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18 janvier 2015 7 18 /01 /janvier /2015 15:02

Contexte :

 Depuis l’automne 1232, date à laquelle s’installa Raimond de Péreille avec sa famille à Montségur, il alla rencontrer à Villeneuve-d’Olmes  Guilhabert de Castres accompagné d’ une vingtaine de parfaits escortés de trois chevaliers, Raymond Sans de Rabat, un autre coseigneur de Mirepoix, Isarn de Fanjeaux, cousin de Raimond de Péreille, Pierre de Mazerolles, coseigneur de Gaja. L’évêque lui demanda « de les recevoir sous le château afin que l’Eglise puisse y avoir son siège et sa tête ». Raimond de Péreille accepta. Avec l’évêque cathare de Toulouse se trouvaient son fils mineur, Jean Cambiaire, l’évêque d’Agenais et son fils majeur Vigouroux de la Bacone, les diacres Pons Guilhabert, Bernard Bonnafous, Raymond de Montouty. IMGP2899

    Guillaume de Bouan de Lavelanet devant le tribunal de l’inquisition le 2 mai 1244 relate avec précision cette seconde fondation de Montségur. Le sergent Bernard Cairole, alias de Joucou, devant le tribunal le 3 mai 1244 confirme le récit de Guillaume de Bouan. Bérenger de Lavelanet avoue devant le tribunal de l’inquisition le 21 avril 1244 les mêmes faits et en donne, de surcroît, les raisons. Enfin, Raimond de Péreille le 30 avril 1244 devant le tribunal de l’inquisition ajoute les ordinations : «…J’ai vu l’évêque Guilhabert de Castres faire des ordinations à Montségur. Il ordonna Tento évêque et Vigouroux de la Bacone, fils majeur des hérétiques de l’Agenais et d’autres. J’y ai assisté ainsi qu’Ath Arnaud de Châteauverdun, Raymond et Estolt de Roqueville, Bernard de Mareyville, mon bayle, Bernard Marty, et d’autres dont je ne me souviens pas. Tant moi-même que tous les autres, nous avons adoré les hérétiques… ». 

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    Pendant près de douze ans et malgré le Traité de Paris-Meaux de 1229,  parfaits et parfaites, essentiellement de l’église cathare du Toulousain vont pouvoir exercer leur ministère sous la protection du clan familial des coseigneurs Raimond de Péreille et de son cousin et beau-frère Pierre-Roger de Mirepoix. Désormais pour prêcher, ordonner, consoler, pour manger, pour dormir, pour voyager, pour tout désormais il faudra se cacher ; l’Eglise clandestine demeurera l’Eglise avec ses règles, ses devoirs, ses missions. Les périls ne font qu’accroître la nécessité d’une organisation rigoureuse qui déjouera les pièges et resserrera les liens entre les membres de l’Eglise, les croyants, les « faidits » et aussi parmi les gens du peuple. Montségur est un lieu de pèlerinage, d’accueil des malades pour y être consolés, des familiers, des visiteurs de passage et des hôtes qui restèrent parfois longtemps. Nous disposons de quelques quatre cents informations circonstanciées relatives à cette période qui va de 1229 à 1244-1245. On constate aussi l’étroite collusion entre la résistance politique à la conquête royale et la résistance religieuse à l’ordre romain. 

     Certes, en 1232, Massip de Gaillac, bayle de Raimond VII, vint à Montségur avec une troupe armée, rencontra l’évêque et fit arrêter Jean Cambiaire et trois autres parfaits qu’il emmena à Toulouse sans que les habitants s’y opposent. Si les trois parfaits furent brûlés à Toulouse, Jean Cambiaire, après un séjour en prison, s’évada avec la complicité plus ou moins tacite de ses gardes puisque de nombreux témoignages le montrent au Mas-Saintes-Puelles et à Fanjeaux vers 1233 puis en 1235, voire 1237.

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       Le 1er mars 1241, Raimond VII signe  une série d’engagements : « …A vous seigneur Jacques Pecoraria, évêque de Palestrina, légat du Saint-Siège, agissant en votre nom, en nom et place du seigneur pape Grégoire et de ses successeurs, et par mandat de l’Eglise nous  promettons et jurons de travailler et œuvrer efficacement à ce que désormais notre seigneur Raimond, par la grâce de Dieu comte de Toulouse et marquis de Provence, obéisse en tout aux ordres du seigneur pape, de l’Eglise romaine et du légat… ».

        Le 14 mars 1241 à Montargis où Louis IX tenait sa cour, Raimond VII dit : « … Nous avons juré à notre très cher seigneur Louis, illustre roi des Français, et lui avons promis en tant que notre seigneur-lige, de bien et fidèlement le servir contre les vivants et les morts et de combattre de bonne foi ses ennemis en pays Albigeois… Nous ferons détruire les châteaux que nous avons renforcés ou fortifiés après la paix de Paris… Nous ferons détruire le château de Montségur sitôt que nous pourrons en être maître… Item, de bonne foi, nous chasserons de notre terre les « faidits », et les ennemis du seigneur roi et ne permettrons pas qu’ils y reviennent ni y demeurent sans la volonté du seigneur roi. Nous avons également promis d’aider fidèlement, selon notre pouvoir, à ce qu’ils soient pareillement expulsés de la terre du seigneur roi… ».  

   Comme Guillaume Pelhisson dans sa « Chronique », Raimond VII ne parle que de Montségur qui comme pour la société des croyants et des sympathisants est le lieu privilégié, le refuge cathare, où se trouvent « la tête et le siège ».

    Le siège a bien eu lieu. Voici ce que dépose le chevalier Arnaud-Roger de Mirepoix le 22 avril 1244 devant le tribunal dirigé par Frère Ferrer lors de ses trois interrogatoires : « … Alors que le comte de Toulouse tenait assiégé le castrum de Montségur, Pierre-Roger de Mirepoix y introduisit Raymond Maffre de Saint-Michel qui était de l’armée du comte. Alors, avec des chandelles allumées, Pierre-Roger conduisit l’arbalétrier Raymond Maffre à la maison de l’hérétique Bertrand Marty. Je n’y suis cependant pas entré avec eux et ne les ai pas vus adorer les hérétiques ; mais je crois bien qu’ils l’ont fait car, par la suite, j’ai entendu Gaillard del Congost et Bérenger de Lavelanet qui étaient entrés avec eux dans cette maison dire que Raymond Maffre les avait adorés…Il y a trois ans… Alors que le comte de Toulouse tenait assiégé le castrum de Montségur, j’ai vu Arnaud du Villar de Queille entrer à Montségur et préparer les arbalètes du castrum. Il allait voir les hérétiques et il les adora plusieurs fois à ma vue. Il y a trois ans… Pendant que le comte de Toulouse tenait assiégé le castrum de Montségur, Bernard d’Arvigna de Dun et Guillaume Bernardi, bayle de Montgiscard pour le comte de Toulouse, entrèrent à Montségur. Je les ai vus parler aux hérétiques mais je n’ai pas vu qu’ils les aient adorés. C’était il y a trois ans… »

    Arnaud de Miglos, chevalier du haut comté de Foix et bayle du comte de Foix à Quié, avoue devant le tribunal de l’inquisition le 24 mai 1244 : « Quand le castrum de Montségur fut assiégé par le comte de Toulouse, j’ai fait parvenir à Pierre-Roger de Mirepoix douze cordes et deux frondes pour servir à la pierrière et une arbalète… ».

    Ce simulacre de siège dura trois jours, sans combat, avec une armée sous les ordres de Jourdain de Lanta, fils d’un parfait mort sur un bûcher, et de Pons de Villeneuve, un bienfaiteur de Montségur.

    Cependant la communauté prit peur ; Pierre-Roger de Mirepoix mit le castrum en état de défense. La communauté religieuse prit des précautions : sous l’escorte de huit sergents et de quelques chevaliers accompagnent India de Lahille et sept autres parfaites pour les conduire à Queille dans la maison d’Arnaud de Lescure.

    A la veille du siège  par l’armée royale sous le commandement de Hugues des Arcis, le château et le village construit à ses pieds abritent entre quatre et cinq cents personnes. Cette communauté est organisée et ne vit pas en vase clos. Il y a un mouvement continu de parfaits qui partent en mission et en reviennent mais aussi des croyants qui viennent en pèlerinage et des commerçants et paysans qui viennent vendre des victuailles et des matières premières pour permettre la survie de la communauté.  

Dépositions :

Première déposition:

    L’an et le jour ci-dessus (10 décembre 1245) Guillaume Aimeric de Saint-Esteffe, paroisse de Cazalrenoux (canton de Fanjeaux), requis…  devant le tribunal d’inquisition dirigé par les inquisiteurs Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre sur le parvis de la basilique Saint-Sernin de Toulouse dit :

    « … Item, j’ai vu à Montségur, l’évêque Bernard Marty et ses compagnons parfaits dans les maisons qu’ils y tenaient publiquement et j’ai mangé avec ces parfaits à la même table et du pain béni par eux. Et je les ai adorés. J’ai vu avec ces parfaits Raimon Aicart de Gaja et Pierre de Montolieu ou de Saint Félix qui habite à Avignonet qui ont adoré ces parfaits.

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    Je dis et je fis valoir alors à ces parfaits que j’avais été leur ami et que pour cela j’avais perdu tous mes biens, et que je leur demandais de me faire quelque bien, mais ils ne voulurent pas le faire.

    Il y a quatre ans ou environ. (donc, 1241).

Seconde déposition :

    Le 19 décembre 1245, il est requis à nouveau pour compléter ou préciser certaines informations. Il dit :

    «… Item, je m’enfuis de Montségur et j’y vis plusieurs parfaits ainsi qu’il est contenu dans ma première confession. Et je vis là Pierre-Roger de Mirepoix, Bernard de Saint-Martin de Laurac, feu Raimond de Marseille, Guillaume de Lahille, Raimond-Arnaud de Pennautier, Pelestieu de Pernnautier et Aimeric de Pennautier, mais je ne les ai pas vus avec des parfaits ni adorer ces parfaits.

Il y a environ trois ans… (donc, 1242).

Commentaires :

Malgré la dimension fragmentaire de ces deux dépositions entrecoupées par un séjour à la prison (probablement le mur large) où les frères Prêcheurs expédient les croyants afin que, par le jeûne et la pénitence, ils demandent le retour à la foi et abjurent leur hérésie, le requis nomme :

             -L’évêque Bertrand Marty et parle de parfaits qui tenaient maison publiquement,

              -Deux chevaliers (1ère déposition).

              -Il est croyant puisqu’il est accepté à partager le repas à la table même des parfaits et donc considéré comme hérétique et spolié de tous ses biens ; il devient « faidit ». 

               - Alors que Raimond de Péreille, coseigneur de Montségur est  chargé de la gestion du quotidien de la vie dans le castrum, son beau-frère et cousin Pierre-Roger de Mirepoix s’occupe des questions militaires  et dialogue avec quelques-uns des chevaliers résidents à Montségur : cinq nobles chevaliers  et un défunt, Raimond de Mareille, consolé avant de mourir dans les combats contre les assiégeants. Guillaume de Lahille fut blessé et consolé et brûlé le 16 mai 1244. Ils figurent tous dans la troupe que choisit Pierre-Roger de Mirepoix pour répondre à la lettre de Raymond d’Alfaro, reçue le 26 mai 1242,  de se rendre dans une forêt de Gaja. Là, Bernard de Saint-Martin leur apporta du pain et du vin, des fromages et autres nourritures. Tant la préparation que la réalisation du massacre d’Avignonet nous sont connues par quatre sources qui furent membres du commando : Au tribunal, Imbert de Salles, sergent à Montségur, raconte, avec force détails, l’événement le 19 mai 1244 devant l’inquisiteur Frère Ferrer ; Voici une partie de sa déposition : «…Pierre-Raymond de Plaigne, le frère de Guillaume de Plaigne vint au castrum de Montségur voir Pierre-Roger de Mirepoix de la part de Raymond d’Alfaro, bayle du comte de Toulouse. Il lui apporta une lettre de ce dernier mais je ne l’ai pas vue et je n’ai pas entendu ce qu’elle contenait. Pierre-Roger réunit par la suite tous les chevaliers et les sergents de Montségur et nous dit qu’un grand butin nous attendait si nous le suivions tous. Alors moi-même, Pierre-Roger, Guillaume Azéma de Vals, Bernard de Saint-Martin de Laurac, Guillaume de Lahille, Raimond de Marseille, Raimond Arnaud de Pennautier, Pélestieu de Pennautier et Aimeric de Pennautier, …. et de très nombreux autres dont je ne me souviens pas, nous allâmes dans une forêt, près de Gaja. Là, Bernard de Saint-Martin fit apporter du pain, du vin, des fromages et autres nourritures dont Pierre-Roger, moi-même et les autres mangeâmes… ».

  Arnaud-Roger de Mirepoix fait le 22 avril 1244 devant le Frère Ferrer le même récit : «…  Un jour Guillaume de Plaigne vint à Montségur et s’entretient en particulier avec Pierre-Roger de Mirepoix. Alors ce dernier nous appela moi-même et tous les chevaliers et sergents du castrum ; il nous dit de nous préparer à partir avec lui, car un grand  butin nous attendait… ».

  Lors de l’interrogatoire, Alzieu de Massabrac le 3 mai 1244 devant Ferrer confirme les versions antérieures ; la dernière source vient  de Bernard de Quiders, qui se trouvait dans Avignonet même et qui, quelques jours jours après le meurtre se confessa et fut absous.

Nous avons consacré des articles au massacre d’Avignonet et aux requis qui furent impliqués dans l’affaire.

Bibliographie :

Puylaurens (G. de) : Chronique, Le Pérégrinateur, 1996.

Duvernoy (J.) : Le dossier de Montségur, Le Pérégrinateur, 1998.

Duvernoy (J.) : Le Catharisme, 2 tomes, Privat, 1976-1979.

Roquebert (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Perrin, 2006-2007.

Roquebert (M.) : Histoire des cathares, Perrin, 2002.

Des Vaux-de-Cernay (P.) : Historia  Albigensis, Vrin, 1951.

Brenon (A.) : Le vrai visage du catharisme, Loubatières, 1988.

Cahiers de Fanjeaux : n°4, n°14, N°20, Privat.

Heresis : La persécution du catharisme au XIIIème, Centre d’Etudes Cathares, Carcassonne.

Collectif : Les Cathares, MSM, 2000.

  croix occitane

 

 

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