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15 septembre 2014 1 15 /09 /septembre /2014 18:46

1.     Le contexte :

    Sans espoir de rétablir la situation après l’échec de la coalition (Henri III, roi d’Angleterre, Frédéric II empereur, le roi d’Aragon et le comte de la Marche) contre Louis IX, Raimond VII décida de solliciter la clémence du roi et délégua l’évêque de Toulouse d’entamer les négociations en se disant prêt à rencontrer le souverain pour implorer sa miséricorde, pour lui jurer  éternelle fidélité et s’engager non seulement à extirper l’hérésie mais à châtier les assassins des inquisiteurs. Le 1er Novembre 1240, il s’entretient avec Humbert de Beaujeu et l’évêque de Clermont, dépêché par le roi. Le 30, il capitule entre les mains des commissaires royaux. Le 28 décembre, confiant le gouvernement du comté à Sicard Alaman, il partit pour Lorris en Gâtinais où l’attendait Louis IX. Il signa la paix le mois suivant. Elle consistait à promettre de respecter enfin en toute chose le Traité de Paris de 1229. Par une lettre, Raimond assura sa cousine Blanche de Castille qu’il allait purger ses Etats de l’hérésie. Il organisa un simulacre de siège à Montségur pour prouver sa fidélité aux serments récents.

    Le même mois, le vicomte de Narbonne et treize bourgeois de la ville vinrent à leur tour se soumettre tandis que Roger IV de Foix renouvelait le 14 mars 1241, mais à Montargis, son hommage lige au roi.

Sur le chemin qui le conduisait à la Cour, Raimond VII fit étape à Clermont et rencontra le légat Jacques Pecolaria avec qui il signa un engagement. Puis, il écrivit le 1er mars : « Raymond, par la grâce de Dieu, comte de Toulouse, marquis de Provence, à ses chers et fidèles Bernard-Raymond comte de Foix, Arnaud-Odon vicomte d’Auvillar, aux consul  de Toulouse, Agen, Montauban et Moissac, salut et affection. Apprenez que nous avons négocié avec le seigneur évêque de Palestrina, légat du Saint-Siège, et que nous nous sommes avec lui au sujet de nos affaires. Nous lui avons promis que vous et les conseils des susdites communes deviez prêter serment de la façon qui suit… Nous promettons et jurons de travailler et œuvrer efficacement à ce que désormais notre seigneur Raymond… obéisse en tout aux ordres du seigneur pape, de l’Eglise romaine et du légat ; qu’il soutienne fidèlement et avec force l’Eglise romaine, spécialement contre Frédéric, soi-disant empereur, et ses successeurs qui le suivraient dans le crime, ainsi que contre leurs fauteurs et partisans… ».

  En avril 1241, le roi envoya des commissaires royaux recueillir en son nom les serments des vaincus, vassaux de Raimond VII et consulats urbains et prendre quelques places fortes que Raimond livrait pour cinq ans çà la discrétion de la Couronne.

    Vers février 1243, il épousa Marguerite de la Marche afin d’assurer sa succession par la naissance d’un fils et, revenu à Toulouse, il fit rechercher quelques-uns des acteurs de l’affaire d’Avignonet, habitants de la ville qui avaient été complices du commando meurtrier : trois furent pendus dont Guillaume de Balaguier, un autre fut marqué au fer rouge sur le front.

                                                      2. Les faits :

       Le  samedi 18 avril 1243 Raimond VII se présenta devant un Concile réuni à Béziers. IL y avait là les archevêques de Narbonne et d’Arles, les évêques de Toulouse, Lodève, Agde, Nîmes, Carpentras, Marseille, Rodez, Albi, Agen et cahors, les abbés des plus grands monastères du Languedoc, de Boulbonne et de Grandselve à Fontfroide, de Lagrasse à Saint-Pons-de-Thomières, de Pamiers à Saint-Papoul et le provincial des Frères Prêcheurs. Le comte de Toulouse lut la déclaration suivante : « … Frère Ferrer et Frère Guillaume Raymond, de l’ordre des Frères Prêcheurs, qui prétendent avoir juridiction, par mandat du Saint-Siège, pour poursuivre sur mes Etats les hérétiques ont rendu à tort contre notre personne une funeste sentence d’excommunication, et ce au mépris de la procédure ordinaire du droit. Ils l’ont fait après que nous eûmes interjeté appel auprès du Saint-Siège contre eux et leur juridiction. Le Saint-Siège étant vacant, j’en appelle donc de cette sentence de concert avec Maître Guillaume Combier et les autres commissaires de l’illustre roi de France, parce qu’à retarder les choses il y aurait danger que soit gravement compromise l’affaire de l’inquisition… ».

     Trois jours plus tard, il fait comme si son appel contre l’inquisition monastique ait été entériné, il écrit aux évêques de Toulouse, Agen, Cahors, Albi et Rodez en leur demandant de mener l’inquisition personnellement. Ses sénéchaux, ses viguiers, ses bayles apporteront d’ailleurs leur concours. Et enfin il s’engage lui-même à  faire exécuter les sentences « prononcées par vous ou par ceux que vous aurez délégués à cet effet ». Cette circulaire qui donnait pleins pouvoirs à la seule inquisition épiscopale eut l’aval des prélats de Béziers du Concile de Béziers, celle aussi des sénéchaux royaux de Beaucaire et de Carcassonne.        C’est à ce Concile que se prit la décision d’assiéger Montségur selon les propos de Blanche de Castille, cousine de Raimond VII, comte de Toulouse. En effet, depuis plus de dix ans (1232), Montségur, « cette citadelle de Satan »  nommée, dans sa « Chronique », par Guillaume de Puylaurens, est devenue « le siège et la tête de l’Eglise cathare » par le vœu de Guilhabert de Castres auprès de Raymond de Péreille. En plus c’est depuis Montségur qu’est partie l’expédition d’Avignonet (28 mai 1242).

Les conséquences immédiates :

    La célébration de Noël 1242 par le nouvel évêque Bertrand Marty devant toute la noblesse réunie et la quasi-totalité de la communauté religieuse selon les dires d’Imbert de Salles devant le tribunal de l’Inquisition, le 19 mai 1244, dut être un instant pathétique. L’échec de la coalition entre le comte de Toulouse, l’empereur Frédéric II, le roi d’Angleterre Henri III et le roi d’Aragon contre Louis IX d’une part et, d’autre part, les réponses évasives du comte aux appels des coseigneurs de Montségur avaient fait s’écrouler peu à peu tous les espoirs de liberté et de paix. Dès l’automne, Laroque-d’Olmes, Lavelanet ; Labastide avaient dû être abandonnées. L’arrivée en Lauragais, en octobre, d’Humbert de Beaujeu et de l’armée royale ne put qu’accroître l’inquiétude. La situation économique s’aggrava car le commerce avec les localités voisines cessa : « le commerce continua jusqu’à ce que nous soyons assiégés par les Gascons qui étaient là pour le compte du roi de France ». Une délégation de Montségur sous les ordres de Pierre-Roger de Mirepoix accompagné de quelques parfaits dut aller acheter des vivres dans les villages des alentours. Voici ce qu’en dit Bernard de Joucou qui fit partie de ces expéditions devant le tribunal de l’inquisition, le 3 mai 1244 « Pierre-Roger de Mirepoix, avec tous les chevaliers et les sergents de Montségur, allait par les villes avec des hérétiques et, quand les hérétiques trouvaient du blé ou de la farine, ils achetaient le blé et la farine ou bien des fèves ou des légumes et les envoyaient à Montségur. Quand ils trouvaient des gens qui ne voulaient vendre ni blé ni farine aux hérétiques, moi-même, Pierre-Roger de Mirepoix et tous les partisans du castrum nous prenions de gré ou de force ce blé ou cette farine, après quoi nous donnions ce que nous voulions… ».  

    Hugues des Arcis au lendemain du Concile de Béziers leva une armée et, vu le petit nombre de soldats, dut recourir à la mobilisation des gens des lieux avoisinants  en proclamant « un service militaire obligatoire dû par les vassaux et à charge pour les bayles et les viguiers d’en assurer le recrutement ». La population ne mit pas un grand enthousiasme à répondre aux ordres de mobilisation. Dans le Cabardès, certaines bourgades refusèrent ; dans la bas-Languedoc, le recrutement forcé s’accompagna de mesures coercitives et d’exactions où la cupidité des officiers royaux trouva son compte. On dut recruter au-delà de Pézenas et jusqu’à Nîmes.

    En Albigeois ce fut l’évêque, Durand de Beaucaire, qui leva une armée de cent cinquante hommes, tant cavaliers que fantassins. Des moines prêchaient la croisade contre Montségur afin de convaincre des fidèles à d’enrôler dans les troupes du roi. On sait que le sénéchal de Carcassonne, Hugues des Arcis, enrôla de force sur la terre de Minervoix des habitants de Camon auxquels s’ajoutèrent des gascons d’Auvillar.  Ce sont certainement des milliers d’hommes qui furent sous le commandement du sénéchal malgré les abandons et les fugues de certaines recrues. Des seigneurs occitans vinrent grossir les rangs des troupes royales : Arnaud d’Olonzac de Caunes, Raymond d’Aban, Hugues de Durfort, Raymond de Capendu. Enfin, Pierre Amiel, archevêque de Narbonne, apporta son autorité et sa bénédiction ecclésiastiques.

    Depuis un certain temps, la garnison du castrum (une soixantaine de sergents et d’arbalétriers sans compter les chevaliers), était sur le qui-vive, surveillant les environs, renforçant les systèmes de défense, recevant des arbalètes, des cordes, des frondes, des casques et des armures et des renforts en hommes.

    A la fin du printemps 1243, le siège débuta avec les premières escarmouches et les premières pertes : Raymond de Ventenac, écuyer d’Arnaud-Roger de Mirepoix, Sicart de Puivert, Guillaume de Gironda, Alzieu de Massabrac, Guillaume Claret…

    En décembre 1243, les assiégeants occupent le Roc de la Tour. Voici ce qu’en dit  le chroniqueur Guillaume de Puylaurens : «…il advint que des valets armés à la légère furent envoyés avec des hommes qui connaissaient l’endroit et qui organisèrent de nuit une ascension par des abrupts horribles. Ils parvinrent, conduits par le Seigneur, à un ouvrage qui était dans l’angle de la montagne ; ayant surpris les sentinelles, ils occupèrent ce fortin et passèrent par l’épée tous ceux qu’ils y trouvèrent. Le jour venu, et à peu près à égalité avec les autres, qui occupaient la plus grande position, ils se mirent à les attaquer fortement. Et voyant avec étonnement l’horrible voie par laquelle ils étaient montés de nuit ils n’eussent jamais osé s’y aventurer en plein jour. Mais, quand ils eurent enfermé les autres au sommet, un accès plus facile fut ménagé pour le reste de l’armée… ».

    A l’époque où arriva l’ingénieur Bertrand de la Vacalerie (vers le 1er janvier 1244), les catapultes de l’armée du sénéchal étaient déjà installées et la situation devenait désespérée pour les assiégés. En février 1244, les assaillants entreprennent l’assaut du castrum que raconte Imbert de Salles devant le tribunal de l’inquisition le 3 mai 1244 : «… Alors que les sergents gascons et français qui tenaient assiégé le castrum de Montségur voulaient enlever celui-ci et préparaient les échelles au moyen desquelles ils voulaient escalader, Claustre de Lavelanet cria à ceux qui étaient à l’intérieur du castrum : « Attention aux échelles ! ». Ainsi ceux qui étaient à l’intérieur, entendant cela, empêchèrent les autres qui allaient escalader et entrer dans le castrum de monter par ces échelles… ». De vrais combats, sans doute quotidiens, étaient maintenant engagés sur les crêtes faisant de nombreux blessés du côté des assiégés sous la pluie des arbalètes et les boulets de pierre des catapultes, éventrant les murs et crevant les toitures. Douze soldats et neuf chevaliers ont été mis hors de combat. Il est aisé de penser qu’après deux mois de lutte acharnée, depuis la prise du Roc de la Tour la garnison soit à bout de forces sa oublier les blessés et les malades. Il est tout de même admirable que, dans les témoignages des rescapés, il n’y ait pas la moindre trace, le moindre souvenir, d’un seul moment de désespérance. Une seule peur : mourir sans consolament ; tous ont songé à sauver leur âme. Consolaments et convenenzas sont là pour témoigner que Montségur était pour les quatre ou cinq cents hommes et femmes, de toute origine et de toute condition, qui n’avaient en commun que leur foi, la porte de la Terre Nouvelle dont parle l’apôtre Jean dans l’Apocalypse et le siège de L’Eglise des Amis de Dieu.   

    Le mercredi 2 mars une trêve de quinze jours est signée entre Pierre-Roger de Mirepoix et Hugues des Arcis ; à son issue, Montségur sera livrée à l’Eglise et au roi. Une amnistie sera accordée aux membres du commando d’Avignonet. Parfaits et parfaites seront remis aux autorités ecclésiastiques et devront abjurer. Ceux qui refuseront seront conduits au bûcher Les autres défenseurs de Montségur seront interrogés par l’inquisiteur Frère Ferrer.

    Pendant la trêve, parfaits et parfaites distribuent les vivres et les maigres bien qui leur restent ; ils remettent à Pierre-Roger de Mirepoix une couverture remplie d’argent provenant des dépôts effectués par des croyants et de la vente des objets fabriqués dans leurs ateliers.

    Le dimanche 13 mars, vingt et un croyants et croyantes demandent à être consolés ce qui implique de facto qu’ils acceptent de partager le sort des parfaits qui refuseront d’abjurer.

    A l’aube du 16 mars, Hugues des Arcis prend possession du château au nom du roi. Pierre Amiel, archevêque de Narbonne, réunit parfaits et parfaites qui, tous, refusent d’abjurer. Plus de deux cent vingt personnes, parfaits et consolés, hommes et femmes, périssent sur le bûcher dressé au pied du pog. Guillaume de Puylaurens écrit : « Refusant la conversion à laquelle ils étaient invités, ils furent brûlés dans un enclos fait de pals et de pieux où l’on mit le feu et passèrent dans le feu du Tartare ».   

    Montségur reviendra à Guy de Lévis, fils du lieutenant de Simon de Montfort. Les maisons ayant abrité les hérétiques seront toutes détruites conformément aux dispositions du traité de Paris.

BIBLIOGRAPHIE :

DUVERNOY (J.) : Le catharisme, 2 tomes, Privat, 1976 et 1979.

DUVERNOY (J.) : Le dossier de Montségur. Interrogatoires d’Inquisition, 1242-1247, Le Pérégrinateur, 1998.

ROQUEBERT (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Privat, 1971-1989.

ROQUEBERT (M.) : Histoire des Cathares, Privat, 2002.

BRENON (A.) : Le vrai visage du catharisme, Loubatières, 1988.

PUYLAURENS (G. de) : Chronique, Le Pérégrinateur, 1996.

Collectif : Les Cathares, M.S.M., 2000.

MACE (L.) : Les Comtes de Toulouse et leur entourage XIIe-XIIIe siècles, Privat, 2003.

HERESIS : publications de la revue internationale d’hérésiologie médiévale. Centre d’études cathares depuis 1983, Carcassonne.

LES CAHIERS DE FANJEAUX, Privat.

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commentaires

É
bonjour , je voudrais savoir ce que sont devenu roger bernard de mirepoix , Imbert de salles et Béranger de Lavelanet , ont ils été tués par l'inquisition?
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