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28 juin 2014 6 28 /06 /juin /2014 15:11

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    A la veille de la croisade royale (29 mars 1226), l’Eglise cathare témoigne d’une intense activité afin de restructurer ce qui souffrit de quinze ans de  persécutions.  

    Ainsi Bernard de Lamothe, fils majeur de Guilhabert de Castres, entreprend une grande tournée pastorale entre 1223 et 1226 ; il parcourt, en compagnie de Raymond Déjean, depuis Villemur le Tarn puis le bas-Quercy, le Toulousain, le comté de Foix et le Lauragais et à Laurac où il réside quelque temps chez Bernard-Othon de Niort enfin dans la Montagne Noire et s’arrête à Limoux.

    Interrogé par l’inquisiteur Ferrer le 19 février 1239, Raymond Déjean rapporte le grand Concile qui se tint en 1226 à Pieusse, tout près de Limoux, auquel il assista avec Bernard de Lamothe : une centaine de parfaits s’y étaient assemblés dans la maison des hérétiques autour de Guilhabert de Castres. Les parfaits du Razès demandèrent que fût nommé un évêque pour l’évêché du Razès qui alors s’ajouterait aux quatre autres existants (Agen, Toulouse, Carcassonne et Albi). Benoit de Termes fut ordonné  évêque par Guilhabert de Castres qui lui donna Raimond Agulher pour fils majeur et, pour fils mineur Pons Bernardi.

    Or, à Paris, début 1226, le roi devant le parlement et en présence du cardinal-légat Romain Frangipani établit un plan précis de campagne et à l’édifice juridique de la croisade ajoute l’ordonnance contre les hérétiques et leurs complices afin que l’entreprise ait sa pleine logique de justification : « nous décidons que les hérétiques qui s’écartent de la foi catholique, une fois condamnés pour hérésie par l’évêque du lieu ou par une autre personne d’Eglise reçoivent sans délai la châtiment mérité… ».

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    Quand le 17 mai 1226, le roi se met en route pour Bourges, il sait la panique qui secoue tout le Languedoc et les nombreuses soumissions qui s’en suivirent. L’abbé de Saint-Gilles était arrivé  en portant les actes d’allégeance de seigneurs ; d’autres, tels Héracle de Montlaur, grand baron du Vivarais et surtout Pierre-Bermond de Sauve, petit-fils de Raimond VI, qui présenta au roi son hommage-lige pour sauve, Anduze et tous ses autres châteaux. Le roi accepta et en fit son vassal. Louis VIII se trouvait seigneur immédiat d’un certain nombre de villes et de baronnies à conquérir ! Ce patrimoine ne fera que s’accroître au fur et à mesure que lui parviendront les courriers portant actes de soumission et offres de vassalité telles Avignon et autre du couloir rhodanien. Le ralliement des villes bien qu’elles tenaient à leur indépendance et à leur liberté pourrait s’expliquer par des mobiles économiques puisqu’elles avaient établi des échanges florissants avec la Champagne et la Bourgogne sans négliger la crainte de revivre les tragédies de 1209 et les désastres que pourrait créer une très forte armée sous les ordres du roi.

    Le 16 mars 1226, Bernard d’Alion, vassal du comte de Foix, depuis son château d’Usson, « se soumet à la volonté et aux décisions de la sainte Eglise romaine… Je promets entière fidélité à mon seigneur louis, illustre roi des Français ; je livre à sa volonté ma personne et mes châteaux et m’engage par serment à lui obéir et à suivre tout en ses ordres ».

    Un seigneur du Bas-Languedoc, Raymond de Roquefeuil, se rend à Narbonne et jure devant l’archevêque, Pierre Amiel, d’obéir aux ordres du légat et du roi et promet de faire prêter le même serment de fidélité à ses vassaux. Se soumirent également en mars et avril un grand seigneur du Quercynois, Bertrand de Gourdon, et le seigneur de Laurac et du pays de Sault, Bernard-Othon écrit au roi : « Nous sommes impatients de nous placer à l’ombre de vos ailes et sous votre domination. Comme nous possédons dans le pays plusieurs châteaux, moi, mes frères et mon père, nous vous les offrons… Sachez en outre que Pierre de Laure, seigneur de cabaret, son frère Pierre-Roger, Jourdain de cabaret et beaucoup d’autres sont prêts à suivre les traces de nos pas… Si vous nous donniez l’ordre d’entrer en guerre contre vos ennemis, quels qu’ils soient, nous nous empresserions sans hésitation de marcher contre quiconque ».

    Le comte de Béziers, début avril, dépose les armes et se livre au bon vouloir du roi. Le 14 avril, ce fut Pons de Thézan qui jure devant l’évêque d’obéir à toutes les volontés du roi et du légat et de couper les ponts avec Raimond VII, le comte de Foix et Trencavel. Ce serment eut pour témoins un certain nombre de seigneurs locaux, Bérenger de Puyserguier, les frères Pons et Frotard d’Olargues, Pierre-Raymond de Corneilhan, Guillaume-Pierre de Vintrou qui, avec quelques autres se soumirent, peu de temps après, dans les mêmes termes.

    Le 29 avril, les cinquante-quatre prudhommes de Béziers se rendent au roi sur les conseils de l’archevêque de Narbonne. Entre temps le 15 avril deux seigneurs du Gévaudan, Odilon Guarin et Guillaume Meschin avaient écrit au roi en lui remettant tous leurs domaines et en lui offrant leurs services. Un noble baron catalan, ancien conseiller de Pierre II d’Aragon et vétéran de la bataille de Muret, Guillaume de Cervera fit ses offres de services à Louis VIII par le canal de l’abbé de Lagrasse.

    Le plus dramatique c’est l’effondrement et la trahison de la noblesse militante, celle des « faidits » et des croyants cathares qui avaient fourni la chevalerie de la « reconquista ». Ils abandonnent les principes sous la bannière desquels ils avaient reconquis leurs propres domaines. Leur soumission au roi et à l’Eglise est le signe de l’abandon de l’Eglise cathare et le signal de la répression qu’entraînera l’arrivée de l’armée royale. Indiscutablement, dans cette servilité et reniement des principes, se loge la peur de revivre, avec la nouvelle invasion, le cortège des exactions, des ravages, des confiscations des biens, des meurtres. Il y a aussi une lassitude et le désespoir à l’annonce de nouvelles atrocités ; tant de familles ont été atteintes dans leur chair, dans ces quinze années qui ont pesé sur le Languedoc  qu’il est aisé de comprendre les craintes vitales d’autant plus que cette croisade est conduite par le roi lui-même. Or, dans la mentalité populaire du moyen-âge, le roi est un personnage sacré, d’origine divine depuis le IXème siècle ; par le sacre, il est le représentant temporel de Dieu sur la terre de France. A la crainte se joint un respect mystique dans le respect et la confiance filiale.

    Le clergé du royaume et celui du Languedoc se sont mobilisés pour propager, sous l’impulsion de Pierre Amiel, archevêque de Narbonne, l’arrivée prochaine du roi. Ainsi Guillaume de Puylaurens, dans sa « Chronique » écrit : « envoyé en avant par le roi et le légat, il (Pierre Amiel) les précéda et, promettant aux châteaux, aux bonnes villes et à leurs seigneurs, la paix de l’Eglise et du roi, il les mit ainsi dans son alliance ». Il ira à Nîmes, Beaucaire et Castres. Les abbés (de Lagrasse, Saint-Gilles, Belloc et de Grandselve), sillonnaient le pays annonçant «  la fin des ennemis du roi et de l’Eglise grâce à la Croisade royale et le spectre des nouveaux malheurs s’ils n’adhéraient pas à la justice et à la protection du roi ». L’évêque d’Albi et l’archidiacre de Carcassonne parcourent le pays albigeois afin de gagner le peuple à la Croisade qui leur apporterait la paix, la protection et la miséricorde du roi.

    Pendant que le clergé local travaillait littéralement au corps féodaux, pouvoirs urbains et bourgeoisie commerçante, la diplomatie de l’Eglise et du roi s’assurait de la neutralité des deux plus puissants voisins du Languedoc. D’une part, le roi Jacques Ier d’Aragon publiait dès le 15 avril une charte (l’édit de Barcelone) à l’adresse de tous ses barons, officiers, gens de justice et bourgeois pour rappeler que son royaume était vassal du Saint-Siège et donc lui-même et ses sujets « étaient les fils privilégiés de la Sainte Eglise romaine… C’est pourquoi nous vous ordonnons de veiller expressément et rigoureusement, quelles que soient les difficultés, à ne pas accueillir ni tolérer qu’on accueille sur vos domaines et juridictions les hérétiques, les ennemis de l’Eglise, leurs fauteurs ou leurs complices, et à ne leur fournir ni aide, ni conseil ; mais de les traiter au contraire aussi durement que possible en ennemis de Dieu et de la Sainte Eglise romaine… ».

    C’était donc interdire aux rebelles languedociens de trouver refuge outre-Pyrénées comme certains l’avaient fait au temps de Simon de Montfort et de l’Inquisition mais surtout que Jacques Ier ne lèverait le petit doigt pour voler au secours de son oncle Raimond VII ni des anciens vassaux ou protégés de la couronne d’Aragon, princes et barons de la vicomté de Béziers-Carcassonne ou du comté de Foix. Barcelone se désengageait complétement de l’affaire albigeoise.

    A la lettre de Louis VIII, Nuno-Sanche, cousin germain de Pierre II d’Aragon,  répond : « …Nous espérons que la clémence du Tout-Puissant renouvellera pour vous les hauts-faits de vos ancêtres pour la défense de la foi et l’exaltation de l’Eglise, et qu’elle restaurera par votre ministère la foi, la paix et la justice qui ont presque entièrement disparu du pays des hérétiques…Nous mettons à votre disposition notre personne, notre terre et nos vassaux pour anéantir les ennemis de la foi, pour venger les injures faites au Sauveur et promouvoir son affaire… ».

    Afin d’isoler Raimond VII de toute aide étrangère, le pape Honorius III avait rappelé le 27 avril aux croisés qu’il ne fallait en aucun cas provoquer les suzerains catholiques, l’empereur, le roi d’Aragon et celui d’Angleterre. Or, Henri III d’Angleterre avait promis aide et secours à son cousin, Raimond VII bien qu’il soit excommunié et, par ailleurs il voulait reconquérir le Poitou, l’Aunis et le Saintonge. Par cette ambition, il contrecarrait le plan de Louis VIII. Le 29 avril, Honorius III écrivit à Henri III en le menaçant de sanctions canoniques s’il envahit le royaume pendant que Louis VIII « est occupé à l’affaire de la foi et au service du Christ » et de prononcer contre lui l’anathème et l’excommunication en devenant fauteur d’hérésie. Après avoir réuni son conseil, Henri III décida de ne pas intervenir. Le roi de France avait désormais les mains libres.

    Malgré cette vaste opération de propagande intensive et de conditionnement menaçant, l’Eglise cathare poursuit avec dynamisme son œuvre missionnaire : fin 1206, Pierre Isarn entreprend une grande tournée pastorale. Il fut cependant capturé au bois de Cassenon, près d’Auriac en Lauragais par la troupe de Humbert de Beaujeu qui le livra à l’archevêque de Narbonne qui le jugea, le condamna et le fit brûler à Caunes-Minervois. Guiraud Abit, son ancien compagnon, lui succéda.

    Vers 1227, Raimond Affre quitte Cabaret pour aller à Roquefère assister au « consolament » de son frère Bernard Pons de Laure alors gravement malade. Bernard Pons revint à Cabaret puis fit défection et reniement de sa foi en recevant la paix royale. Peu de temps après, Raimond revient à Roquefère pour assister cette fois au « consolament » de sa belle-sœur, Bermonde, la femme de Bernard Pons.

    Fin de 1227, Isarn Bozon, chevalier d’Hautpoul, qui était à Cabaret, alla à Hautpoul pour visiter les parfaits dont le diacre Arnaud Bas, les adorer et partager leur repas.

    On ne sait si cabaret eut à supporter un siège royal fin 1227-début 1228. On garde la trace de deux victimes : Bernard de Conques, « faidit » au temps du roi, qui mourut à Cabret, tué par un carreau » et Bernard-Arnaud de Rustiques qui « fut tué par les gens du roi dans la guerre de Cabaret ». IMGP7992

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