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6 juillet 2014 7 06 /07 /juillet /2014 15:53

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1. Contexte :

    La conquête de l’ancienne vicomté de Trencavel, fin 1240, fait de la région une marche frontière avec les domaines catalano-aragonais dont les contentieux sont loin d’être réglés. En effet, à Carcassonne, avec la complicité de certains habitants, Olivier de Termes s’empare du Bourg Saint-Vincent mais ne peut investir la Cité. Le 11 octobre, après trente-quatre jours, il doit lever le siège à l’arrivée de l’armée de secours envoyée par le roi de France et conduite par jean de Beaumont. Il se réfugie avec les siens dans Montréal à son tour assiégée par les Français. Les dames de la noblesse participent à la défense de la place à son tour assiégée par les Français, dans laquelle se trouvent l’évêque de l’Eglise cathare du Carcassès, Pierre Paulhan et plusieurs parfaits. Leur fuite est organisée par Jourdain de Lanta, Pierre de Mazerolles et Guiraud Hunau, tous trois chevaliers de Raymond de Péreille.    Les Bons hommes trouvent refuge à Besplas. L’intervention diplomatique des comtes de Foix et de Toulouse met fin au siège de Montréal.

     Si l’armée occitane peut partir saine et sauve, le castrum est rasé comme le sont d’autres localités qui ont apporté leur soutien à Trencavel. Les suspects d’hérésie sont marqués au fer rouge d’une croix au front. Jean de Beaumont engage une course poursuite derrière les occitans, s’empare de leur arrière-garde, pend quelques « faidits ». Il assiège Laroque-de-Fa défendue par Olivier de Termes. Contraint à la reddition Olivier n’est pas inquiété et, six mois plus tard, présentera sa soumission au roi de France avant de retrouver son exil catalan. En 1246, il renoncera définitivement à tous ses droits et son engagement dans la croisade de Terre Sainte  libérait alors le roi de tout danger de représailles éventuelles venant du sud des Pyrénées.

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    Le 16 novembre 1240, après trois jours de siège, Guillaume de Peyrepertuse livre sa forteresse des Corbières. Suit la reddition de Géraud de Niort à Duillac.

    Pour assurer ses frontières, Louis IX devait donc résoudre le problème de la maison de Barcelone.

    Jacques Ier dit « le Conquérant », fils et héritier de Pierre II d’Aragon (qui mourut lors de la bataille de Muret), était seigneur de Montpellier, comte de Barcelone et roi d’Aragon et pouvait toujours revendiquer la suzeraineté de la vicomté de Trencavel et quelques autres droits fort disséminés tels que Millau et la vicomté de Gevaudan. En outre, en tant que comte de Barcelone, il avait toujours dans sa mouvance, au nord des Pyrénées, la Roussillon, le Vallespir et le Conflent. Mais il y avait aussi, tout près de là, le Fenouillèdes et, dans les hautes Corbières, le Peyrepertusès qui étaient des terres vassales du comté du Roussillon. Elles constituaient une marche frontière entre les Etats de Jacques 1er et ceux de Louis de France dont l’intérêt stratégique était d’autant plus grand qu’elles étaient hérissées de redoutables forteresses, Puilaurens, Peyrepertuse, Queribus pour ne citer que les plus importantes. IMGP7176

    Cette marche était de surcroît profondément imprégnée d’hérésie. Il y avit un diaconat cathare aux Fenouillèdes ; Puilaurens abritait en 1242 une très importante communauté de parfaits et de parfaites aux besoins de laquelle pourvoiyait un seigneur du Peyrapertusès, Bérenger de Cucugnan (localité du célèbre curé de Cucugnan, l’abbé Marti) et que visitaient de nombreux croyants dont le sergent Imbert de Salles, venu de Montségur (nous avons écrit un long article sur sa déposition devant le tribunal de l’inquisition le 19 mai 1244 voir fg occitanie). Des parfaits résidaient dans le château voisin de Fenouillet dont le seigneur fut accusé, à titre posthume, d’être mort en hérétique. Puilaurens devint français aux environs de 1250 sans que les sources nous disent s’il abritait toujours des hérétiques. Guillaume, seigneur de Peyrepertuse nommément désigné comme « ennemi de la paix et de la foi » par le Concile de Toulouse de novembre 1229 ne se livra avec toute sa terre à l’armée royale qu’en 1240 après l’échec du soulèvement de Trencavel auquel il avait participé. Au demeurant Louis IX avait déjà acheté Peyrepertuse et ses dépendances l’année précédente au comte de Roussillon, Nuno Sanchez.IMGP7220.JPG

Village de Cucugnan depuis le châtreau de Queribus.

    Quant à Quéribus, où l’évêque cathare du Razès, Benoît de Termes s’était réfugié sitôt après le Traité de Paris (1229), il servait d’asile quand Imbert de Salles le visita fin 1241 ou début 1242 aux parfaits Raymond de Narbonne et Guillaume de Bugarach ainsi qu’au diacre du Fenouillèdes Pierre Paraire.

    Ils étaient tous trois sous la protection du chevalier Chabert de Barbaira, un « faidit »  notoire qui avait rallié Trencavel lors de son soulèvement de 1240. Il n’était pas seigneur de Quéribus qui n’a jamais été autre chose qu’un poste militaire, une forteresse satellite de Peyrepertuse. Les domaines de Barbaira étaient situés dans la basse vallée de l’Aude. Il est vraisemblable que Chabert s’était réfugié, comme tant d’autres « faidits » et des clans familiaux du Lauragais, sur les terres du roi d’Aragon. S’il est à Quéribus en 1241-1242 c’est parce qu’il tient la place pour le compte de du seigneur de Fenouillèdes., Pierre de fenouillet à qui succédera l’année suivante son fils Hugues de Saissac.

    Mais on ne sait si Quéribus abritait encore des parfaits au printemps 1255 lorsque Louis IX ordonna au sénéchal de Carcassonne, Pierre d’Auteuil de s’en emparer.

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2.     Les Faits.

    En ordonnant de s’en emparer, le roi s’assurait de forteresses défensives contre les ambitions de conquête de la Maison de Barcelone et extirpait les lieux des hérétiques qui y résidaient et poursuivaient leur mission prédicatrice aux alentours.

    En octobre 1254, les habitants de Montpellier, unis derrière leurs consuls et ligués avec l’évêque de Maguelonnes, s’étaient rebellés contre  Jacques Ier. L’évêque le 15 avril 1255 devant le sénéchal de Beaucaire Guillaume d’Auton avait proclamé que son domaine épiscopal de Montpellier avait toujours été en fief des rois de France et que si jacques était le seigneur de Montpellier ce n’était pas à titre de roi d’Aragon mais en tant que vassal à lui, l’évêque. Il rendait ainsi Jacques Ier vassal du roi de France.

    Décidé de résoudre le conflit, Jacques Ier demanda au roi de France de lui accorder le droit de traverser ses terres pour se rendre à Montpellier. Le Roi accepte le passage des troupes aragonaises à condition que celles-ci ne causent aucun dégât. Il écrira dans ce sens au sénéchal de Carcassonne lui prescrivant de rester en dehors du conflit, d’autoriser seulement le passage après avoir pris toutes les garanties nécessaires et nomme deux observateurs, Pierre de Voisins et le maréchal de Mirepoix, Guy II de Levis. Il interdira à ses sujets de s’engager dans l’armée de jacques Ier. En fait, le roi Jacques Ier ne bougea pas immédiatement. IMGP7631

    Conquérir Quéribus devenait, pour le roi Louis IX, s’assurer une place forte et stratégiquement très importante, sur un piton dominant la plaine de Fenouillèdes et une grande partie du Roussillon ; il récupérait ainsi son achat de 1240 pour le  Peyrapertusès dont Quéribus était un satellite. En 1255, le roi de France fit occuper la château et chasser Chabert de Barbaira devenu allié de jacques Ier.

    Le 5 mai 1255, le sénéchal Pierre d’Auteuil écrivit à l’archevêque de Narbonne et aux évêques de sa province pour leur dire qu’ayant reçu l’ordre royal d’assiéger Quéribus et ayant commencé l’opération ils devaient lui fournir les aides normalement dues au souverain.

   En mai 1255, Chabert de Barbaira écrit : « Moi, Chabert de Barbaira, chevalier, je restitue et remets au très excellent seigneur Louis, par la grâce de Dieu illustre roi de France, et à vous, seigneur Pierre d’Auteuil, chevalier, sénéchal de Carcassonne et de Béziers, qui le recevez en son nom, le château de Quéribus, qui est du fief du roi, avec toutes ses appartenances… Je promets de remplir cet engagement et je le jure sur les Saints Evangiles ». Puis il lui présente ses cautions, Philippe de Montfort et Pierre des Voisins, qui seront chargés d’accomplir ses engagements et ceux-ci signent : «… S’il venait à y faillir, nous paierions au seigneur les mille marcs d’argent sur son ordre ou sur le vôtre Nous nous obligeons sur nous-mêmes et tous nos biens meubles et immeubles. Lorsque vous, seigneur sénéchal, aurez remis Chabert au pouvoir du roi pour qu’en sa présence il se soumette ç sa volonté, nous serons libres et dégagés de de l’obligation susdite ».

On ne sait rien sur les opérations du siège.

 La reddition de Quéribus marque le début du règlement politique entre les rois de France et d’Aragon. Les tractations furent difficiles et à l’été 1256 les médiateurs n’étaient arrivés à aucune solution. Sur les terrains les tensions devenaient croissantes. Mais les rois reprirent leurs négociations ; le 11 mars 1258, Jacques Ier envoya trois ambassadeurs à la cour de France dont l’évêque de Barcelone avec mission de composer avec Louis IX. Leur ordre de mission fait un inventaire précis et complet des domaines en litige : « Nous vous donnons pouvoir de transiger et composer à notre place et notre nom avec Louis, par la grâce de Dieu illustre roi des Français, sur tout droit que nous possédons ou devons posséder sur Carcassonne et le Carcassès, Rennes et le Razès, Laurac et le Lauragais, Termes et le Termenès, Minerve et le Minervois, Fenouillet et le Fenouillèdes, Peyrepertuse et le Peyrapertusès, le comté de Millau et de Gevaudan, Nîmes et le Nîmois, le comté de Toulouse et de Saint-Gilles, et sur toute autre terre et juridiction de feu le comte de Toulouse, et sur tous leurs revenus. Nous vous donnons pouvoir de céder et abandonner à perpétuité ces droits au roi et aux siens… Nous vous donnons également pouvoir de transiger et composer avec le roi de France et de recevoir de lui cession et abandon de tout droit qui qu’il prétend avoir  sur le comté de Barcelone, et de tout droit, s’il en a ou croit en avoir, sur les comtés de Bésalu, Roussillon, Empurdàn, Cerdagne et Conflent… ».

Louis IX reçoit les ambassadeurs à Corbeil où fut rédigé et scellé le Traité. Jacques d’Aragon le ratifia le à Barcelone le 11 juillet 1258. Cette frontière  délimitera les deux royaumes pendant quatre siècles jusqu’au Traité des Pyrénées de 1639.   IMGP7238

BIBLIOGRAPHIE :

COLLECTIF : Les Cathares, MSM, 2000.

ROQUEBERT (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Perrin, 2006-2007.

ROQUEBERT (M.) : Histoire des cathares, Perrin, 2002.

DUVERNOY (J.) : Le catharisme, 2 tomes, Privat, 1976 et 1979.

Cahiers de Fanjeaux, numéros 4, 14, 20,  Privat.

BOURRET (Ch.) : Les Pyrénées centrales du IXe au XXe siècles, la formation progressive d’une frontière, Pyrégraph, 1995.

DE BEAUMONT (R.) : Les Croisades franques d’ Espagne, Toucan 2011.

 

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