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11 octobre 2014 6 11 /10 /octobre /2014 15:45

IMGP2895

    Afin de rompre avec les élucubrations et divagations qui continuent à encombrer les esprits, à perturber gravement les sites respectables et à provoquer des fouilles sauvages, revenons à la réalité simple des faits et des témoins.

    Avant la Noël de 1234, l’évêque Bertrand Marty décida de mettre en sécurité les avoirs de la communauté religieuse. Il confia « l’or, l’argent et une quantité infinie de monnaies » au diacre Pierre Bonnet et au parfait Mathieu.

    Voici la déposition du sergent Imbert de Salles devant l’inquisiteur Frère Ferrer avec pour témoins Pierre Aribert et le notaire Guiraud Trépat au tribunal de l’inquisition le 19 mai 1244 : « …l’hérétique Mathieu m’a dit que lui-même et Pierre Bonnet, diacre des hérétiques de Toulouse quand ils sortirent de Montségur et en tirèrent l’or, l’argent et une quantité infinie de monnaie (aureum, et argentum et peccuniam infinitam) passèrent par là où les hommes de Camon montaient la garde. Ceux-ci leur donnèrent l’endroit et les chemins par où passer et sortir librement. Ces hérétiques allèrent alors à une grotte de Sabarthès tenue par Pons-Arnaud de Châteauverdun. C’était aux environs de l’année dernière… ». 

    Les gens de Camon, enrôlés de force dans l’armée royale étaient des voisins de Montségur, en tous cas des compagnons sinon des sympathisants de la cause cathare. Pons-Arnaud de Château de Verdun est le frère de Ath-Arnaud de Châteauverdun, l’époux de Séréna, une sœur de Pierre-Roger de Mirepoix

    Le second témoin, Arnaud-Roger de Mirepoix, frère de Raymond de Péreille et époux de Cécile de Montserver, dans sa première déposition devant le tribunal de l’inquisition le 22 avril 1244 déclare : « …Item, quand les parfaits sortaient du château de Montségur pour être livrés à l’Eglise et au Roi, Pierre-Roger de Mirepoix Retint au château Amiel Aicart et son compagnon Huc, et, de nuit, après que les autres parfaits eurent été brûlés en masse, ledit Pierre-Roger les cacha, et ils s’évadèrent. Et cela fut fait pour que l’Eglise des hérétiques ne perde pas son trésor (thesaurus ) qui était caché dans les bois. Et je l’ai entendu dire à Alzieu de Massabrac qui les avait vus et à Guillaume Dejean de Lordat qui les vit après leur évasion… ».IMGP7665.JPG

    Il est le seul à parler de trésor à l’origine de tant d’affabulations.

    A la veille du siège (printemps 1243), le  château et le village construit à ses pieds abritaient entre quatre et cinq cents personnes. Autour des seigneurs de Montségur, Raimond de Péreille et Pierre-Roger de Mirepoix vivent leurs familles, la communauté civile d’écuyers, d’hommes d’armes, de « faydits » et de leurs proches, des visiteurs et des personnes qui séjournent plus ou moins longtemps. La communauté religieuse est constituée de plus de deux cents personnes. Tout ce monde s’est parfaitement organisé. Il y a un portier, le sergent Guillaume de Gironda, un meunier, le parfait Pons Aïs, une fournière Guillelme Marty. Bons Hommes et Bonnes Femmes travaillent, les premiers, dans un atelier de tailleurs qui fabrique des pourpoints pour les soldats ; les secondes, dans un atelier, dirigé par Marquésia Hunaud de Lanta, qui confectionne des vêtements pour les femmes et des chausses pour les hommes, chacun employant plus de cent personnes. Un parfait est barbier, un autre cordonnier, S’y trouve même un médecin, Arnaud Rouquier et son épouse, et un ingénieur en machines de guerre, Bertrand de la Vacalerie à partir de janvier 1244.

    Il fallait donc nourrir, vêtir, équiper les servants d’armes du château, entretenir les cent chevaliers compagnons de Raimond de Péreille et faire vivre les cinq ou six cents femmes, enfants, vieillards, malades et réfugiés. Il y avait donc un trésor commun à Montségur ; les deux coseigneurs devaient avoir leurs trésoreries propres. Les nombreux paysans qui dès 1232 vinrent plus ou moins clandestinement à Montségur pour y apporter du vin, du sel, de l’huile, du blé, du pain, des poissons et autres nourritures «  les vendaient indistinctement au hérétiques et aux autres du château ». La communauté religieuse avait besoin d’argent pour se nourrir, acheter les matériaux pour les ateliers, monnayer les services rendus. Les parfaits et parfaites payaient les escortes de chevaliers et sergents qui les accompagnaient dans leurs déplacements. Une provision numéraire pour les besoins de l’Eglise cathare est nécessaire et légitime. Ce fut vrai pour les parfaits et parfaites de Montségur mais pour bon nombre de communautés cathares que la clandestinité, la persécution et la complicité obligèrent à disposer de disponibilités financières pour pouvoir acheter ou gratifier les protections et les services.

    Des croyants au terme de leur vie après avoir été reçus et consolés donnaient des legs (champs, produits agricoles, animaux ou argent selon leurs richesses) comme l’avoue  Arnaud-Roger de Mirepoix devant le tribunal dans ses deux dépositions, les 22 avril et 27 mai 1244, et qui fut témoin de quatorze consolaments. Par ailleurs, dans la société cathare il était de tradition de faire l’aumône ; elle pouvait se faire en nourriture : nourriture, vin, vêtements mais aussi en argent ; or cet argent allait au trésor de la communauté et non au parfait à qui on l’avait remis puisque la règle lui imposait de vivre du travail de ses mains, point de la charité publique. Legs, aumônes et collectes constituaient et alimentaient les « trésors » cathares sans oublier la vente des produits de leur travail et celui de leurs activités bancaires avec les échanges commerciaux. Si Marquésia de Lanta donna des voiles, des chemises et des gants à sa petite-fille Philippa, elle dut bien en vendre aux pèlerins, visiteurs et colporteurs qui venaient à Montségur. Ni le meunier Pons Aïs ni la boulangère Guillelme d’En Marty ne devait gratuitement moudre du blé ni cuire le pain des Mirepoix, des Péreille et des autres. Les besoins en numéraire étaient astreints à une économie d’échanges et non de production pour tout ce qui concernait la nourriture, les objets de la vie quotidienne et les matières premières nécessaires à l’artisanat de transformation, outre les dépenses liées au renforcement des systèmes de défense.

    Entre le 4 et le 13 mars 1244, les parfaits et les parfaites distribuèrent à ceux qui allaient survivre tout ce dont eux-mêmes n’auraient plus besoin désormais comme l’avoue Imbert de Salles devant le tribunal de l’inquisition le 19 mai 1244 : «  Un hérétique de Toulouse, fabricant de bourses, me donna des souliers. L’hérétique Pierre Sabatier me donna deux sous melgoriens, Rixende Donat de Toulouse, un bonnet de lin et une bourse ; Raymond Agulher et Guiraude de Caraman, des braies et la supérieure, Rixende de Telle, dix sous melgoriens. C’était à la dernière Mi-Carême… ».

     Le fils mineur de Bertrand Marty donna cinq sous à Guillaume Bouan qui apprit que, la veille du bûcher, tous les autres sergents avaient reçu la même somme. Le diacre Raymond de Saint-Martin remit « quinze cents toulzas à Pierre-Roger de Mirepoix pour qu’il les distribue à titre de solde ou de don… ». Pierre-Roger reçut, pendant la trêve, quatre cent sous de la main du parfait Jean de Combel.

    De la déposition d’Imbert de Salles nous savons que : «… Pierre-Roger de Mirepoix enleva de la maison de l’évêque Bertrand Marty le poivre, l’huile, le sel, la cire et une couverture de perset vert et garda le tout. Il enleva la plus grande quantité du blé des hérétiques et cinquante pourpoints qu’ils avaient personnellement fait faire… J’ai vu Guillaume-Azéma de Vals enlever un plein coffre de froment qui était à l’hérétique Raymonde de Cuq. C’était avant la Mi-Carême… ».

    Dans le souci de ses compagnons de l’Eglise clandestine, Bertrand Marty confia une mission dont parle Imbert de Salles : «… Bertrand Marty me dit de dire à son frère  Raymond  Marty qu’il trouverait trace des quatre cents sous toulzas qu’il savait, près de l’église (maison commune) des hérétiques, soit de Fanjeaux soit du Lauragais. C’était aux environs de la Mi-Carême… ».  

    Enfin, toujours dans la déposition d’Imbert de Salles : «… J’ai vu que les hérétiques Raymond de Saint-Martin,  Amiel Aicart, Clamens, Taparel, Limoux et Guillaume Peyre, apporter à Pierre-Roger de Mirepoix une pleine couverture d’argent des hérétiques et lui donner cet argent. C’était vers la Mi-Carême, c’est-à-dire après que fut promise la reddition du castrum en la main du roi et de l’Eglise… » Ce « trésor » correspond à ce que l’Eglise avait la garde mais qui ne lui appartenait pas puisque c’était le dépôt des croyants comme l’affirme Arnaud-Roger de Mirepoix dans son interrogatoire du 27 mai 1244 : «… Un jour que j’étais dans une force nommée Saint-Félix, près de Pamiers, arrivèrent Pierre de Flairan de Mirepoix et sa sœur Maurine. Ils me demandèrent si je savais quelque chose au sujet des dépôts de Montségur, car lui, Pierre, avait bien perdu trois cent sous qu’il avait remis en dépôt aux hérétiques, au castrum. Je lui dis que Pierre-Roger de Mirepoix avait reçu tous les dépôts du castrum. C’était il y a quinze jours ou environ… ».

    Six parfaits de Montségur échappèrent au bûcher. D’abord Mathieu et Pierre Bonnet qui avaient évacué « le trésor » à la fin de 1243. Et puis quatre autres qui, pendant la nuit qui précéda le bûcher, furent cachés « sous terre » et s’enfuirent. C’est Bérenger de Lavelanet qui, devant le tribunal, le 2&avril 1244, déclare : «… J’ai entendu dire par Raymond Monic qu’Amiel Aicart, Peytavi et deux autres hérétiques furent cachés sous terre au moment de la redditon des autres hérétiques et extraits de Montségur. Mais je ne sais pas et n’ai pas entendu dire qui les tira du castrum, ni comment. J’ai entendu dire qu’ils allèrent à Caussou, et de là à Prades et au castrum d’Usson avec l’hérétique Mathieu, qu’ils rencontrèrent. A Usson demeurent Raymond de Caussou, Guillaume Caramelaire et les autres hérétiques susdits… ».

     Le lendemain, 22 avril, Arnaud-Roger de Mirepoix, à son tour avoue : «… Pendant que les hérétiques sortaient de Montségur pour être livrés à l’Eglise et au roi, Pierre-Roger de Mirepoix garda dans le castrum Amiel Aicart et son « soci » hérétique Hugues. Dans la nuit, après que les autres hérétiques eurent été brûlés en masse, Pierre-Roger cacha lesdits hérétiques et ils s’évadèrent. Cela fut fait afin que l’église des hérétiques ne put perdre son trésor (thesaurum) qui était caché dans les bois, tous deux le savaient. Ceci et cela je l’ai entendu d’Alzieu de Massabrac, qui les avait vus et de Guillaume de Déjean de Lordat, qui les vit après leur évasion du castrum. C’était dans la semaine avant les Rameaux (donc entre le 21 et 27 mars)… ».

     Deux autres témoins, le sergent Guillaume Bouan dans sa déposition du 2 mai 1244 et le sergent Bernard de Joucou le 3 mai confirment les dépositions ci-dessus. On ne sait ce qu’emportaient les évadés.IMGP3590

BIBLIOGRAPHIE :

DUVERNOY (J.) : Le Dossier de Montségur, Le Pérégrinateur, 1998.

DUVERNOY (J.) : L’Histoire des Cathares, 2 tomes, Privat, 1976 et 1979.

ROQUEBERT (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Perrin, 2006-2007.

ROQUEBERT (M.) : Histoire des Cathares, Perrin, 2002 ;

BRENON (A.) : Les cathares. Vie et mort d’une église chrétienne, Milan, 1998.

BRENON (A.) : Le vrai visage du catharisme, Loubatières, 1990.

Les Cahiers de Fanjeaux : n°4, n°14, n°20.

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commentaires

J
que sont devenut Béranger de Lavelanet , Imbert de salles et pierre roger de mirepoix?
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