ma colpa sia-l departiments.

 

Je suis étonnée par l’arrogance de votre cœur

Envers moi, ami, et j’ai bien sujet de souffrir ;

Il n’est pas juste qu’un autre amour vous enlève à moi

Quels que soient les paroles et l’accueil qu’on vous fait.

Et qu’il vous souvienne de ce que fut le début

De notre amour ! Que Dieu ne veuille jamais

Qu’on m’impute la faute de la séparation.

 

 

Proesa grands, qu’el vostre cor s’aisina,

E lo ric prètz qu’avètz m’en ataïna;

Qu’una non sai, lonhdana ni vesina,

Si vol amar, vas vos non s’aclina;

Mas vos, amics, ètzben tan conoissents

Que ben devètz conoisser la plus fina ;

E membre vos de notres partiments.

 

La grande vaillance qui est en votre cœur

Et le grand mérite que vous avez m’ inquiètent,

Car je n’en sais pas une, lointaine ou proche,

Si elle veut aimer, qui vers vous ne se penche ;

Mais vous, ami, avez un si bon jugement

Que vous devez bien reconnaître la plus sincère ;

Et qu’il vous souvienne de nos jeux-partis.

 

 

Valer mi deu mos prètz e mos paratges

E ma beutats, e plus mos fins coratges ;

Par qu’ieu vos mand, lai ont es vostr’estatges,

Esta chançon, que me sia messatges

E volh saber, lo mieus bèls amics gents,

Per que vos m’ètz tan fèrs e tan salvatges ;

Non sai si s’es orgolhs o mal talents.

 

Je peux me prévaloir de mes mérites et de ma noblesse,

De ma beauté, et plus encore, de mon cœur sincère ;

C’est pourquoi je vous mande, là où vous demeurez,

Cette chanson, afin qu’elle soit mon messager ;

Je veux savoir, mon bel et doux ami,

Pourquoi vous m’êtes si cruel et si farouche ;

Et je ne sais si c’est orgueil ou malveillance.

 

 

Mas aitan plus volh li digas, messatges,

Qu’en trop d’orgolh an grand dan maintas gents.

 

Mais en outre, messager, je veux que tu lui dises

Que trop d’orgueil nuit fort à maintes gens.

IMGP1643

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16 mars 2013 6 16 /03 /mars /2013 15:43

   Comtesse de Die (Drôme), elle fut l’épouse du seigneur Guillaume de Poitiers et s’éprit de Raimbaut d’Orange. Or ces deux troubadours ne l’évoquent jamais. Sa « vida » est peu explicite ; nous n’avons pas de grandes certitudes et la dimension du mystère ne doit pas nous faire oublier qu’elle est une des plus grandes poétesses de l’amour.

    Son œuvre aujourd’hui compte cinq pièces où l’on découvre, à travers un style de grande élégance, les évolutions  et les crises des sentiments amoureux. La versification subtile dénote une grande maîtrise de l’expression poétique émaillée d’une grande féminité dans la courtoisie amoureuse. L’une de ses œuvres est accompagnée de la composition musicale.

Beatrice-de-Dia.jpg

EXTRAIT :

Dans cette chanson, elle dit sa douleur d’avoir été trompée et trahie et revendique avec franchise un amour charnel. Cette expression directe et claire du désir sexuel est exceptionnelle dans la tradition de l’art du « fin’s amor ». Elle rappelle le destin tragique de Floire dans son amour déçu pour Blanchefleur (personnages d’une chanson de geste médiévale).

Estat ai en grand consirièr              J’ai été en grande peine

Per un cavalièr qu’ai agut,              Pour un chevalier que j’ai eu,                   

E volh sia tots temps saubut           Et je veux que toujours on sache

Com ieu non li aimat a sobrièr.      Que je l’ai aimé jusqu’à l’excès.

Ara vei qu’ieu soi traïda,                Maintenant je vois que je suis trahie

Car ieu non li donèi m’amor,         Car je ne lui ai pas donné mon amour

Dont ai estat en gran error,            Et cela a été une grande erreur

En lèit o quand soi vestida.             Au lit ou tout habillée.

 

Ben volria mon cavalièr                 Je voudrais bien mon cavalier

Tener un ser en mos braç nut,       Tenir, un soir, nu, entre mes bras

Qu’el s’en tendrá per ereubut        Et qu’il se tienne pour comblé

Sol qu’al lui fesés coissilhièr;          Pourvu qu’il ait mon corps pour coussin

Car plus m’en soi abelida                Car je suis de lui plus éprise

Non fis Floris de Blancaflor.             Que Floire ne fut de Blanchefleur.

Mon cor ieu l’autrèi e m’amor,        Je lui donne mon cœur et mon amour,

Mon sen, mos uolhs e ma vida.         Mon esprit, mes yeux et ma vie.

 

Bèls amics, avinents e bons,              Bel ami, gracieux et bon

Quora-os tenrai en mon poder,         Si je vous tenais en mon pouvoir

E que jagués ab vos un ser,               Que je fusse couchée un soir avec vous

E que-os dès un bais amoros,            Et que je vous donne un baiser d’amour

Sachatz grand talent n’auria             Sachez que j’aurai grande envie

Que-os tengués en loc del marit        De vous tenir embrassé au lieu de mon mari

Ab ço qu’aguéssetz plevit                  Pourvu seulement que vous m’ayez promis

De far tot ço qu’ieu volria.                 De faire tout ce que je voudrai.

 

Raimbaut-d-Orange-1.JPG

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14 mars 2013 4 14 /03 /mars /2013 18:46

    Natif de Ribérac (Dordogne), il prit les chemins qui le conduisirent dans diverses régions et en particulier à Poitiers où il résida longtemps auprès de Richard Cœur-de-Lion puis à la cour d’Alphonse II d’Aragon, troubadour. Il assista au couronnement de Philippe Auguste en 1180. La plupart des détails de sa vie nous restent encore inconnus.

     Dante dans son Purgatoire de la Divine Comédie le considère comme « migglior fabro del parlar materno » ou le meilleur forgeron de sa langue maternelle et dans son « Traité de l’éloquence » comme le maître de « l’adequazione della forma alla materia » ou celui qui allie la forme au sens. Pétrarque loue sa maîtrise poétique et  le considère comme « le grand maître de l‘amour ».

    Il serait l’inventeur du genre poétique et métrique appelé sixtine (chanson composée de six vers pour six strophes composées de six rimes disposées en altenance ; le septième et drenier couplet comprend trois vers contenant les mots-clés du poème) que la postérité reprit avec ferveur en Italie et en Espagne.

    Il est reconnu donc comme le représentant de l’hermétisme de son temps et du « trobar clus »

(vers complexes ouverts seulement aux initiés)  et du « trobar ric » (concentration accrue de l’intensité de la forme).

    Il nous reste de lui, seize chansons, une sextine et une pièce humoristique.

Arnaut-Daniel.JPG

 

ŒUVRE :

Il faut considérer ce poème comme l’affirmation de son choix poétique où perce, à travers l’originalité des images et des métaphores, une élégance certaine et la maîtrise de la versification

En cest sonet coind’e lèri                 Sur  cet air aimable et joyeux

Fauc mots e capug e doli,                Je fais des mots que je chapuise et rabote

E seràn verai e cèrt                          Et ils seront sincères et vrais

Quand n’aurai passat la lima ;       Quand j’y aurai passé la lime ;                 

Qu’amors marvès plan’e daura     Car l’amour à l’instant polit et dore

Mon chantar, que de lèiis mou       Mon chant, qui me vient de celle

Que prtètz manten e govèrna.        Qui maintient et gouverne le mérite.

 

Tot journ melhor et esmèri,           Chaque jour je m’améliore et m’affine

Car la gençor sèrv e coli                 Car je sers et révère la plus gente

Del mond, ço-os dic en apèrt.         Du monde, je vous le dis ouvertement

Sieus soi del pè tro qu’en cima,      Je suis sien des pieds à la tête

E si tot venta-ilh freid’aura,           Et la froide bise a beau souffler

L’amors qu’ins el cor mi plou        L’amour qui dans mon coeur pleut

Mi ten caud ont plus ivèrna.           Me tient chaud au plus froid de l’hiver.

 

Mil messas n’aug e’n profèri          J’entends et offre mille messes

E n’art lum de cer’e d’oli                Et brûle flammes de cire et d’huile

Que Dieus m’en don bon issèrt      Afin que Dieu me donne bon succès

De lièis ont no-m val escrima ;       Auprès de celle contre qui lutter est vain ;

E quand remir sa crin saura          Et quand je contemple sa chevelure blonde

E-l cor gai, grailet e nou                  Son corps alerte, délicat et jeune

Mas l’am que qui-m dés Lusèrna.  Je l’aime mieux que si l’on m’offrait Lucerne.

 

Tan l’am de cor e la quèri                Je l’aime et la désire d’un si grand coeur

Qu’ab trop voler cug la-m toli,        Qu’à trop la vouloir je crois que je me la ravirais

S’om ren per ben amar pèrd.          Si l’on peut prendre un être à force de l’aimer

Que-l sieus cor sobretracima         Car son coeur submerge

Lo mieu tot e non s’eisaura;           Entièrement le mien et ne s’en détache pas

Tant a de ver fait renou                  Elle si bien fait l’usure en cela

Qu’obrador n’a e taverna.             Qu’elle en a l’atelier et la taverne.

 

Non vuolh de Roma l’empèri         Je ne veux ni l’empire de Rome

Ni qu’om m’en fass’apostoli,         Ni qu’on m’en nomme le pape

Qu’en lièis non aja revèrt              Si je ne peux revenir vers celle

Per qui m’art lo cors e-m rima.    Pour qui mon coeur brûle et se ronge

E si-l maltrach no-m restaura       Et si elle ne me guérit pas de mon tourment

Ab un baisar ans d’an nou,            Par un baiser, avant l’an neuf

Mi auci e si enfèrma.                       Elle me tue et se damne.

 

Ges pei maltrach qu’ieu sofèri       Nullement le tourment que j’endure

De ben amar no-m destoli,             Ne me détourne de bien aimer,

Si tot me ten en desèrt,                   Bien qu’il me retienne en solitude

Qu’aissi fatz los mots en rima.      Car il me permet de mettre mes mots en vers

Pièg trac amant qu’om que laura,  Je supporte pis, en aimant, qu’un homme qui

                                                                       travaille,

Qu’anc plus non amèt un uou        Car jamais n’aima davantage, fût-ce d’un oeuf

Cel de Monclin N’Audièrna.           Le sire de Monclin Dame Audierne.

 

Ieu soi Aranauds qu’amas l’aura  Je suis Arnaud qui amasse le vent

E chaç la lebr’ab lo buou                Je chasse le lièvre à l’aide du boeuf

E nadi contra soberna.                    Et je nage contre la marée.

 

Monclin est le héros d’un roman d’amour perdu aujourd’hui.

Lire Pèire d’Auvergne sur ce que lui inspire la métaphore de chasser le lièvre à l’aide d’un bœuf et la nage à contre-courant.

 

 (Dante dans le Purgatoire de la Divine Comédie reprend ces dernier vers en écrivant : « je suis Arnaud qui pleure et vais chantant ; je contemple avec peine ma folie passée, et je regarde avec joie devant moi la joie à laquelle j’aspire »).

 

 La pensée du poète est bridée par le rigorisme de la forme et atteint ainsi une sorte d’étrangeté et de caprice formaliste au point que l’érotisme apparent du texte se sublime en signification mystique.

 

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9 mars 2013 6 09 /03 /mars /2013 17:58

    Originaire de la région de Gap, il était selon sa « Vida » le fils d’un jongleur, N’Asar, dont il hérita les goûts et la maîtrise. Dans « La Biographie des Troubadours », l’auteur  relève  la qualité mélodique de ses chansons : « fez de bonas cansonetas ».

    Très tôt, il choisit de cheminer dans les cours régionales et en particulier à Orange  En visitant la Lombardie il résida longtemps auprès des familles illustres telles les Malaspina, les Estes où il connut les troubadours, Guilhem Augier, Aimeric de Péguilhan et Aimeric de Belenoi.

    Revenu à la cour de Savoie, il se dirigea vers la cour des comtes d’Auvergne ; il s’associe à l’art troubadouresque de Gaucelm Faidit, de Peirol et de Dalfi d’Alvernha.

    Il part en Aragon à la cour du roi d’Aragon

    Il revint à Sisteron où il mourut.

    Son activité poétique se situe entre 1195 et 1220 environ. Il nous a laissé une trentaine de pièces dont quinze « cançons » avec, pour certaines, leurs mélodies, des « tensons » et un « descort » ou conflit.

 

Albertet-de-Sestairon--2-.JPG

ŒUVRE :

    La saison douce aiguise le désir de l’amant envers sa belle dont il vante les qualités ; or, l’évocation des plaisirs espérés avive aussi la tristesse que cause l’éloignement de l’aimée. Ce « désaccord » est un thème récurrent dans l’art du troubadour et fonde la courtoisie entre l’espoir et le chagrin, l’attente et l’inquiétude. L’amour devient tension physique et torture morale.

 

Bèl m’es uoimais                               Il me plaît désormais

Ab la doça sason gaia                       Avec la saison douce et gaie

Que sia gais                                       D’être gai

E qu’un grand descort retraia,       Et d’exposer un grand descort

Qu’un jois verais                              Puisqu’une joie vraie

M’alegra-l cor e apaia                     Me réjouit le coeur et l’apaise

Qui-m ven e nais                              Et qu’elle vient et naît

De lèi qui joi e be-n aia.                   De celle qui puisse en avoir joie et bien.

 

Per qu’ieu volh faire                        C’est pourquoi je veux faire

E dit e retraire                                 Et dire et exposer

Si com fins amaire                           Comme un parfait amoureux

Tot quant a lèi plaia.                       Tout ce qui peut lui plaire.

Qu’al mieu vejaire                           Car à mon avis

Bèl’e de bon aire                              Elle est belle et de bonne lignée

Es e no-ilh paltz gaire                      Et ne lui plaît guère

Avols gents savaia.                           La vile gent misérable.

 

Ni lausenjaire                                   Aucun médisant

Vilans mal parlaire                          Vilain et mauvaise langue

Non pot dir ni braire                        Ne peut dire ni rapporter

Ren que no-ilh eschaia ;                  Rien qui lui convienne ;

Mas de bèl aire                                 Mais de plus belle lignée

Es de nul repaire                              N’est dans nulle demeure

Tal joi dont m’esclaire                     Telle joie qui m’éclaire

Volha Dieu qu’ieu n’aia.                  Dieu veuille que je l’aie.

 

Qu’en mos braç la tenha                  Que dans mes bras je la tienne

Un ser a ma guisa                             Un soir à ma guise

E vert mi l’estrenha                          Et contre moi l’étreigne

Tota nua sens camisa!                      Toute nue et sans chemise!

Que tan l’ai enquisa                          Et je l’ai tant désirée

E s’amar me denha                           Et si elle daigne m’aimer

Monta i bon’amor conquisa.            J’aurai conquis un très bon amour.

 

Qu’el’es valents                                 Car elle est noble

Bèl’e gai’e cortesa                             Belle et gaie et courtoise

Doç’e plasents                                   Douce et gracieuse

E de tot ben apresa                           Et en tout bien élevée

E conoissents,                                    Et instruite

Per que-i ai m’amor mesa ;             C’est pourquoi j’ai mis en elle tout mon amour ;

Mas non es gents                              Mais l’amour n’est pas

L’amors egal devesa.                       Partagé également.

 

Qu’ieu mor amant                           Car je meurs d’amour

Per lèi tan la desire                          Pour celle que je désire tant

Et ilh non bland                               Mais elle ne fait cas

Mon mal ni mon martire,               De mon mal ni de mon martyre,

Ni fai semblant                                 Et me laisse voir

Que ren l’enuèg ni-lh tire ;             Que cela en rien ne la chagrine ni l’ennuie ;

Dont soi ben fols                               Aussi je suis fou

Qu’ieu i ai m’amor misa.                D’avoir en elle mis tout mon amour.

 

Mas ilh o fai                                      Mais elle le fait

Per essai,                                           Comme épreuve,

Per semblança,                                 Apparemment

E non partrai                                    Et je ne séparerai pas

Del sieu plai                                       De son accord

M’esperança ;                                   Mon espoir ;

Ans l’atendrai                                   Mais j’attendrai

Tro que n’ai                                     Jusqu’à ce que j’en ai

Alagrança                                         Allégresse

Car gencer es                                    Car elle est la plus noble

Que fos d’amor enquisa.                 Qui d’amour fut requise.

 

Ai ! Car t’en vai                               Ah ! Va-t-en

Descort lai                                        Là-bas, désaccord

E t’enança                                        Et hâte-toi

Al marqués gai,                               Chez le gai marquis

Car el fai                                          Car il fait

Sens doblança.                                 Sans aucun doute.

 

Gaucelm Faidit  Aimeric-de-Belenoi.JPG

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2 mars 2013 6 02 /03 /mars /2013 11:05

   Seigneur d’Aups (Var) et des châteaux voisins (Vérignon, Baudinard, Carros, Châteauneuf, Thorenc et Tourtour), il chante autant l’amour que la guerre et surtout la bonne chair, les bons vins et les plaisirs de la vie.

    Il entra dans la cour du comte Raimond de Bérenger IV de Provence où, selon les événements, il endosse les armures pour, avec vigueur et courage, défendre son comte puis chanter les belles maîtresses, les bonnes tables aux plats et vins délicieux.

    Il porte un regard critique sur certains troubadours de son temps.

    Nous conservons une douzaine d’œuvres.

    Il nous est connu par le chant élégiaque de  son ami Sordello, troubadour comme lui.

Blacatz.JPG

 

Œuvre :

    Pour Pèire, l’amour véritable se prouve par la constance affective et la fidéklité amoureuse. Blacatz présente l’amour comme le fruit du désir et de la jouissance, l’expression du plaisir sensuel et sexuel.

 

Pèire Vidal, puisqu’il m’advient de faire une « tenson ».

 

Pèire Vidal, pos far m’aven tençon,

No-os sia grèu, si-os demand per cabal

Per qual rasonavètz sen tan venal

En maints afars que no-os tornan a pron,

Et en trovar avètz saber e sen;

Et qui ja vièlhs en aital loc atend

Et en jovent n’es atressi passats

Mens n’a de ben que si ja non fo nats.

 

- Pèire Vidal, puisqu’il m’advient de faire une tenson,

Ne soyez pas fâché si je vous demande en priorité

Pour quelle raison vous avez un sens si vénal

En maintes affaires qui ne vous rapportent pas beaucoup,

Alors que dans le trobar vous avez savoir et sens ;

Et celui qui déjà vieux espère ainsi

Et a ainsi passé sa jeunesse,

A moins de bien que s’il n’était jamais né.

 

-Blacatz, non tenh ges vostre sen per bon

Car anc partitz plaid tan descomunal,

Qu’ieu ai bon sen e fin e natural

En tot afar per que par ben qui son ;

Et ai m’amor mesa e mon jovent

En la melhor et en la plus valent,

Non volh pèrdre los guisandons ni-ls grats,

Car qui-s recré es vilans e malvats.

 

                                 - Blacatz, je ne tiens guère votre jugement pour bon,

Car jamais vous n’avez débattu d’un sujet si peu commun ;

Car moi j’ai du bon sens, fin et naturel

En toute chose, et par là on me reconnaîtra bien :

J’ai mis mon amour et ma jeunesse

En la meilleure et la plus noble,

Et je ne veux perdre ni la récompense ni le gain,

Car celui qui se dédit est vilain et mauvais.

 

-Pèire Vidal, ja la vostra rason

Non volh aver a midons que tan val,

Que-lh volh servir a tots jorns per engal

E d’ela-m platz que-m fassa guisardon

Et a vos lais lo long atendement

Senes jausir, qu’ieu volh lo jausiment ;

Car longs atendres sens joi ço sachatz

Es jois perduts qu’anc uns non fo cobrats.

 

                                           - Pèire Vidal, jamais votre raisonnement

Ne voudrais tenir à ma dame qui a tant de valeur

Car je veux la servir tous les jours de manière égale

Et il me plaît qu’elle m’accorde sa récompense ;

Et je vous laisse la longue attente

Sans plaisir, car moi je désire le plaisir ;

Or une longue attente sans joie, sachez-le,

Est une joie perdue qui jamais ne sera recouvrée.

 

-Blacatz, non soi ieuges d’aital faiçon

Com vos autres a qui d’amor non cal.

Grand jornada volh far per bon ostal

E long server per recebre gent don,

Non es fins druds cel que-s camja sovent

Ni bona dona cela que-lh consent ;

Non es amors ans es engans proats

S’uoi enquerètz e demand o laissatz.

 

  - Blacatz, je ne suis pas du tout fait de semblable façon

Que vous autres, à qui l’amour n’importe pas.

Je veux faire grande étape pour une bonne hospitalité

Et servir longtemps pour recevoir un noble présent.

Il n’est pas un amant parfait celui qui change souvent,

Et elle n’est pas une noble dame qui consent à cela ;

Ce n’est pas de l’amour, mais une tromperie avérée,

Si vous demandez aujourd’hui et renoncez demain.

 

Voici le texte du troubadour Sordello en hommage posthume à Blacatz :

 

Je veux pleurer, sur cette simple mélodie

 

« Je veux pleurer sur cette simple mélodie

Avec un cœur triste et dolent, et j’aurai raison de le faire

Car en lui j’ai perdu un bon seigneur et ami,

Et toutes ses valeureuses qualités sont perdues par sa mort.

La perte est si mortelle que je n’ai plus espoir

Que jamais on la répare, à moins qu’on ne fasse en sorte

De prendre son cœur et qu’en mangent les barons

Qui n’en ont pas, afin qu’ensuite ils en aient assez.

 

Que le premier il mange de ce cœur, car grand besoin lui est,

L’empereur de Rome, s’il veut les Milanais

Conquérir par la force ; car c’est lui qu’ils tiennent conquis

Et qui vit déshérité en dépit de ses Allemands. (l’empereur Fréderic II)

Et après lui qu’en mange le roi de France, (Saint Louis)

Puis il recouvrera la Castille qu’il perd par niaiserie :

Mais si cela déplaît à sa mère, il n’en mangera point,

Car à son honneur on voit bien qu’il ne fait rien qui lui déplaise.

 

Pour ce qui est du roi d’Angleterre (Jean sans Terre), me plaît, car il a peu de cœur,

Qu’il en mange à souhait ; il en deviendra vaillant et fort,

Et il conquerra la terre pour laquelle il vit dépourvu de mérite

Et que lui prend le roi de France, qui le sait indolent.

Et le roi de Castille, il convient qu’il en mange pour deux,

Car il tient deux royaumes et n’a pas de cœur pour un seul !

Mais s’il veut en manger, il faut qu’il le fasse en cachette

Car si sa mère le savait, elle lui donnerait du bâton.

 

Et le roi d’Aragon (Jacques Ier d’Aragon), je veux qu’il mange de ce cœur,

Car cela le fera dégorger de la honte

Qui lui vient de Marseille et de Millau ; il ne peut retrouver

Son honneur autrement quoi qu’il puisse dire ou faire

Et ensuite je veux qu’on donne de ce cœur au roi de Navarre

Qui valait mieux que ce roi, à ce que j’entends conter.

Il est dommage quand Dieu a fait accéder un homme au plus haur rang

Qu’il perde toute valeur parce qu’il manque de courage.

 

Le comte de Toulouse (Raymond VII), grand besoin est qu’il en mange,

S’il se souvient de ce qu’il avait et de ce qu’il a ;

Car si d’un autre cœur il ne répare pas sa perte,

Il ne semble pas qu’il la répare avec le sien.

Et le comte de Provence, il faut qu’il en mange, s’il se souvient

Qu’un homme qui vit déshérité ne vaut pas grand-chose :

Et malgré ses efforts pour se défendre et se maintenir,

Il est nécessaire qu’il mange de ce cœur pour le grand fardeau qu’il porte.

Les barons me voudront du mal pour ce que je leur dis bien,

Mais qu’ils sachent que je les estime aussi peu qu’ils m’estiment

 

Beau réconfort, pourvu qu’auprès de vous je puisse trouver merci

Je méprise celui qui ne me tient pas pour son ami ».

 

Ce poème, à part la première strophe où l’auteur déplore la perte de son ami, se transforme en terrible réquisitoire contre les diverses autorités royales ou comtales qui, à l’opposé du « cœur » de son réconfort défunt, ne sont que lâcheté, égoïsme, faiblesse et insincérité.

 

Peire Vidal 1 Sordello.JPG

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