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2 mars 2013 6 02 /03 /mars /2013 11:05

   Seigneur d’Aups (Var) et des châteaux voisins (Vérignon, Baudinard, Carros, Châteauneuf, Thorenc et Tourtour), il chante autant l’amour que la guerre et surtout la bonne chair, les bons vins et les plaisirs de la vie.

    Il entra dans la cour du comte Raimond de Bérenger IV de Provence où, selon les événements, il endosse les armures pour, avec vigueur et courage, défendre son comte puis chanter les belles maîtresses, les bonnes tables aux plats et vins délicieux.

    Il porte un regard critique sur certains troubadours de son temps.

    Nous conservons une douzaine d’œuvres.

    Il nous est connu par le chant élégiaque de  son ami Sordello, troubadour comme lui.

Blacatz.JPG

 

Œuvre :

    Pour Pèire, l’amour véritable se prouve par la constance affective et la fidéklité amoureuse. Blacatz présente l’amour comme le fruit du désir et de la jouissance, l’expression du plaisir sensuel et sexuel.

 

Pèire Vidal, puisqu’il m’advient de faire une « tenson ».

 

Pèire Vidal, pos far m’aven tençon,

No-os sia grèu, si-os demand per cabal

Per qual rasonavètz sen tan venal

En maints afars que no-os tornan a pron,

Et en trovar avètz saber e sen;

Et qui ja vièlhs en aital loc atend

Et en jovent n’es atressi passats

Mens n’a de ben que si ja non fo nats.

 

- Pèire Vidal, puisqu’il m’advient de faire une tenson,

Ne soyez pas fâché si je vous demande en priorité

Pour quelle raison vous avez un sens si vénal

En maintes affaires qui ne vous rapportent pas beaucoup,

Alors que dans le trobar vous avez savoir et sens ;

Et celui qui déjà vieux espère ainsi

Et a ainsi passé sa jeunesse,

A moins de bien que s’il n’était jamais né.

 

-Blacatz, non tenh ges vostre sen per bon

Car anc partitz plaid tan descomunal,

Qu’ieu ai bon sen e fin e natural

En tot afar per que par ben qui son ;

Et ai m’amor mesa e mon jovent

En la melhor et en la plus valent,

Non volh pèrdre los guisandons ni-ls grats,

Car qui-s recré es vilans e malvats.

 

                                 - Blacatz, je ne tiens guère votre jugement pour bon,

Car jamais vous n’avez débattu d’un sujet si peu commun ;

Car moi j’ai du bon sens, fin et naturel

En toute chose, et par là on me reconnaîtra bien :

J’ai mis mon amour et ma jeunesse

En la meilleure et la plus noble,

Et je ne veux perdre ni la récompense ni le gain,

Car celui qui se dédit est vilain et mauvais.

 

-Pèire Vidal, ja la vostra rason

Non volh aver a midons que tan val,

Que-lh volh servir a tots jorns per engal

E d’ela-m platz que-m fassa guisardon

Et a vos lais lo long atendement

Senes jausir, qu’ieu volh lo jausiment ;

Car longs atendres sens joi ço sachatz

Es jois perduts qu’anc uns non fo cobrats.

 

                                           - Pèire Vidal, jamais votre raisonnement

Ne voudrais tenir à ma dame qui a tant de valeur

Car je veux la servir tous les jours de manière égale

Et il me plaît qu’elle m’accorde sa récompense ;

Et je vous laisse la longue attente

Sans plaisir, car moi je désire le plaisir ;

Or une longue attente sans joie, sachez-le,

Est une joie perdue qui jamais ne sera recouvrée.

 

-Blacatz, non soi ieuges d’aital faiçon

Com vos autres a qui d’amor non cal.

Grand jornada volh far per bon ostal

E long server per recebre gent don,

Non es fins druds cel que-s camja sovent

Ni bona dona cela que-lh consent ;

Non es amors ans es engans proats

S’uoi enquerètz e demand o laissatz.

 

  - Blacatz, je ne suis pas du tout fait de semblable façon

Que vous autres, à qui l’amour n’importe pas.

Je veux faire grande étape pour une bonne hospitalité

Et servir longtemps pour recevoir un noble présent.

Il n’est pas un amant parfait celui qui change souvent,

Et elle n’est pas une noble dame qui consent à cela ;

Ce n’est pas de l’amour, mais une tromperie avérée,

Si vous demandez aujourd’hui et renoncez demain.

 

Voici le texte du troubadour Sordello en hommage posthume à Blacatz :

 

Je veux pleurer, sur cette simple mélodie

 

« Je veux pleurer sur cette simple mélodie

Avec un cœur triste et dolent, et j’aurai raison de le faire

Car en lui j’ai perdu un bon seigneur et ami,

Et toutes ses valeureuses qualités sont perdues par sa mort.

La perte est si mortelle que je n’ai plus espoir

Que jamais on la répare, à moins qu’on ne fasse en sorte

De prendre son cœur et qu’en mangent les barons

Qui n’en ont pas, afin qu’ensuite ils en aient assez.

 

Que le premier il mange de ce cœur, car grand besoin lui est,

L’empereur de Rome, s’il veut les Milanais

Conquérir par la force ; car c’est lui qu’ils tiennent conquis

Et qui vit déshérité en dépit de ses Allemands. (l’empereur Fréderic II)

Et après lui qu’en mange le roi de France, (Saint Louis)

Puis il recouvrera la Castille qu’il perd par niaiserie :

Mais si cela déplaît à sa mère, il n’en mangera point,

Car à son honneur on voit bien qu’il ne fait rien qui lui déplaise.

 

Pour ce qui est du roi d’Angleterre (Jean sans Terre), me plaît, car il a peu de cœur,

Qu’il en mange à souhait ; il en deviendra vaillant et fort,

Et il conquerra la terre pour laquelle il vit dépourvu de mérite

Et que lui prend le roi de France, qui le sait indolent.

Et le roi de Castille, il convient qu’il en mange pour deux,

Car il tient deux royaumes et n’a pas de cœur pour un seul !

Mais s’il veut en manger, il faut qu’il le fasse en cachette

Car si sa mère le savait, elle lui donnerait du bâton.

 

Et le roi d’Aragon (Jacques Ier d’Aragon), je veux qu’il mange de ce cœur,

Car cela le fera dégorger de la honte

Qui lui vient de Marseille et de Millau ; il ne peut retrouver

Son honneur autrement quoi qu’il puisse dire ou faire

Et ensuite je veux qu’on donne de ce cœur au roi de Navarre

Qui valait mieux que ce roi, à ce que j’entends conter.

Il est dommage quand Dieu a fait accéder un homme au plus haur rang

Qu’il perde toute valeur parce qu’il manque de courage.

 

Le comte de Toulouse (Raymond VII), grand besoin est qu’il en mange,

S’il se souvient de ce qu’il avait et de ce qu’il a ;

Car si d’un autre cœur il ne répare pas sa perte,

Il ne semble pas qu’il la répare avec le sien.

Et le comte de Provence, il faut qu’il en mange, s’il se souvient

Qu’un homme qui vit déshérité ne vaut pas grand-chose :

Et malgré ses efforts pour se défendre et se maintenir,

Il est nécessaire qu’il mange de ce cœur pour le grand fardeau qu’il porte.

Les barons me voudront du mal pour ce que je leur dis bien,

Mais qu’ils sachent que je les estime aussi peu qu’ils m’estiment

 

Beau réconfort, pourvu qu’auprès de vous je puisse trouver merci

Je méprise celui qui ne me tient pas pour son ami ».

 

Ce poème, à part la première strophe où l’auteur déplore la perte de son ami, se transforme en terrible réquisitoire contre les diverses autorités royales ou comtales qui, à l’opposé du « cœur » de son réconfort défunt, ne sont que lâcheté, égoïsme, faiblesse et insincérité.

 

Peire Vidal 1 Sordello.JPG

IMGP7671

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