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29 mai 2015 5 29 /05 /mai /2015 14:22
CONTEXTE : INNOCENT III

       Lotario Conti, fil du comte de Segni, a fait des études de théologie à Paris puis de droit canon à  Bologne. A vingt et un ans, il est chanoine à Saint-Pierre de Rome, à trente, il devient cardinal. Devenu, à trente-huit ans Innocent III le 8 janvier 1198, il va faire de la lutte contre les hérésies et en particulier contre le catharisme une des grandes affaires de son pontificat afin de restaurer l’Eglise dans sa vocation de « gouvernement du monde ». A peine élu, il reçoit une lettre de l’archevêque d’Auch qui l’informe « du chancre de l’hérésie qui sévit en Gascogne et dans les régions voisines ». La Catalogne est également touchée puisqu’en février 1198, Pierre II d’Aragon prend les ordonnances de Gérone ; celles-ci, reprenant les dispositions de Lérida de 1194, ordonnent aux hérétiques de quitter le royaume d’Aragon et les terres vassales avant Pâques sous peine de mort et de confiscation de leurs biens.

       Le 1er avril 1198, Innocent III répond à l’archevêque d’Auch, lui rappelant les dispositions antihérétiques existantes dans le IIIème Concile de Latran de 1179 «… les ministres d’un forfait diabolique se rebellent contre la loi de la foi orthodoxe… ». Il faut donc agir avec la plus grande fermeté, il faut chasser les hérétiques hors de tous les diocèses et sévir contre ceux qui les protègent ou entretiennent des relations avec eux. Il ajoute : « …Et si c’était nécessaire fais-les contraindre par la force du glaive matériel, au moyen des princes et du peuple… ». Puis, à l’égard des ministres de l’Eglise, il lui demande de veiller au non-cumul des bénéfices ecclésiastiques, de sanctionner les prêtres prévaricateurs et de faire rentrer les moines errants dans leurs abbayes. Une lettre de la même teneur est adressée par le pape aux archevêques d’Auch, Aix, Embrun, Arles, Vienne, Lyon, Narbonne et Tarragone ainsi qu’aux fidèles et seigneurs de ces provinces, ces derniers étant tenus de confisquer les biens des hérétiques et de leurs fauteurs. Ce document annonce, par ailleurs, l’envoi en Languedoc de deux légats, Rainier et Guy, tous deux cisterciens. Retenu par d’autres charges, Rainier sera rapidement remplacé à l’automne 1203  par Pierre de Castelnau, alors archidiacre de Maguelone.

       Le 25 mars 1199, Innocent III promulgue la décrétale de Viterbe qui entérine, juridiquement, le principe de confiscation des biens des hérétiques et de leurs fauteurs. Dans la même lettre par laquelle il annonce le renforcement de la légation, Innocent III attribue la responsabilité de la situation aux prélats eux-mêmes et, en particulier, à Bérenger, l’archevêque de Narbonne.

       En effet, l’une des grandes préoccupations d’Innocent III est de restaurer l’église méridionale dans son autorité et dans sa dignité car le relâchement des mœurs ecclésiastiques est fort préjudiciable à la catholicité d’autant plus que parfaits et parfaites vivaient dans l’austérité, la pauvreté, la charité, l’accueil et le souci des autres en accord avec leurs professions de foi et les principes de l’évangile, à l’image des premières communautés chrétiennes. Grave était le fait que le catharisme avait contaminé jusqu’au clergé lui-même. De nombreux exemples montrent l’étroite relation entre le clergé et les cathares jusqu’à non seulement entretenir des amitiés, protéger des parfaits poursuivis, partager les repas, mais surtout se convertir et devenir parfaits comme, par exemple, entre autres le chapelain de Lux, Huc, Jean Vital devenir parfait ou Arnaud Huc, prêtre, exerçant le ministère de diacre cathare de Vielmur.

    Le IVème Concile de Latran qui s’ouvrit le 11 novembre 1215 dans la basilique Saint-Sauveur marque l’apogée de son pontificat. Il faut lire le long rapport de Guillaume de Tudèle dans « La Chanson de la Croisade albigeoise ».

    Innocent III meurt sept mois plus tard, le 16 juillet 1216 à Pérouse.   

 

2. L’AFFAIRE :

Archevêque de Narbonne, Bérenger, fils naturel de Raymond-Bérenger, comte de Barcelone, frère d’Alphonse II d’Aragon et oncle de Pierre II , avait été abbé de Mont-Aragon, près de Tarragone en 1170 et évêque de Lérida avant d’occuper en 1191 le siège métropolitain de Narbonne, devenu vacant après la mort de Bernard Gaucelin. Dès 1198, Innocent III, ayant été informé par ses premiers envoyés de la scandaleuse conduite de l’archevêque, écrit, en novembre 1200, à Jean de Saint-Prisque, un de ses légats, que Bérenger est « la cause et la tête de tant de maux… ». Ces maux sont l’abaissement moral du clergé diocésain et, en corollaire, le développement de l’hérésie. « Tel prêtre, tel peuple » lance le pape en demandant à son représentant de l’autorité papale de mener sur le prélat une enquête approfondie et minutieuse. Celle-ci révèle que Bérenger cumule les bénéfices et mène une vie dissolue dans le luxe et des mœurs coupables. Le 30 mai, le pape lui enjoint de se démettre ou de l’abbaye d’Aragon où il réside la plupart du temps ou de l’archevêché de Narbonne qu’il ne visite que fort rarement. Il lui fait par la même occasion de durs reproches sur sa conduite dans les affaires de l’Eglise : « Tu ne romps pas le pain que réclament les humbles comme l’exige ta charge pastorale. Alors que les hérétiques, profitant de ton absence – plaise au ciel d’ailleurs qu’ils évitent ta présence ! – professent publiquement des doctrines perverses ; le peuple les suit d’autant plus qu’on s’oppose moins à eux. Ta conduite est la cause de leur conversion à ces doctrines et abandonnent la foi catholique et les prêtres qui la prônent… ». En janvier 1204, le pape lui communique à nouveau les doléances de ses légats à son égard ; il a notamment refusé de les aider lorsqu’ils avaient besoin d’aller à Toulouse, ne leur donnant en tout et pour tout qu’une seule monture pour le long voyage. Il avait également refuse de leur prêter serment que le Souverain-Pontife exigeait de tous les prélats du Midi. En fait, les légats disposaient à son encontre d’une lourde et grave série de chefs d’accusation. Depuis son élection en 1191 c’est-à-dire depuis treize ans, Bérenger n’avait pas visité une seule fois son diocèse ; il entretenait dans un de ses châteaux un certain Nicol qui était un chef de routiers aragonais ; il ne faisait ni l’hospitalité ni l’aumône et s’absentait souvent de sa cathédrale sans motif valable ; il avait par ailleurs activement participé, moyennant finances à la scandaleuse élection qui eut lieu à l’abbaye d’Alet : il avait exigé quatre cents sols de l’évêque de Maguelonne pour le consacrer ; il permettait à des chanoines, à des abbés de monastère de cumuler des bénéfices, de ne pas porter l’habit religieux et surtout de mener une vie si dissolue que certains montraient publiquement leur famille ou ordonnaient leurs fils ou cousins avec des affectations paroissiales. Quatre mois plus tard, en avril, Innocent III prend des mesures précises ; il écrit aux légats de déposer Bérenger, après avoir effectué sur son compte une ultime enquête et de nommer son successeur au bout d’un mois si le corps électoral, passé ce délai, ne lui en a pas trouvé un. Il écrit également à Bérenger pour lui signifier qu’i l’a privé de l’abbaye de Mont d’Aragon et qu’il a ordonné de pourvoir à l’élection d’un nouvel abbé. Mais ce fut Bérenger qui porta plainte et signifia par lettre aux légats le 26 novembre suivant qu’il en appelait au pape lui-même. Ses griefs sont multiples. Il leur reproche d’abord d’avoir fait échouer l’assemblée des évêques de la province que Bérenger avait convoquée pour la consécration de l’évêque de Maguelonne ; ils avaient en effet interdit aux prélats de répondre à la convocation de Bérenger jusqu’à ce que celui-ci ait prêté serment : « Vous l’avez fait pour ma porter tort et nuire à ma réputation… ». En fait, Bérenger, oubliant ou feignant d’oublier que les légats sont nantis de pleins pouvoirs, les accuse d’abuser de leur autorité : «… Votre première légation avait seulement pour but de chasser les hérétiques. Pour outrepasser votre mandat vous avez taxé d’hérésie les fautes des clercs ; vous avez agi contre la teneur de votre mandat apostolique, au préjudice de l’église de Narbonne. Lors de la seconde légation que le seigneur pape vous a confiée, vous, Pierre de Castelnau, vous auriez dû par des lettres bienveillantes nous avertir de votre arrivée dans la province de Narbonne. Au lieu de quoi vous êtes arrivé à l’improviste… ». Au sujet de la consécration de l’évêque de Maguelonne, Bérenger reproche au même Pierre de Castelnau d’avoir agi sans plus de forme : « … Alors que vous auriez dû me montrer les lettres contenant votre mandat apostolique, et m’avertir deux ou trois fois, vous m’avez envoyé une sommation, et une sentence qui me condamnait… ». A Raoul de Fontfroide, il reproche de l’avoir frappé d’anathème sans avoir consulté son collègue l’abbé de Cîteaux, et ceci afin qu’il puisse s’absenter en aucune façon de son diocèse alors que Raoul savait bien que Bérenger voulait aller à Rome pour se justifier. Quant à l’abbé de Cîteaux lui-même, Arnaud-Amaury (abbé de Poblet puis de Grandselve avant de le devenir à Cïteaux et d’être nommé légat en mai 1204), il l’accuse d’avoir exigé le serment des clercs contre la forme canonique, et d’être responsable, en dernier ressort, de tous les torts qui lui ont été causés : « … Je vous récuse entièrement comme suspects et comme artisans de ma perte ; et j’en appelle de votre autorité et de votre pouvoir au bienheureux Seigneur pape Innocent III. Je mets sous sa garde et protection ma personne, mes biens, tous mes chanoines et mes clercs, et leurs biens tant spirituels que matériels, et l’église de Narbonne avec tout ce qui lui appartient, et toute la province qui en dépend, avec les églises et les ministères… » Cette violente réaction de Bérenger obtient l’effet escompté. Bien qu’il eût été déclaré suspens par les légats, les choses restèrent plusieurs mois en l’état, et, en juin 1205, Innocent III le convoqua pour l’entendre tout en lui laissant pour s’y rendre plusieurs mois. Bérenger fut reçu par le Saint-Père dans le courant de l’hiver. Il fit amende honorable et obtint la miséricorde pontificale un nouveau sursis. En mai 1206, Innocent III ordonna à ses légats de laisser désormais l’archevêque en paix ; s’ils ont de nouveaux griefs, ils doivent les formuler au pape lui-même, afin qu’il juge en toute équité. Mais de nouveaux motifs de rupture ne tardèrent pas à surgir. Les légats avaient fait consacrer le nouvel évêque de Toulouse, Foulques, le 5 février 1206 (ce dernier jusqu’à la fin de son mandat le 25 décembre 1231 sera un défenseur zélé de l’orthodoxie dans une ville et une région où les cathares et leurs protecteurs sont très implantés) par l’archevêque d’Arles alors que ce droit revenait légalement à celui de Narbonne. Nouvelles plaintes de Bérenger qui s’estime lésé dans ses prérogatives de métropolitain. Innocent III l’apaise en justifiant tant bien que mal l’initiative de ses légats (or, c’est sur ordre du pape qu’une telle initiative a été prise) et en lui faisant savoir que la consécration de Foulques par l’archevêque d’Arles ne diminue en rien la suprématie de l’église de Narbonne sur celle de Toulouse ; mais le conflit ne tourna pas à l’avantage de Bérenger : le pape, averti que sa province était « infectée de loups qui ravagent le bercail du Seigneur », ordonne le 29 mai 1207 de le déposer définitivement et de pourvoir à sa succession. Quelques jours auparavant, Bérenger avait donné la preuve de son attachement à la cause de la lutte antihérétique : il avait don de l’église Saint-Martin de Limoux au monastère de Prouille que Frère Dominique avait fondé ? Est-ce ce geste qui lui valut un nouveau sursis. Deux ans plus tard, Bérenger était toujours en place. En 1209, il prêta serment à Arnaud-Amaury et aux chefs de l’armée croisée, il promulgua des statuts contre les hérétiques ; l’année suivante, il était dans les rangs des envahisseurs au siège de Minerve fin juin 1210. Il avait fait du zèle en dénonçant au pape les agissements de vaudois récemment réconciliés à l’Eglise. Mais une nouvelle enquête est ordonnée par Innocent III sans doute alerté par de nouvelles plaintes qui aboutit à sa déposition définitive par les légats Arnaud-Amaury et Navarre, évêque du Couserans. Mais Bérenger s’accroche encore. Le 25 juillet 1209, il va au- devant de l’armée royale pour présenter avec le vicomte Aimery la soumission de Narbonne En février 1211 il est présent au Concile de Montpellier en qualité d’archevêque de Narbonne lors de l’excommunication de Raimond VI. Ce n’est qu’en 1213 que Bérenger sera remplacé effectivement par Arnaud-Amaury. Innocent III pourra enfin compter sur ses prélats, véritable garde cistercienne : Foulques à Toulouse, Guy des Vaux-de-Cernay à Carcassonne et Arnaud-Amaury à Narbonne.

3. BIBLIOGRAPHIE :

MANUSCRIT : 609, Bibliothèque de Toulouse.

DUVERNOY (J.) : Le Catharisme, 2 tomes, Privat, 1976 -1979.

ROQUEBERT (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Perrin, 2006 -2007.

ROQUEBERT (M.) : Histoire des Cathares, Perrin, 2002.

COLLECTIF : Les cathares en Occitanie, Fayard, 1982.

NELLI (R.) : La vie quotidienne des cathares en Languedoc au XIIIe, Hachette, 1969.

BRENON (A.) : Le vrai visage du catharisme, Loubatières, 1988.

COLLECTIF : Les Cathares, MSM, 2000.

HERESIS : La persécution du catharisme : XIIe – XIIIe, Centre d’études cathares, Carcassonne.

LES CAHIERS DE FANJEAUX : n° 3, n° 4, n°14, n°20, Privat.

LA CHANSON DE LA CROISADE ALBIGEOISE, Livre de poche n° 4520, 2002.

DE VAUX-DE-CERNAY (P.) : Historia Albigensis, Vrin, 1951.

PUYLAURENS (G. de) : Chronique, Le Pérégrinateur, 1996.

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18 janvier 2015 7 18 /01 /janvier /2015 15:02

Contexte :

 Depuis l’automne 1232, date à laquelle s’installa Raimond de Péreille avec sa famille à Montségur, il alla rencontrer à Villeneuve-d’Olmes  Guilhabert de Castres accompagné d’ une vingtaine de parfaits escortés de trois chevaliers, Raymond Sans de Rabat, un autre coseigneur de Mirepoix, Isarn de Fanjeaux, cousin de Raimond de Péreille, Pierre de Mazerolles, coseigneur de Gaja. L’évêque lui demanda « de les recevoir sous le château afin que l’Eglise puisse y avoir son siège et sa tête ». Raimond de Péreille accepta. Avec l’évêque cathare de Toulouse se trouvaient son fils mineur, Jean Cambiaire, l’évêque d’Agenais et son fils majeur Vigouroux de la Bacone, les diacres Pons Guilhabert, Bernard Bonnafous, Raymond de Montouty. IMGP2899

    Guillaume de Bouan de Lavelanet devant le tribunal de l’inquisition le 2 mai 1244 relate avec précision cette seconde fondation de Montségur. Le sergent Bernard Cairole, alias de Joucou, devant le tribunal le 3 mai 1244 confirme le récit de Guillaume de Bouan. Bérenger de Lavelanet avoue devant le tribunal de l’inquisition le 21 avril 1244 les mêmes faits et en donne, de surcroît, les raisons. Enfin, Raimond de Péreille le 30 avril 1244 devant le tribunal de l’inquisition ajoute les ordinations : «…J’ai vu l’évêque Guilhabert de Castres faire des ordinations à Montségur. Il ordonna Tento évêque et Vigouroux de la Bacone, fils majeur des hérétiques de l’Agenais et d’autres. J’y ai assisté ainsi qu’Ath Arnaud de Châteauverdun, Raymond et Estolt de Roqueville, Bernard de Mareyville, mon bayle, Bernard Marty, et d’autres dont je ne me souviens pas. Tant moi-même que tous les autres, nous avons adoré les hérétiques… ». 

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    Pendant près de douze ans et malgré le Traité de Paris-Meaux de 1229,  parfaits et parfaites, essentiellement de l’église cathare du Toulousain vont pouvoir exercer leur ministère sous la protection du clan familial des coseigneurs Raimond de Péreille et de son cousin et beau-frère Pierre-Roger de Mirepoix. Désormais pour prêcher, ordonner, consoler, pour manger, pour dormir, pour voyager, pour tout désormais il faudra se cacher ; l’Eglise clandestine demeurera l’Eglise avec ses règles, ses devoirs, ses missions. Les périls ne font qu’accroître la nécessité d’une organisation rigoureuse qui déjouera les pièges et resserrera les liens entre les membres de l’Eglise, les croyants, les « faidits » et aussi parmi les gens du peuple. Montségur est un lieu de pèlerinage, d’accueil des malades pour y être consolés, des familiers, des visiteurs de passage et des hôtes qui restèrent parfois longtemps. Nous disposons de quelques quatre cents informations circonstanciées relatives à cette période qui va de 1229 à 1244-1245. On constate aussi l’étroite collusion entre la résistance politique à la conquête royale et la résistance religieuse à l’ordre romain. 

     Certes, en 1232, Massip de Gaillac, bayle de Raimond VII, vint à Montségur avec une troupe armée, rencontra l’évêque et fit arrêter Jean Cambiaire et trois autres parfaits qu’il emmena à Toulouse sans que les habitants s’y opposent. Si les trois parfaits furent brûlés à Toulouse, Jean Cambiaire, après un séjour en prison, s’évada avec la complicité plus ou moins tacite de ses gardes puisque de nombreux témoignages le montrent au Mas-Saintes-Puelles et à Fanjeaux vers 1233 puis en 1235, voire 1237.

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       Le 1er mars 1241, Raimond VII signe  une série d’engagements : « …A vous seigneur Jacques Pecoraria, évêque de Palestrina, légat du Saint-Siège, agissant en votre nom, en nom et place du seigneur pape Grégoire et de ses successeurs, et par mandat de l’Eglise nous  promettons et jurons de travailler et œuvrer efficacement à ce que désormais notre seigneur Raimond, par la grâce de Dieu comte de Toulouse et marquis de Provence, obéisse en tout aux ordres du seigneur pape, de l’Eglise romaine et du légat… ».

        Le 14 mars 1241 à Montargis où Louis IX tenait sa cour, Raimond VII dit : « … Nous avons juré à notre très cher seigneur Louis, illustre roi des Français, et lui avons promis en tant que notre seigneur-lige, de bien et fidèlement le servir contre les vivants et les morts et de combattre de bonne foi ses ennemis en pays Albigeois… Nous ferons détruire les châteaux que nous avons renforcés ou fortifiés après la paix de Paris… Nous ferons détruire le château de Montségur sitôt que nous pourrons en être maître… Item, de bonne foi, nous chasserons de notre terre les « faidits », et les ennemis du seigneur roi et ne permettrons pas qu’ils y reviennent ni y demeurent sans la volonté du seigneur roi. Nous avons également promis d’aider fidèlement, selon notre pouvoir, à ce qu’ils soient pareillement expulsés de la terre du seigneur roi… ».  

   Comme Guillaume Pelhisson dans sa « Chronique », Raimond VII ne parle que de Montségur qui comme pour la société des croyants et des sympathisants est le lieu privilégié, le refuge cathare, où se trouvent « la tête et le siège ».

    Le siège a bien eu lieu. Voici ce que dépose le chevalier Arnaud-Roger de Mirepoix le 22 avril 1244 devant le tribunal dirigé par Frère Ferrer lors de ses trois interrogatoires : « … Alors que le comte de Toulouse tenait assiégé le castrum de Montségur, Pierre-Roger de Mirepoix y introduisit Raymond Maffre de Saint-Michel qui était de l’armée du comte. Alors, avec des chandelles allumées, Pierre-Roger conduisit l’arbalétrier Raymond Maffre à la maison de l’hérétique Bertrand Marty. Je n’y suis cependant pas entré avec eux et ne les ai pas vus adorer les hérétiques ; mais je crois bien qu’ils l’ont fait car, par la suite, j’ai entendu Gaillard del Congost et Bérenger de Lavelanet qui étaient entrés avec eux dans cette maison dire que Raymond Maffre les avait adorés…Il y a trois ans… Alors que le comte de Toulouse tenait assiégé le castrum de Montségur, j’ai vu Arnaud du Villar de Queille entrer à Montségur et préparer les arbalètes du castrum. Il allait voir les hérétiques et il les adora plusieurs fois à ma vue. Il y a trois ans… Pendant que le comte de Toulouse tenait assiégé le castrum de Montségur, Bernard d’Arvigna de Dun et Guillaume Bernardi, bayle de Montgiscard pour le comte de Toulouse, entrèrent à Montségur. Je les ai vus parler aux hérétiques mais je n’ai pas vu qu’ils les aient adorés. C’était il y a trois ans… »

    Arnaud de Miglos, chevalier du haut comté de Foix et bayle du comte de Foix à Quié, avoue devant le tribunal de l’inquisition le 24 mai 1244 : « Quand le castrum de Montségur fut assiégé par le comte de Toulouse, j’ai fait parvenir à Pierre-Roger de Mirepoix douze cordes et deux frondes pour servir à la pierrière et une arbalète… ».

    Ce simulacre de siège dura trois jours, sans combat, avec une armée sous les ordres de Jourdain de Lanta, fils d’un parfait mort sur un bûcher, et de Pons de Villeneuve, un bienfaiteur de Montségur.

    Cependant la communauté prit peur ; Pierre-Roger de Mirepoix mit le castrum en état de défense. La communauté religieuse prit des précautions : sous l’escorte de huit sergents et de quelques chevaliers accompagnent India de Lahille et sept autres parfaites pour les conduire à Queille dans la maison d’Arnaud de Lescure.

    A la veille du siège  par l’armée royale sous le commandement de Hugues des Arcis, le château et le village construit à ses pieds abritent entre quatre et cinq cents personnes. Cette communauté est organisée et ne vit pas en vase clos. Il y a un mouvement continu de parfaits qui partent en mission et en reviennent mais aussi des croyants qui viennent en pèlerinage et des commerçants et paysans qui viennent vendre des victuailles et des matières premières pour permettre la survie de la communauté.  

Dépositions :

Première déposition:

    L’an et le jour ci-dessus (10 décembre 1245) Guillaume Aimeric de Saint-Esteffe, paroisse de Cazalrenoux (canton de Fanjeaux), requis…  devant le tribunal d’inquisition dirigé par les inquisiteurs Bernard de Caux et Jean de Saint-Pierre sur le parvis de la basilique Saint-Sernin de Toulouse dit :

    « … Item, j’ai vu à Montségur, l’évêque Bernard Marty et ses compagnons parfaits dans les maisons qu’ils y tenaient publiquement et j’ai mangé avec ces parfaits à la même table et du pain béni par eux. Et je les ai adorés. J’ai vu avec ces parfaits Raimon Aicart de Gaja et Pierre de Montolieu ou de Saint Félix qui habite à Avignonet qui ont adoré ces parfaits.

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    Je dis et je fis valoir alors à ces parfaits que j’avais été leur ami et que pour cela j’avais perdu tous mes biens, et que je leur demandais de me faire quelque bien, mais ils ne voulurent pas le faire.

    Il y a quatre ans ou environ. (donc, 1241).

Seconde déposition :

    Le 19 décembre 1245, il est requis à nouveau pour compléter ou préciser certaines informations. Il dit :

    «… Item, je m’enfuis de Montségur et j’y vis plusieurs parfaits ainsi qu’il est contenu dans ma première confession. Et je vis là Pierre-Roger de Mirepoix, Bernard de Saint-Martin de Laurac, feu Raimond de Marseille, Guillaume de Lahille, Raimond-Arnaud de Pennautier, Pelestieu de Pernnautier et Aimeric de Pennautier, mais je ne les ai pas vus avec des parfaits ni adorer ces parfaits.

Il y a environ trois ans… (donc, 1242).

Commentaires :

Malgré la dimension fragmentaire de ces deux dépositions entrecoupées par un séjour à la prison (probablement le mur large) où les frères Prêcheurs expédient les croyants afin que, par le jeûne et la pénitence, ils demandent le retour à la foi et abjurent leur hérésie, le requis nomme :

             -L’évêque Bertrand Marty et parle de parfaits qui tenaient maison publiquement,

              -Deux chevaliers (1ère déposition).

              -Il est croyant puisqu’il est accepté à partager le repas à la table même des parfaits et donc considéré comme hérétique et spolié de tous ses biens ; il devient « faidit ». 

               - Alors que Raimond de Péreille, coseigneur de Montségur est  chargé de la gestion du quotidien de la vie dans le castrum, son beau-frère et cousin Pierre-Roger de Mirepoix s’occupe des questions militaires  et dialogue avec quelques-uns des chevaliers résidents à Montségur : cinq nobles chevaliers  et un défunt, Raimond de Mareille, consolé avant de mourir dans les combats contre les assiégeants. Guillaume de Lahille fut blessé et consolé et brûlé le 16 mai 1244. Ils figurent tous dans la troupe que choisit Pierre-Roger de Mirepoix pour répondre à la lettre de Raymond d’Alfaro, reçue le 26 mai 1242,  de se rendre dans une forêt de Gaja. Là, Bernard de Saint-Martin leur apporta du pain et du vin, des fromages et autres nourritures. Tant la préparation que la réalisation du massacre d’Avignonet nous sont connues par quatre sources qui furent membres du commando : Au tribunal, Imbert de Salles, sergent à Montségur, raconte, avec force détails, l’événement le 19 mai 1244 devant l’inquisiteur Frère Ferrer ; Voici une partie de sa déposition : «…Pierre-Raymond de Plaigne, le frère de Guillaume de Plaigne vint au castrum de Montségur voir Pierre-Roger de Mirepoix de la part de Raymond d’Alfaro, bayle du comte de Toulouse. Il lui apporta une lettre de ce dernier mais je ne l’ai pas vue et je n’ai pas entendu ce qu’elle contenait. Pierre-Roger réunit par la suite tous les chevaliers et les sergents de Montségur et nous dit qu’un grand butin nous attendait si nous le suivions tous. Alors moi-même, Pierre-Roger, Guillaume Azéma de Vals, Bernard de Saint-Martin de Laurac, Guillaume de Lahille, Raimond de Marseille, Raimond Arnaud de Pennautier, Pélestieu de Pennautier et Aimeric de Pennautier, …. et de très nombreux autres dont je ne me souviens pas, nous allâmes dans une forêt, près de Gaja. Là, Bernard de Saint-Martin fit apporter du pain, du vin, des fromages et autres nourritures dont Pierre-Roger, moi-même et les autres mangeâmes… ».

  Arnaud-Roger de Mirepoix fait le 22 avril 1244 devant le Frère Ferrer le même récit : «…  Un jour Guillaume de Plaigne vint à Montségur et s’entretient en particulier avec Pierre-Roger de Mirepoix. Alors ce dernier nous appela moi-même et tous les chevaliers et sergents du castrum ; il nous dit de nous préparer à partir avec lui, car un grand  butin nous attendait… ».

  Lors de l’interrogatoire, Alzieu de Massabrac le 3 mai 1244 devant Ferrer confirme les versions antérieures ; la dernière source vient  de Bernard de Quiders, qui se trouvait dans Avignonet même et qui, quelques jours jours après le meurtre se confessa et fut absous.

Nous avons consacré des articles au massacre d’Avignonet et aux requis qui furent impliqués dans l’affaire.

Bibliographie :

Puylaurens (G. de) : Chronique, Le Pérégrinateur, 1996.

Duvernoy (J.) : Le dossier de Montségur, Le Pérégrinateur, 1998.

Duvernoy (J.) : Le Catharisme, 2 tomes, Privat, 1976-1979.

Roquebert (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Perrin, 2006-2007.

Roquebert (M.) : Histoire des cathares, Perrin, 2002.

Des Vaux-de-Cernay (P.) : Historia  Albigensis, Vrin, 1951.

Brenon (A.) : Le vrai visage du catharisme, Loubatières, 1988.

Cahiers de Fanjeaux : n°4, n°14, N°20, Privat.

Heresis : La persécution du catharisme au XIIIème, Centre d’Etudes Cathares, Carcassonne.

Collectif : Les Cathares, MSM, 2000.

  croix occitane

 

 

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 17:36

En amont :

     En 1240, sous le commandement de Jean de Beaumont, l’armée royale poursuit Trencavel et quelques anciens vassaux de son père qui, devant le fiasco du siège et l’arrivée des troupes royales, quittent Carcassonne, se réfugient à Montréal dont ils  doivent s’enfuir après l’intervention des comtes de Toulouse et de Foix. Cependant cette ville est rasée ainsi que d’autres localités qui ont apporté leur soutien à Trencavel. Les suspects d’hérésie sont marqués au fer rouge d’une croix au front. Jean de Beaumont suit les Occitans, s’empare de leur arrière-garde, pend quelques faidits et assiège La Roque de Fa défendue par Olivier de Termes, qui, contraint à la reddition, présentera six mois plus tard sa soumission au roi de France.

     Le 16 novembre, après trois jours de siège, Guillaume de Peyrepertuse livre sa forteresse des Corbières. Suit la reddition de Géraud de Niort à Duilhac. Quant à Trencavel, il retrouve son exil

IMGP7431

Peyrepertuse

  aragonais auprès de son cousin Jacques 1er. A la fin de 1246, Trencavel revient à Carcassonne, rencontre le sénéchal Jean d’Escrennes afin de monnayer auprès de roi son renoncement officiel à ses droits ancestraux et obtenir le pardon pour tous ses anciens partisans en exil dont les biens ont été confisqués. En janvier 1247, le roi n’accepte que si Trencavel s’engage dans la Croisade en Terre Sainte et, pour ses vassaux, s’ils rebâtissent couvents et églises détruits lors du siège de 1240. L’acte de renonciation est signé le 7 avril 1247 à Béziers puis confirmé à Paris en octobre. Trencavel s’embarque avec le roi Louis IX pour Chypre en 1248. Il mourut entre 1263 et 1267.

    Olivier de Termes se soumit en 1228 et abandonna aux mains des croisés sa seigneurie du Termenès à peine récupérée. Il quitta le pays et rejoignit Jacques 1er d’Aragon à la conquête de Majorque puis se mit au service de Raymond VII en 1234 ; deux ans plus tard, il participa, sous les ordres du comte de Toulouse, à la guerre contre Raymond-Bérenger en Provence et contre la sénéchaussée royale de Beaucaire. En 1240 donc, il rejoint le soulèvement de Trencavel contre Carcassonne. Pendant la débâcle, il tente un dernier baroud d’honneur en défendant Laroque de Fa assiégée par les français Six mois plus tard, il est aux pieds du roi à Pontoise pour lui remettre sa terre, ses châteaux, en compensation desquels il reçut une rente. En 1247, le roi accepte l’engagement d’Olivier de partir en Terre Sainte pour la sixième croisade de 1248. Là, il combattit si vaillamment qu’il fit l’admiration du roi qui lui rendit le château d’Aguilar et divers autres domaines des Corbières. Passé dans les rangs des troupes royales, il assiège, sur ordre du roi de s’emparer de « ce nid d’hérétiques et de malfaiteurs », en mai 1255, le château de Quéribus tenu par Chabert de Barbaira qui sera emprisonné à Carcassonne où, avant la fin de ce même mois de mai, il livre Quéribus à Pierre d’Auteuil, sénéchal de Carcassonne, et achète sa liberté au prix d’une forte caution.

IMGP7176  Quéribus

     En 1270, Olivier de Termes est à Tunis au chevet de Louis IX lorsque celui-ci est emporté par la peste. Au cours de l’été 1270, Alphonse de Poitiers, fils de louis VIII, devenu comte de Toulouse par son mariage avec Jeanne de Toulouse, fille de Raymond VII et de Sancie d’Aragon, s’embarque pour aller rejoindre son frère Louis IX en Tunisie. Lorsqu’il arrive le 27 août, il apprend que son frère est mort deux jours avant, le 25 août 1270. IMGP3706

    Termes   

Olivier de Termes meurt en 1274. Sa dépouille reposerait à l’abbaye de Fontfroide.

IMGP5008  Fontfroide

Le Traité de Corbeil :

    Cependant à l’est des Pyrénées, en 1255, les royaumes d’Aragon et de France sont dans une situation délicate : si Jacques 1er conteste à la couronne de France ses droits sur le Carcassès, le Razès, le Minervois, le Termenès, le Lauragais, l’Albigeois, le Peyrepertusès et même le Gévaudan et le Nîmois, Louis IX peut prétendre faire valoir ses droits sur le comté de Barcelone, le Besalù, l’Ampurdan, le Roussillon et le Conflent qui formaient du temps de Charlemagne la fameuse marche d’Espagne.

     Les deux souverains décident de s’en remettre à une commission arbitrale composée du doyen de Bayeux d’une part et du catalan, le sacriste de Gérone. Elle doit remettre ses conclusions le 24 juin 1256 mais ne présente aucune solution.

    Le 11 mars 1258, Jacques 1er envoie trois ambassadeurs à la cour de France dont l’évêque de Barcelone. Leur ordre de mission est très précis et fait un inventaire exhaustif des domaines en litige : « … Nous vous donnons pouvoir de céder et abandonner à perpétuité ces droits au roi et aux siens…Nous vous donnons pouvoir de transiger et composer avec le roi de France et de recevoir de lui cession et abandon de tout droit qu’il prétend avoir sur le comté de Barcelone… ».Les deux partis finissent par trouver un accord ; le texte est rédigé et conclu à Corbeil. Il est ratifié par le roi d’Aragon le 11 juillet. Il fixe les frontières entre les deux états. Les comtés catalans restent à l’Aragon. Les vicomtés Trencavel reviennent au roi de France. Quant au Fenouillèdes, il est réuni au premier à l’exception de la vallée de la Boulzane que domine l’impressionnante forteresse de Puilaurens.

IMGP8138  Puilaurens

    Cette frontière ne sera pas remise en cause avant le Traité des Pyrénées de 1659. Cependant la seigneurie de Montpellier, dont les habitants et les consuls font amende honorable auprès de jacques 1er reste possession de la couronne d’Aragon.  

BIBLIOGRAPHIE :

DOM DE VIC (G.) et DOM VAISSETE (J.) : Histoire générale du Languedoc, Privat.

ROQUEBERT (M.) : L’Epopée cathare, 5 volumes, Perrin, 2006-2007.

ROQUEBERT (M.) : Histoire des cathares, Perrin, 2OO2.

COLLECTIF : Les Cathares, MSM, 2000.

LE GOFF (J.) : Saint Louis, Gallimard, 1996.

NIEL (F.) : Quéribus, la dernière forteresse cathare, Robert Laffont, 1988.

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11 octobre 2014 6 11 /10 /octobre /2014 15:45

IMGP2895

    Afin de rompre avec les élucubrations et divagations qui continuent à encombrer les esprits, à perturber gravement les sites respectables et à provoquer des fouilles sauvages, revenons à la réalité simple des faits et des témoins.

    Avant la Noël de 1234, l’évêque Bertrand Marty décida de mettre en sécurité les avoirs de la communauté religieuse. Il confia « l’or, l’argent et une quantité infinie de monnaies » au diacre Pierre Bonnet et au parfait Mathieu.

    Voici la déposition du sergent Imbert de Salles devant l’inquisiteur Frère Ferrer avec pour témoins Pierre Aribert et le notaire Guiraud Trépat au tribunal de l’inquisition le 19 mai 1244 : « …l’hérétique Mathieu m’a dit que lui-même et Pierre Bonnet, diacre des hérétiques de Toulouse quand ils sortirent de Montségur et en tirèrent l’or, l’argent et une quantité infinie de monnaie (aureum, et argentum et peccuniam infinitam) passèrent par là où les hommes de Camon montaient la garde. Ceux-ci leur donnèrent l’endroit et les chemins par où passer et sortir librement. Ces hérétiques allèrent alors à une grotte de Sabarthès tenue par Pons-Arnaud de Châteauverdun. C’était aux environs de l’année dernière… ». 

    Les gens de Camon, enrôlés de force dans l’armée royale étaient des voisins de Montségur, en tous cas des compagnons sinon des sympathisants de la cause cathare. Pons-Arnaud de Château de Verdun est le frère de Ath-Arnaud de Châteauverdun, l’époux de Séréna, une sœur de Pierre-Roger de Mirepoix

    Le second témoin, Arnaud-Roger de Mirepoix, frère de Raymond de Péreille et époux de Cécile de Montserver, dans sa première déposition devant le tribunal de l’inquisition le 22 avril 1244 déclare : « …Item, quand les parfaits sortaient du château de Montségur pour être livrés à l’Eglise et au Roi, Pierre-Roger de Mirepoix Retint au château Amiel Aicart et son compagnon Huc, et, de nuit, après que les autres parfaits eurent été brûlés en masse, ledit Pierre-Roger les cacha, et ils s’évadèrent. Et cela fut fait pour que l’Eglise des hérétiques ne perde pas son trésor (thesaurus ) qui était caché dans les bois. Et je l’ai entendu dire à Alzieu de Massabrac qui les avait vus et à Guillaume Dejean de Lordat qui les vit après leur évasion… ».IMGP7665.JPG

    Il est le seul à parler de trésor à l’origine de tant d’affabulations.

    A la veille du siège (printemps 1243), le  château et le village construit à ses pieds abritaient entre quatre et cinq cents personnes. Autour des seigneurs de Montségur, Raimond de Péreille et Pierre-Roger de Mirepoix vivent leurs familles, la communauté civile d’écuyers, d’hommes d’armes, de « faydits » et de leurs proches, des visiteurs et des personnes qui séjournent plus ou moins longtemps. La communauté religieuse est constituée de plus de deux cents personnes. Tout ce monde s’est parfaitement organisé. Il y a un portier, le sergent Guillaume de Gironda, un meunier, le parfait Pons Aïs, une fournière Guillelme Marty. Bons Hommes et Bonnes Femmes travaillent, les premiers, dans un atelier de tailleurs qui fabrique des pourpoints pour les soldats ; les secondes, dans un atelier, dirigé par Marquésia Hunaud de Lanta, qui confectionne des vêtements pour les femmes et des chausses pour les hommes, chacun employant plus de cent personnes. Un parfait est barbier, un autre cordonnier, S’y trouve même un médecin, Arnaud Rouquier et son épouse, et un ingénieur en machines de guerre, Bertrand de la Vacalerie à partir de janvier 1244.

    Il fallait donc nourrir, vêtir, équiper les servants d’armes du château, entretenir les cent chevaliers compagnons de Raimond de Péreille et faire vivre les cinq ou six cents femmes, enfants, vieillards, malades et réfugiés. Il y avait donc un trésor commun à Montségur ; les deux coseigneurs devaient avoir leurs trésoreries propres. Les nombreux paysans qui dès 1232 vinrent plus ou moins clandestinement à Montségur pour y apporter du vin, du sel, de l’huile, du blé, du pain, des poissons et autres nourritures «  les vendaient indistinctement au hérétiques et aux autres du château ». La communauté religieuse avait besoin d’argent pour se nourrir, acheter les matériaux pour les ateliers, monnayer les services rendus. Les parfaits et parfaites payaient les escortes de chevaliers et sergents qui les accompagnaient dans leurs déplacements. Une provision numéraire pour les besoins de l’Eglise cathare est nécessaire et légitime. Ce fut vrai pour les parfaits et parfaites de Montségur mais pour bon nombre de communautés cathares que la clandestinité, la persécution et la complicité obligèrent à disposer de disponibilités financières pour pouvoir acheter ou gratifier les protections et les services.

    Des croyants au terme de leur vie après avoir été reçus et consolés donnaient des legs (champs, produits agricoles, animaux ou argent selon leurs richesses) comme l’avoue  Arnaud-Roger de Mirepoix devant le tribunal dans ses deux dépositions, les 22 avril et 27 mai 1244, et qui fut témoin de quatorze consolaments. Par ailleurs, dans la société cathare il était de tradition de faire l’aumône ; elle pouvait se faire en nourriture : nourriture, vin, vêtements mais aussi en argent ; or cet argent allait au trésor de la communauté et non au parfait à qui on l’avait remis puisque la règle lui imposait de vivre du travail de ses mains, point de la charité publique. Legs, aumônes et collectes constituaient et alimentaient les « trésors » cathares sans oublier la vente des produits de leur travail et celui de leurs activités bancaires avec les échanges commerciaux. Si Marquésia de Lanta donna des voiles, des chemises et des gants à sa petite-fille Philippa, elle dut bien en vendre aux pèlerins, visiteurs et colporteurs qui venaient à Montségur. Ni le meunier Pons Aïs ni la boulangère Guillelme d’En Marty ne devait gratuitement moudre du blé ni cuire le pain des Mirepoix, des Péreille et des autres. Les besoins en numéraire étaient astreints à une économie d’échanges et non de production pour tout ce qui concernait la nourriture, les objets de la vie quotidienne et les matières premières nécessaires à l’artisanat de transformation, outre les dépenses liées au renforcement des systèmes de défense.

    Entre le 4 et le 13 mars 1244, les parfaits et les parfaites distribuèrent à ceux qui allaient survivre tout ce dont eux-mêmes n’auraient plus besoin désormais comme l’avoue Imbert de Salles devant le tribunal de l’inquisition le 19 mai 1244 : «  Un hérétique de Toulouse, fabricant de bourses, me donna des souliers. L’hérétique Pierre Sabatier me donna deux sous melgoriens, Rixende Donat de Toulouse, un bonnet de lin et une bourse ; Raymond Agulher et Guiraude de Caraman, des braies et la supérieure, Rixende de Telle, dix sous melgoriens. C’était à la dernière Mi-Carême… ».

     Le fils mineur de Bertrand Marty donna cinq sous à Guillaume Bouan qui apprit que, la veille du bûcher, tous les autres sergents avaient reçu la même somme. Le diacre Raymond de Saint-Martin remit « quinze cents toulzas à Pierre-Roger de Mirepoix pour qu’il les distribue à titre de solde ou de don… ». Pierre-Roger reçut, pendant la trêve, quatre cent sous de la main du parfait Jean de Combel.

    De la déposition d’Imbert de Salles nous savons que : «… Pierre-Roger de Mirepoix enleva de la maison de l’évêque Bertrand Marty le poivre, l’huile, le sel, la cire et une couverture de perset vert et garda le tout. Il enleva la plus grande quantité du blé des hérétiques et cinquante pourpoints qu’ils avaient personnellement fait faire… J’ai vu Guillaume-Azéma de Vals enlever un plein coffre de froment qui était à l’hérétique Raymonde de Cuq. C’était avant la Mi-Carême… ».

    Dans le souci de ses compagnons de l’Eglise clandestine, Bertrand Marty confia une mission dont parle Imbert de Salles : «… Bertrand Marty me dit de dire à son frère  Raymond  Marty qu’il trouverait trace des quatre cents sous toulzas qu’il savait, près de l’église (maison commune) des hérétiques, soit de Fanjeaux soit du Lauragais. C’était aux environs de la Mi-Carême… ».  

    Enfin, toujours dans la déposition d’Imbert de Salles : «… J’ai vu que les hérétiques Raymond de Saint-Martin,  Amiel Aicart, Clamens, Taparel, Limoux et Guillaume Peyre, apporter à Pierre-Roger de Mirepoix une pleine couverture d’argent des hérétiques et lui donner cet argent. C’était vers la Mi-Carême, c’est-à-dire après que fut promise la reddition du castrum en la main du roi et de l’Eglise… » Ce « trésor » correspond à ce que l’Eglise avait la garde mais qui ne lui appartenait pas puisque c’était le dépôt des croyants comme l’affirme Arnaud-Roger de Mirepoix dans son interrogatoire du 27 mai 1244 : «… Un jour que j’étais dans une force nommée Saint-Félix, près de Pamiers, arrivèrent Pierre de Flairan de Mirepoix et sa sœur Maurine. Ils me demandèrent si je savais quelque chose au sujet des dépôts de Montségur, car lui, Pierre, avait bien perdu trois cent sous qu’il avait remis en dépôt aux hérétiques, au castrum. Je lui dis que Pierre-Roger de Mirepoix avait reçu tous les dépôts du castrum. C’était il y a quinze jours ou environ… ».

    Six parfaits de Montségur échappèrent au bûcher. D’abord Mathieu et Pierre Bonnet qui avaient évacué « le trésor » à la fin de 1243. Et puis quatre autres qui, pendant la nuit qui précéda le bûcher, furent cachés « sous terre » et s’enfuirent. C’est Bérenger de Lavelanet qui, devant le tribunal, le 2&avril 1244, déclare : «… J’ai entendu dire par Raymond Monic qu’Amiel Aicart, Peytavi et deux autres hérétiques furent cachés sous terre au moment de la redditon des autres hérétiques et extraits de Montségur. Mais je ne sais pas et n’ai pas entendu dire qui les tira du castrum, ni comment. J’ai entendu dire qu’ils allèrent à Caussou, et de là à Prades et au castrum d’Usson avec l’hérétique Mathieu, qu’ils rencontrèrent. A Usson demeurent Raymond de Caussou, Guillaume Caramelaire et les autres hérétiques susdits… ».

     Le lendemain, 22 avril, Arnaud-Roger de Mirepoix, à son tour avoue : «… Pendant que les hérétiques sortaient de Montségur pour être livrés à l’Eglise et au roi, Pierre-Roger de Mirepoix garda dans le castrum Amiel Aicart et son « soci » hérétique Hugues. Dans la nuit, après que les autres hérétiques eurent été brûlés en masse, Pierre-Roger cacha lesdits hérétiques et ils s’évadèrent. Cela fut fait afin que l’église des hérétiques ne put perdre son trésor (thesaurum) qui était caché dans les bois, tous deux le savaient. Ceci et cela je l’ai entendu d’Alzieu de Massabrac, qui les avait vus et de Guillaume de Déjean de Lordat, qui les vit après leur évasion du castrum. C’était dans la semaine avant les Rameaux (donc entre le 21 et 27 mars)… ».

     Deux autres témoins, le sergent Guillaume Bouan dans sa déposition du 2 mai 1244 et le sergent Bernard de Joucou le 3 mai confirment les dépositions ci-dessus. On ne sait ce qu’emportaient les évadés.IMGP3590

BIBLIOGRAPHIE :

DUVERNOY (J.) : Le Dossier de Montségur, Le Pérégrinateur, 1998.

DUVERNOY (J.) : L’Histoire des Cathares, 2 tomes, Privat, 1976 et 1979.

ROQUEBERT (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Perrin, 2006-2007.

ROQUEBERT (M.) : Histoire des Cathares, Perrin, 2002 ;

BRENON (A.) : Les cathares. Vie et mort d’une église chrétienne, Milan, 1998.

BRENON (A.) : Le vrai visage du catharisme, Loubatières, 1990.

Les Cahiers de Fanjeaux : n°4, n°14, n°20.

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20 septembre 2014 6 20 /09 /septembre /2014 18:01

CONTEXTES :  

 

1 L’AVENEMENT D’INNOCENT III :  

        Après des études de théologie à Paris et de droit canon à Bologne, Lotario Conti devenu à vingt et un ans chanoine à Saint-Pierre de Rome et, neuf ans plus tard, cardinal, il accède à l’unanimité de la Curie au trône pontifical le 8 janvier 1198 et prend le nom d’Innocent III. Il veut avant tout restaurer l’Eglise dans sa vocation de « gouvernement du monde » et lutter contre les hérésies et, en particulier, contre l’hérésie cathare. A peine élu, il apprend par  lettre de l’archevêque d’Auch que « le chancre de l’hérésie sévit en Gascogne et dans les régions voisines » Le 1er avril, il répond en lui rappelant les dispositions antihérétiques existantes (Concile de Tours 1163, 3ème Concile de Latran  de 1179) et lui demandant de de veiller au non-cumul des bénéfices ecclésiastiques, de sanctionner les clercs prévaricateurs et de faire rentrer les moins errants dans leurs abbayes.

         Le 21 avril, le pape envoie une lettre de même teneur aux archevêques d’Auch, Aix, Embrun, Arles, Vienne, Lyon, Narbonne et Tarragone ainsi qu’aux fidèles et seigneurs de ces provinces, ces derniers étant tenus de de confisquer les biens des hérétiques et de leurs fauteurs comme le décida le Concile de Latran de 1179 (l’anathème doit être prononcé contre ceux qui leur donnent asile ; le devoir des seigneurs est de les arrêter et de confisquer leurs biens ; les fidèles doivent proscrire toute relation, même commerciale, avec eux ; et surtout, pour débusquer les hérétiques, la dénonciation s’avérant insuffisante, ce canon prescrit de procéder à des enquêtes). Il leur annonce aussi l’envoi en Languedoc de deux légats, Rainier et Guy, tous deux cisterciens.

       Le 25 mars 1199, Innocent III promulgue la décrétale de Viterbe qui entérine, juridiquement, le principe de la confiscation des biens des hérétiques et de leurs fauteurs : l’Eglise se considère comme la magistrature suprême et s’arroge le droit de priver de tous ses biens toute personne coupable de crime « contre la chose publique », l’hérésie étant le plus grave de ces crimes. Ainsi, elle s’affirme comme garante suprême de l’ordre social, et dénonce l’hérésie comme une atteinte aux structures de la société et de la paix civique.

        Innocent III lance dans le Midi plusieurs campagnes de prédication ou « croisade spirituelle » dont les résultats sont si décevants qu’il envisage très tôt le processus militaire comme le prévoyait le Concile de Latran de 1179 où archevêques et évêques peuvent et doivent, s’ils en ont besoin, demander au pouvoir temporel d’exercer les mesures coercitives requises contre les hérétiques. Dans sa réponse à l’archevêque d’Auch, le 1er avril 1198, et des peuples », il écrit : « Et si c’était nécessaire, fais-les contraindre par la force du glaive matériel, au moyen des princes et des peuples ». 

     A la fin de 1201, Innocent III écrit à Raymond VI pour lui rappeler ses obligations dans la lutte contre l’hérésie. Mais tant le roi Philippe-Auguste (soucieux de défendre ses prérogatives royales et l’indépendance de la couronne de France s’employa constamment à limiter le droit de regard du Saint-Siège et à empêcher son ingérence dans les affaires féodales) que les princes et les peuples du Midi surtout font la sourde oreille et le haut clergé lui-même ne déploie aucun zèle  à provoquer l’intervention du pouvoir temporel. Innocent III se voit dans l’obligation de destituer les  prélats inefficaces et des féodaux réticents.

    Si la première mesure est une affaire intérieure à l’Eglise, la seconde qu’elle ne peut être obtenue que par la violence car les seigneurs occitans favorables à l’hérésie ne vont pas sans résistance se laisser priver de leurs titres  et déposséder de leurs biens. IL faudra que le pape trouve des hommes décidés à se substituer à eux et il ne pourra les trouver qu’en dehors du Languedoc.

 

2 BERTRAND DE SAISSAC :          

  Le vicomte Roger II dont les sympathies pour le catharisme étaient notoires (les missions de 1178 puis l’expédition armée de 1181 étaient dirigées contre lui) meurt à Trencavel en 1194,  laissant un fils de 9 ans, Raymond-Roger qu’il confie à Bertrand de Saissac qui devient aussi le « régent » de ses domaines. Ce dernier avait en 1194 fait serment à l’évêque de Béziers, Geoffroy, de n’introduire ni vaudois ni cathare dans la ville et le diocèse de Béziers, de chasser ceux qui pourraient s’y trouver et de donner toute latitude au prélat pour les expulser. Or, dans la vicomté, nombreuses sont les communautés cathares comme à Saissac depuis 1195.

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       En 1197, Bertrand de Saissac participa activement à l’élection de l’abbé de l’abbaye d’Alet. En effet, la mort de l’abbé Pons Amiel, les religieux avaient élu pour successeur Bernard de Saint-Ferréol que Bertrand d Saissac jugeait incapable et dangereux pour la cause cathare. Il se rendit à Alet avec es hommes d’armes, s’empara du récent abbé qu’il mit ensuite en prison et plaça sur le trône abbatial le cadavre de l’abbé défunt et fit procéder à une nouvelle élection après avoir chassé les moines récalcitrants et terrorisé ou acheté les autres. C’est ainsi qu’il mit à la tête de l’abbaye un de ses hommes, un certain Boson que l’archevêque de Narbonne, Guillaume de Rocozels, confirma dans ses fonctions en échange d’une forte somme d’argent. Il protégeait les hérétiques et hébergeait des troubadours tels Peire Vidal.

      Nul doute qu’il fut croyant lui-même selon la déposition de Bernard-Oth, seigneur de Niort, devant le tribunal de l’inquisition le 2 novembre 1242 devant l’inquisiteur Ferrer : « Item, j’ai vu Bertrand de Saissac chez la parfaite Blanche de Laurac écouter prêcher puis adorer le diacre cathare Raymond Bernardi. C’était vers 1200 où assistait aussi le comte de Foix ».

       Toute la féodalité du pays d’Aude était à l’image du seigneur de Saissac comme en témoignent les comportements de Pierre-Roger de Cabaret, de Raymond-de-Termes, de Guillaume de Minerve, et, plus au sud, les seigneurs de Payrepertuse et du Fenouillèdes, apparentés aux Saissac et aux Cabaret.

     C’est cette féodalité audoise qui subira le premier et terrible choc de la croisade ; c’est elle qui donnera asile, dans ses nids d’aigle, aux hérétiques pourchassés et aux seigneurs déshérités par l’invasion et de ce fait devenus « faidits ». C’est elle qui dans ses fantastiques repaires des Corbières, du Minervois, de la Montagne Noire luttera contre Montfort parfois jusqu’à le dernière flèche et la dernière goutte d’eau, après que le jeune vicomte Raymond-Roger eut succombé en novembre 1209 dans les prisons de Carcassonne.  

L’AFFAIRE  de GUILLAUME de ROCOZELS :

    Guillaume de Rocozels dont la naissance nous est inconnue, est issu d’une vieille famille féodale. Leur château dont il ne subsiste que la chapelle du XXe se dressait au sommet de l’actuel hameau de Rocozels dans la haute vallée de l’Orb. Il fut élevé au rang d’évêque de Béziers en 1198 et très tôt dans son ministère il s’affirme par des mesures totalement réfractaires à toute action répressive contre les hérétiques et leurs croyants et qui souhaitent rester dans son diocèse. Cette position s’explique non par une sympathie particulière pour les cathares mais il se sent lésé par les pouvoirs exorbitants dont sont nantis les légats d’Innocent III.

    En 1203, il refuse d’accompagner ceux-ci jusqu’à Toulouse. Il refuse d’ordonner aux consuls hérétiques de Béziers d’abjurer et il empêche les légats de les de le leur ordonner eux-mêmes. Alors les deux envoyés pontificaux, Raoul de Fontfroide et Pierre de Castelnau le suspendent, et interdisent au clergé de lui prêtre obéissance jusqu’à ce que le pape ait pris une décision. Celle-ci arrive bientôt le 18 février 1204, Innocent III confirme la suspension de Guillaume de Rocozels  dans une lettre à l’évêque d’Agde et à l’abbé de Saint-Pons.

    Or, sur plainte de ses légats, Innocent III se voit dans l’obligation urgente d’enquêter le 25 mai 1205 sérieusement sur cet évêque qui « admet dans son église des choses abominables ». Or cet évêque est le frère du seigneur Guillaume VIII de Montpellier à qui, en mourant, Guillaume a confié sa femme et ses enfants Et il avait fait preuve de fidélité quand il emprisonna en 1201 huit hérétiques. Innocent III ordonna néanmoins le 25 mai 1205 que fut menée sur lui une enquête sérieuse. Au terme de celle-ci, le prélat apparut digne de conserver son siège. Il deviendra plus tard un auxiliaire dévoué de Simon de Montfort.

    Il faudra attendre la Croisade en 1209 pour voir des seigneurs occitans passer avec des armes et bagages dans le camp de l’Eglise.

IMGP0375 

BIBLIOGRAPHIE :

DUVERNOY (J.) : Le dossier de Montségur, Le Pérégrinateur, 1998.

DUVERNOY (J.) : Le catharisme, 2 tomes, Privat, 1979.

De VAISSETTE (J.) et DEVIC (C.) : Histoire générale du Languedoc, 12 tomes, t.6, Privat, 2003.

DOSSAT (Y.) : Les crises de l’inquisition toulousaine au XIIIème, Bière, 1959.

ROQUEBERT (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Perrin, 1971 – 1979.

ROQUEBERT (M.) : Histoire des cathares, Privat, 2002.

Les Cahiers de Fanjeaux : n° 1, n°4, n°15, n°20, Privat.

 

Heresis :  n°4, n°7, n°20, Centre d’études cathares, Carcassonne.

COLLECTIF : Les Cathares, MSM, 2007.

COLLECTIF : Les cathares en Occitanie, Fayard, 1982.

BRENON (A.) : Le vrai visage du catharisme, Loubatières, 1990.

ROUQUETTE (Y.) : Cathares, Loubatières, 1991.

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15 septembre 2014 1 15 /09 /septembre /2014 18:46

1.     Le contexte :

    Sans espoir de rétablir la situation après l’échec de la coalition (Henri III, roi d’Angleterre, Frédéric II empereur, le roi d’Aragon et le comte de la Marche) contre Louis IX, Raimond VII décida de solliciter la clémence du roi et délégua l’évêque de Toulouse d’entamer les négociations en se disant prêt à rencontrer le souverain pour implorer sa miséricorde, pour lui jurer  éternelle fidélité et s’engager non seulement à extirper l’hérésie mais à châtier les assassins des inquisiteurs. Le 1er Novembre 1240, il s’entretient avec Humbert de Beaujeu et l’évêque de Clermont, dépêché par le roi. Le 30, il capitule entre les mains des commissaires royaux. Le 28 décembre, confiant le gouvernement du comté à Sicard Alaman, il partit pour Lorris en Gâtinais où l’attendait Louis IX. Il signa la paix le mois suivant. Elle consistait à promettre de respecter enfin en toute chose le Traité de Paris de 1229. Par une lettre, Raimond assura sa cousine Blanche de Castille qu’il allait purger ses Etats de l’hérésie. Il organisa un simulacre de siège à Montségur pour prouver sa fidélité aux serments récents.

    Le même mois, le vicomte de Narbonne et treize bourgeois de la ville vinrent à leur tour se soumettre tandis que Roger IV de Foix renouvelait le 14 mars 1241, mais à Montargis, son hommage lige au roi.

Sur le chemin qui le conduisait à la Cour, Raimond VII fit étape à Clermont et rencontra le légat Jacques Pecolaria avec qui il signa un engagement. Puis, il écrivit le 1er mars : « Raymond, par la grâce de Dieu, comte de Toulouse, marquis de Provence, à ses chers et fidèles Bernard-Raymond comte de Foix, Arnaud-Odon vicomte d’Auvillar, aux consul  de Toulouse, Agen, Montauban et Moissac, salut et affection. Apprenez que nous avons négocié avec le seigneur évêque de Palestrina, légat du Saint-Siège, et que nous nous sommes avec lui au sujet de nos affaires. Nous lui avons promis que vous et les conseils des susdites communes deviez prêter serment de la façon qui suit… Nous promettons et jurons de travailler et œuvrer efficacement à ce que désormais notre seigneur Raymond… obéisse en tout aux ordres du seigneur pape, de l’Eglise romaine et du légat ; qu’il soutienne fidèlement et avec force l’Eglise romaine, spécialement contre Frédéric, soi-disant empereur, et ses successeurs qui le suivraient dans le crime, ainsi que contre leurs fauteurs et partisans… ».

  En avril 1241, le roi envoya des commissaires royaux recueillir en son nom les serments des vaincus, vassaux de Raimond VII et consulats urbains et prendre quelques places fortes que Raimond livrait pour cinq ans çà la discrétion de la Couronne.

    Vers février 1243, il épousa Marguerite de la Marche afin d’assurer sa succession par la naissance d’un fils et, revenu à Toulouse, il fit rechercher quelques-uns des acteurs de l’affaire d’Avignonet, habitants de la ville qui avaient été complices du commando meurtrier : trois furent pendus dont Guillaume de Balaguier, un autre fut marqué au fer rouge sur le front.

                                                      2. Les faits :

       Le  samedi 18 avril 1243 Raimond VII se présenta devant un Concile réuni à Béziers. IL y avait là les archevêques de Narbonne et d’Arles, les évêques de Toulouse, Lodève, Agde, Nîmes, Carpentras, Marseille, Rodez, Albi, Agen et cahors, les abbés des plus grands monastères du Languedoc, de Boulbonne et de Grandselve à Fontfroide, de Lagrasse à Saint-Pons-de-Thomières, de Pamiers à Saint-Papoul et le provincial des Frères Prêcheurs. Le comte de Toulouse lut la déclaration suivante : « … Frère Ferrer et Frère Guillaume Raymond, de l’ordre des Frères Prêcheurs, qui prétendent avoir juridiction, par mandat du Saint-Siège, pour poursuivre sur mes Etats les hérétiques ont rendu à tort contre notre personne une funeste sentence d’excommunication, et ce au mépris de la procédure ordinaire du droit. Ils l’ont fait après que nous eûmes interjeté appel auprès du Saint-Siège contre eux et leur juridiction. Le Saint-Siège étant vacant, j’en appelle donc de cette sentence de concert avec Maître Guillaume Combier et les autres commissaires de l’illustre roi de France, parce qu’à retarder les choses il y aurait danger que soit gravement compromise l’affaire de l’inquisition… ».

     Trois jours plus tard, il fait comme si son appel contre l’inquisition monastique ait été entériné, il écrit aux évêques de Toulouse, Agen, Cahors, Albi et Rodez en leur demandant de mener l’inquisition personnellement. Ses sénéchaux, ses viguiers, ses bayles apporteront d’ailleurs leur concours. Et enfin il s’engage lui-même à  faire exécuter les sentences « prononcées par vous ou par ceux que vous aurez délégués à cet effet ». Cette circulaire qui donnait pleins pouvoirs à la seule inquisition épiscopale eut l’aval des prélats de Béziers du Concile de Béziers, celle aussi des sénéchaux royaux de Beaucaire et de Carcassonne.        C’est à ce Concile que se prit la décision d’assiéger Montségur selon les propos de Blanche de Castille, cousine de Raimond VII, comte de Toulouse. En effet, depuis plus de dix ans (1232), Montségur, « cette citadelle de Satan »  nommée, dans sa « Chronique », par Guillaume de Puylaurens, est devenue « le siège et la tête de l’Eglise cathare » par le vœu de Guilhabert de Castres auprès de Raymond de Péreille. En plus c’est depuis Montségur qu’est partie l’expédition d’Avignonet (28 mai 1242).

Les conséquences immédiates :

    La célébration de Noël 1242 par le nouvel évêque Bertrand Marty devant toute la noblesse réunie et la quasi-totalité de la communauté religieuse selon les dires d’Imbert de Salles devant le tribunal de l’Inquisition, le 19 mai 1244, dut être un instant pathétique. L’échec de la coalition entre le comte de Toulouse, l’empereur Frédéric II, le roi d’Angleterre Henri III et le roi d’Aragon contre Louis IX d’une part et, d’autre part, les réponses évasives du comte aux appels des coseigneurs de Montségur avaient fait s’écrouler peu à peu tous les espoirs de liberté et de paix. Dès l’automne, Laroque-d’Olmes, Lavelanet ; Labastide avaient dû être abandonnées. L’arrivée en Lauragais, en octobre, d’Humbert de Beaujeu et de l’armée royale ne put qu’accroître l’inquiétude. La situation économique s’aggrava car le commerce avec les localités voisines cessa : « le commerce continua jusqu’à ce que nous soyons assiégés par les Gascons qui étaient là pour le compte du roi de France ». Une délégation de Montségur sous les ordres de Pierre-Roger de Mirepoix accompagné de quelques parfaits dut aller acheter des vivres dans les villages des alentours. Voici ce qu’en dit Bernard de Joucou qui fit partie de ces expéditions devant le tribunal de l’inquisition, le 3 mai 1244 « Pierre-Roger de Mirepoix, avec tous les chevaliers et les sergents de Montségur, allait par les villes avec des hérétiques et, quand les hérétiques trouvaient du blé ou de la farine, ils achetaient le blé et la farine ou bien des fèves ou des légumes et les envoyaient à Montségur. Quand ils trouvaient des gens qui ne voulaient vendre ni blé ni farine aux hérétiques, moi-même, Pierre-Roger de Mirepoix et tous les partisans du castrum nous prenions de gré ou de force ce blé ou cette farine, après quoi nous donnions ce que nous voulions… ».  

    Hugues des Arcis au lendemain du Concile de Béziers leva une armée et, vu le petit nombre de soldats, dut recourir à la mobilisation des gens des lieux avoisinants  en proclamant « un service militaire obligatoire dû par les vassaux et à charge pour les bayles et les viguiers d’en assurer le recrutement ». La population ne mit pas un grand enthousiasme à répondre aux ordres de mobilisation. Dans le Cabardès, certaines bourgades refusèrent ; dans la bas-Languedoc, le recrutement forcé s’accompagna de mesures coercitives et d’exactions où la cupidité des officiers royaux trouva son compte. On dut recruter au-delà de Pézenas et jusqu’à Nîmes.

    En Albigeois ce fut l’évêque, Durand de Beaucaire, qui leva une armée de cent cinquante hommes, tant cavaliers que fantassins. Des moines prêchaient la croisade contre Montségur afin de convaincre des fidèles à d’enrôler dans les troupes du roi. On sait que le sénéchal de Carcassonne, Hugues des Arcis, enrôla de force sur la terre de Minervoix des habitants de Camon auxquels s’ajoutèrent des gascons d’Auvillar.  Ce sont certainement des milliers d’hommes qui furent sous le commandement du sénéchal malgré les abandons et les fugues de certaines recrues. Des seigneurs occitans vinrent grossir les rangs des troupes royales : Arnaud d’Olonzac de Caunes, Raymond d’Aban, Hugues de Durfort, Raymond de Capendu. Enfin, Pierre Amiel, archevêque de Narbonne, apporta son autorité et sa bénédiction ecclésiastiques.

    Depuis un certain temps, la garnison du castrum (une soixantaine de sergents et d’arbalétriers sans compter les chevaliers), était sur le qui-vive, surveillant les environs, renforçant les systèmes de défense, recevant des arbalètes, des cordes, des frondes, des casques et des armures et des renforts en hommes.

    A la fin du printemps 1243, le siège débuta avec les premières escarmouches et les premières pertes : Raymond de Ventenac, écuyer d’Arnaud-Roger de Mirepoix, Sicart de Puivert, Guillaume de Gironda, Alzieu de Massabrac, Guillaume Claret…

    En décembre 1243, les assiégeants occupent le Roc de la Tour. Voici ce qu’en dit  le chroniqueur Guillaume de Puylaurens : «…il advint que des valets armés à la légère furent envoyés avec des hommes qui connaissaient l’endroit et qui organisèrent de nuit une ascension par des abrupts horribles. Ils parvinrent, conduits par le Seigneur, à un ouvrage qui était dans l’angle de la montagne ; ayant surpris les sentinelles, ils occupèrent ce fortin et passèrent par l’épée tous ceux qu’ils y trouvèrent. Le jour venu, et à peu près à égalité avec les autres, qui occupaient la plus grande position, ils se mirent à les attaquer fortement. Et voyant avec étonnement l’horrible voie par laquelle ils étaient montés de nuit ils n’eussent jamais osé s’y aventurer en plein jour. Mais, quand ils eurent enfermé les autres au sommet, un accès plus facile fut ménagé pour le reste de l’armée… ».

    A l’époque où arriva l’ingénieur Bertrand de la Vacalerie (vers le 1er janvier 1244), les catapultes de l’armée du sénéchal étaient déjà installées et la situation devenait désespérée pour les assiégés. En février 1244, les assaillants entreprennent l’assaut du castrum que raconte Imbert de Salles devant le tribunal de l’inquisition le 3 mai 1244 : «… Alors que les sergents gascons et français qui tenaient assiégé le castrum de Montségur voulaient enlever celui-ci et préparaient les échelles au moyen desquelles ils voulaient escalader, Claustre de Lavelanet cria à ceux qui étaient à l’intérieur du castrum : « Attention aux échelles ! ». Ainsi ceux qui étaient à l’intérieur, entendant cela, empêchèrent les autres qui allaient escalader et entrer dans le castrum de monter par ces échelles… ». De vrais combats, sans doute quotidiens, étaient maintenant engagés sur les crêtes faisant de nombreux blessés du côté des assiégés sous la pluie des arbalètes et les boulets de pierre des catapultes, éventrant les murs et crevant les toitures. Douze soldats et neuf chevaliers ont été mis hors de combat. Il est aisé de penser qu’après deux mois de lutte acharnée, depuis la prise du Roc de la Tour la garnison soit à bout de forces sa oublier les blessés et les malades. Il est tout de même admirable que, dans les témoignages des rescapés, il n’y ait pas la moindre trace, le moindre souvenir, d’un seul moment de désespérance. Une seule peur : mourir sans consolament ; tous ont songé à sauver leur âme. Consolaments et convenenzas sont là pour témoigner que Montségur était pour les quatre ou cinq cents hommes et femmes, de toute origine et de toute condition, qui n’avaient en commun que leur foi, la porte de la Terre Nouvelle dont parle l’apôtre Jean dans l’Apocalypse et le siège de L’Eglise des Amis de Dieu.   

    Le mercredi 2 mars une trêve de quinze jours est signée entre Pierre-Roger de Mirepoix et Hugues des Arcis ; à son issue, Montségur sera livrée à l’Eglise et au roi. Une amnistie sera accordée aux membres du commando d’Avignonet. Parfaits et parfaites seront remis aux autorités ecclésiastiques et devront abjurer. Ceux qui refuseront seront conduits au bûcher Les autres défenseurs de Montségur seront interrogés par l’inquisiteur Frère Ferrer.

    Pendant la trêve, parfaits et parfaites distribuent les vivres et les maigres bien qui leur restent ; ils remettent à Pierre-Roger de Mirepoix une couverture remplie d’argent provenant des dépôts effectués par des croyants et de la vente des objets fabriqués dans leurs ateliers.

    Le dimanche 13 mars, vingt et un croyants et croyantes demandent à être consolés ce qui implique de facto qu’ils acceptent de partager le sort des parfaits qui refuseront d’abjurer.

    A l’aube du 16 mars, Hugues des Arcis prend possession du château au nom du roi. Pierre Amiel, archevêque de Narbonne, réunit parfaits et parfaites qui, tous, refusent d’abjurer. Plus de deux cent vingt personnes, parfaits et consolés, hommes et femmes, périssent sur le bûcher dressé au pied du pog. Guillaume de Puylaurens écrit : « Refusant la conversion à laquelle ils étaient invités, ils furent brûlés dans un enclos fait de pals et de pieux où l’on mit le feu et passèrent dans le feu du Tartare ».   

    Montségur reviendra à Guy de Lévis, fils du lieutenant de Simon de Montfort. Les maisons ayant abrité les hérétiques seront toutes détruites conformément aux dispositions du traité de Paris.

BIBLIOGRAPHIE :

DUVERNOY (J.) : Le catharisme, 2 tomes, Privat, 1976 et 1979.

DUVERNOY (J.) : Le dossier de Montségur. Interrogatoires d’Inquisition, 1242-1247, Le Pérégrinateur, 1998.

ROQUEBERT (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Privat, 1971-1989.

ROQUEBERT (M.) : Histoire des Cathares, Privat, 2002.

BRENON (A.) : Le vrai visage du catharisme, Loubatières, 1988.

PUYLAURENS (G. de) : Chronique, Le Pérégrinateur, 1996.

Collectif : Les Cathares, M.S.M., 2000.

MACE (L.) : Les Comtes de Toulouse et leur entourage XIIe-XIIIe siècles, Privat, 2003.

HERESIS : publications de la revue internationale d’hérésiologie médiévale. Centre d’études cathares depuis 1983, Carcassonne.

LES CAHIERS DE FANJEAUX, Privat.

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14 juillet 2014 1 14 /07 /juillet /2014 18:17

BERNARD CAIROLE, alias DE JOUCOU.

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Le contexte :

     Natif de Carol (aujourd’hui La Tour de Carol), en Cerdagne, il était le frère du parfait Martin Roland, brûlé le 16 mars 1244, et oncle des frères Narbona dont l’un, Jean, fut blessé en 1241 et le second, Pons, reçu et consolé le 13 mars, fut brûlé le 16 mars 1244 au pied du castrum de Montségur avec 205 personnes.

    Bernard Cairole est un sergent enrôlé c’est-à-dire un homme de guerre, entraîné et rémunéré qui fait partie de la garnison de Montségur. C’est un croyant.

    Lors du Concile de Mirepoix en 1206 où furent réunis six cents parfaits  et plus d cent croyants dont l’un des coseigneurs, Pierre-Roger de Mirepoix avec Raymond Sans de Rabat  et Raymond de Péreille, son cousin, le diacre Raymond Mercier et le parfait Raymond Blascou demandèrent à Raymond de Péreille de restaurer le castrum de Montségur alors en ruines pour abriter un établissement religieux. En 1209, fuyant devant l’arrivée de l’armée de Montfort, les cathares de Fanjeaux dont Guilhabert de Castres se replièrent, pour un temps, sur Montségur. Mais Saint-Paul-Cap-de-Joux reste le siège de l’Eglise cathare même si l’évêque du Toulousain, Gaucelm, se rend de temps à autre à Montségur.

Devant la menace que constitue pour les hérétiques le Traité de Paris de 1229, la hiérarchie cathare réagit rapidement. Avec l’appui d’un réseau de sympathisants, évêques des Eglises cathares, diacres et et parfaits vont trouver refuge dans des lieux offrant plus de sécurité. Benoit de Thermes, évêque de l’Eglise du Razès, gagne le nid d’aigle de Quéribus, Guilhabert de Castres rejoint Albedun dans le Haut-Razès. Pendant trois ans ce dernier mène une vie nomade et clandestine qui le conduit successivement à Montréal, à Dourne, à Estavar en Cerdagne, à Laurac où il console Bernard-Othon de Niort blessé, à Verfeil, à Besplas, à Fanjeaux, à Miramont en Sabathès, à Labécède et, enfin, dans la forêt de Gaja où ira le chercher une garnison de Montségur pour le ramener à Montségur en 1236 (lire la déposition de Bernard Cairole).

En mars 1232, se tient à Béziers le Concile qui confirme celui qui se fit à Toulouse en novembre 1229 où, en quarante-cinq canons, étaient définies « toutes les mesures propres à purger de la dépravation hérétique ce pays quasiment vierge pour la foi et à y maintenir la paix ». Il réitère  avec force l’obligation, pour le pouvoir civil et pour tous les laïcs, de se livrer à l’inquisition séculière. Raymond VII fut dans l’obligation, sous l’ordre du légat, Gauthier de Marnis, de rédiger un édit contre les hérétiques et de s’engager dans la voie de la persécution des hérétiques et mette au pas ses vassaux rebelles à « la paix de l’Eglise et du Roi ». 

A l’automne 1232, Raymond de Péreille vient avec sa famille s’installer à Montségur. Ramené à Montségur, Guilhabert de Castres demande à Raymond de Péreille de le recevoir, lui et ses compagnons, « sous le château afin que l’Eglise puisse y avoir son siège et sa tête » Avec l’évêque de Toulouse se trouvent son fils majeur Bernard de Lamothe, son fils mineur Jean Cambiaire, l’évêque d’Agenais et son fils majeur Vigouroux de la Bacone, les diacres Pons Guilhabert, Bernard Bonnafous, Raymond Montouy. Pendant près de douze ans (jusqu’à la reddition du château aux armées du Roi et aux mains de l’Eglise Romaine) parfaits et parfaites vont pouvoir exercer leur ministère sous la protection du clan familial des coseigneurs de Montségur, Raymond de Péreille et de Pierre-Roger de Mirepoix (il s’installera à Montségur en 1237) et de leurs parentèles, des « faidits » et grâce à la complicité des gens enrôlés par les Français (issus des campagnes environnantes et qui étaient des sympathisants de la cause cathare)

En octobre 1232, Massip de Gaillac, bayle de Raimond VII, est venu à Montségur avec une troupe armée pour arrêter Jean Cambiaire et trois autres parfaits qu’il conduisit à Toulouse où les trois parfaits furent brûlés ; Jean Cambiaire, après avoir connu la prison, fut libéré.

Dans sa déposition devant le tribunal, Arnaud-Roger de Mirepoix le 22 avril 1244, rapporte : « Massip, alors bayle du comte de Toulouse et seigneur de Fanjeaux, Pierre-Roger Picarel et Raymond Amiel de Fanjeaux vinrent à Montségur. Ils allèrent voir les parfaits . J’y suis allé avec eux avec Bérenger de Lavelanet. Nous avons adoré les hérétiques puis nous sommes sortis les laissant dans leur maison. Massip, Pierre-Roger Picarel et Raymond Amiel mangèrent avec eux puis emportèrent Jean Cambiaire et trois autres parfaits ». Il n’y eut aucune opposition de la part de la communauté civile du castrum. Il paraît vraisemblable qu’une telle opération ait été la réponse du comte de Toulouse à l’Eglise  pour lui signifier sa volonté de répondre favorablement aux deux conciles auxquels il assista et de mettre en application son édit.

La déposition :

    L’an du Seigneur 1244, 5 des nones de mai (3 mai 1244), Bernard de Cairole qui d’un autre nom s’appelle Bernard de Joucou (canton de Belcaire, Aude), requis…dit :

    J’ai vu les parfaits Arnaud Coumalère et son frère Pierre de Coumalère tenir publiquement leur maison à Lavelanet au diocèse de Toulouse. Et là j’ai vu plusieurs fois ces parfaits prêcher. Venaient entendre ces sermons moi-même, mon frère Martin Rolland qui fut brûlé par la suite, Bernard Pellepier, Pierre Saurat et son frère Amiel, Amiel de Campeirous, Guillaume de Salles, Doumenc de la Febra, et d’autres dont je ne me souviens pas. Et chaque fois, après la prédication moi-même et tous les autres avons adoré ces parfaits…bonne fin.

    Pour l’époque, il y a douze ans.

    Item, j’ai vu à Roquefeuil de Sault dans la maison de mes frères Arnaud Rolland et Pierre Laurent les parfaits Raimond Agulher et son compagnon. Et ils y prêchèrent. Assistèrent à ces prêches moi-même, mon frère Martin Rolland, Arnaud Rolland et son frère Pierre Rolland, Audiarde, femme de Pierre Rolland et Guillemette, femme d’Arnaud Rolland. Après les prêches, moi-même et tous les autres susdits avons adoré ces parfaits comme il a été dit et là nous avons mangé avec ces parfaits à la même table du pain béni par les parfaits et des autres… bénisse. Et après avoir mangé, moi-même, ce martin et les autres, tant hommes que femmes, avons adoré ces parfaits comme il a été dit, après quoi nous partîmes de là et laissâmes ces parfaits dans cette maison.

    Pour l’époque, il y a huit ans.

    Item, j’ai vu à Roquefeuil dans la maison de Bérenger Tournier et de son frère Bernard de Roquefeuil, les parfaits Raimond  Agulher et son compagnon et ils y prêchèrent. Assistèrent à cette prédication moi-même, mon frère Martin, Baudres de Fougax, le beau-frère dudit Bernard Tournier, les frères Bernard et Bérenger Tournier, et leur mère. Et après le prêche moi-même et tous les autres avons adoré ces parfaits comme il a été dit, et avons tous mangé avec ces parfaits à la même table… bénisse. Quand nous eûmes mangé, moi-même et mon frère Martin qui par la suite fut conslé et brûlé, sortimes de là et laissâmes ces parafits dans cette maison.

    Pour l’époque, il y a huit ans.

    Item, j’ai vu à Queille dans la maison de Bernard Flandina de Queille, Pierre de Lahille et son compagnon Guillaume de Fraissé, les parfaits dans cette maison. Et là je leur parlai et les adorai comme il a été dit. Il y avait dans cette maison quand j’entrai voir ces parfaits la femme de Bernard  Flandina dont j’ignore le nom, qui me fit voir ces parfaits. Après y être resté un peu, je sortis de là.

    Pour l’époque, il y a quatre ans environ.

    Item, j’ai vu dans la maison d’en Lieurac de Queille les parfaits Raimond de Saint-Martin et son compagnon. Et là je parlai à ce parfait. Il y avait dans cette maison avec ce parfait quand j’entrai ledit Lieurac et sa femme Adalaïs. Et là moi-même et les autres avons adoré ces parfaits comme il a été dit. Après y être resté un moment, je sortis de là et laissai ces parfaits dans la maison.

    Pour l’époque, il y a deux ans.

    Item, alors que le comte de Toulouse assiégeait le château de Montségur, moi-même, Guillaume Raimond de Laroque, Pons Sicre, Magalonne de Chalabre, Brasillac de Cailhavel, Raimond Monnier de Montferrier, Arnaud Doumenc et Raimond Monic avons fait sortir du château de Montségur la parfaite India avec sept autres parfaites, et les avons accompagnées jusqu’au château de Queille. Nous les avons faites entrer dans la maison d’Arnaud de Lescure de Queille. Il y avait dans cette maison avec ces parfaites quand nous y entrâmes avec elles Arnaud de Lescure et sa femme. Et là moi-même et tous les autres avons adoré ces parfaites comme il a été dit et mangé avec elles, mais pas à la même table, à une autre table devant elles. Et à chaque … bénisse. Quand nous eûmes mangé moi et tous mes autres compagnons avons adoré ces parfaites comme il a été dit ; après quoi moi-même et tous les autres rentrâmes chez nous et les parfaites restèrent dans cette maison.

    Toutefois, ces parfaites nous donnèrent à chacun douze deniers toulsas.

    Pour l’époque, il y a environ quatre ans.

    Item, une nuit, moi-même, Raimond de Péreille, Bertrand de Bardenac, Bertrand del Congost, Guillaume Bouan et Bernard Marty (bayle de Raymond de Péreille) sortîmes de Montségur et vînmes près de l’église de Saint-Quirc au pas de Las Portas. Et là nous trouvâmes Isarn de Fanjeaux et Pierre de Mazerolles avec plusieurs compagnons dont j’ignore le nom qui avaient amené là Guilhabert de Castres, l’évêque des hérétiques, avec vingt autres parfaits. Quand Raimond de Péreille les eut accueillis, Isarn de Fanjeaux, Pierre de Mazerolles et leurs compagnons rentrèrent chez eux, et Raimond de Péreille avec moi et les autres susdits avec lesquels j’étais venu avons adoré ces parfaits et les avons amené à Montségur.

(Sur interrogation) : je n’ai pas vu Isarn de Fanjeaux, Pierre de Mazerolles ou leurs compagnons adorer ces parfaits.

    Pour l’époque, il y a huit ou dix ans.

    Le lendemain, quand ces parfaits étaient entrés à Montségur, ce Guilhabert de Castres l’évêque prêcha. Assistèrent à ce prêche moi-même, Raimond de Péreille et sa femme Corba, leurs filles Philippa et Arpaïs, Bertrand de Bardenac, Bertrand del Congost, Bérenger de Lavelanet, Arnaud Roger, Gaillard del Congost et d’autres dont je ne me souviens pas. Et après le prêche, moi-même et tous les autres avons adoré ces parfaits comme il a été dit.

    Même époque.

    Item, j’ai vu Arnaud du Viviès de Fenouillèdes, son frère, Mainet Malèse, Jean Conil, Bourd de Rodès, la femme de Jean Conil dont j’ignore le nom, Bérenger d’Oussières, Pierre Ferrière, Vinade, Falfrua de Foix, Pairole de Saint-Paul, Guillaume Estève du Leuc du Razès, Oth de Massabrac, Guillaume d’Aigues-Vives, Guillaume de Bouan, Pons Sicre, Guillaume Peyre de Péreille, son frère Raymond Maury, Raimond Maury, Fromigiers de Lavela net, Pierre Aicart, son père Arnaud Aicart de Montségur, Guillaume frère dudit Pierre Aicart,, sa sœur Guiraude, Montanière, femme de Pons Doumenc, Guillaume Gibert, Pierre Aure, Imbert, Pierre Vital, son frère Doucet, Arnaud Roger de Mirepoix, sa femme Cécile, leur fille Braïda, Lombarde fille de Bérenger de Lavelanet, son fils Olivier, Jean Cathala, Pierre Dunac, Adalaïs de Massabrac, Fays, femme de Guillaume de Plaigne, Pierre Raimond frère de celui-ci, Guillemette Coumelles femme de Bernard de Coumelles, Pierre Coumelles de Paris, Guiraud de Rabat, sa femme Arpaïs, son frère Raimond de Rabat, Pons Narbona, Arnaud Doumenc et sa femme Brune, Bernard de Saint-Martin, Guillaume de Lahille, Guillaume Golairan d’Avignonet, Jean Acermat, Pierre Laurens de Gaja, Bernard de Scopont, Jean de Carol, Bernard de Das, Bérenger de Das, Raimond de Péreille, Perrin de Pomas, Jourdain du Mas, Jourdain du Villar, Raimond Guillaume de la Bastide et son fils Raimond Bernard, Guillaume Azéma, Gaillard del Congost, Roger del Sautel, Alzieu de Massabrac, Pierre Robert le bâtard, Pierre de Balaguier, Pierre de Balaguier le borgne, Raimond de Péreille, sa femme Corba et leur fils Jourdain, Pierre de Saurat, Bernard de Lodève, Bourd de Mazerolles, Roquefère, fils de Pierre-Roger, son frère Claret, Amade, femme de Guillaume d’Unac de Lavelanet, Pons del Capela de Gaja, son fils Pons, Belcaire qui est avec Pierre-Roger, Corbières, Guillaume Tournebouix, Tournebouix, Pierre Robert, Bernard de Marseille, Guillaume Doumenc de Laroque et son frère  Raimond Doumenc, Raissague, demoiselle de Pierre-Roger, Bernarde, femme d’Imbert, Péreille, suivante de Raimond de Péreille, Angilsende, Arnaude, femme d’Arnaud Rouquier, et sa fille Guillemette, venir souvent et plus écouter les sermons de Bertrand Marty, l’évêque des hérétiques dans sa propre maison.

    Et chaque fois après le prêche, moi-même et tous les autres avons adoré ces parfaits comme il a été dit.

    Pour l’époque, il y a huit ans et depuis huit ans jusqu’à ce que les parfaits sortent du château de Montségur et soient brûlés.

    Item, j’ai vu que Raimond d’Esclagne de Lordat… (lacune) vinrent à Montségur et tous, pas ensemble mais séparément allèrent voir l’évêque Bertrand Marty et chacun à son tour, comme il venait, adorait ces parfaits comme il a été dit.

    Pour l’époque, il y a deux ans et depuis deux ans.

    Item, j’ai vu alors que mon neveu Jean Carol était malade à Montségur dans la maison de mon frère le parfait Martin Rolland de la blessure dont il fut atteint à Montségur, vinrent les parfaits Raymond Agulher et son compagnon qui consolèrent ce malade : ils demandèrent d’abord…lui firent dire la prière Pater Noster et lui donnèrent la paix en le baisant deux fois sur la bouche en travers. Assistèrent à ce consolament moi-même et plusieurs parfaits. Et là j’ai adoré ces parfaits et reçu d’eux la paix, en les baisant deux fois sur la bouche en travers, après quoi ces parfaits emportèrent le blessé dans la maison de Raymond Agulher. Après avoir gardé la secte deux mois et s’être remis de sa blessure, il quitta la secte et mangea de la viande.

    Pour l’époque, il y a environ quatre ans.

    Item, j’ai vu Guiraud de Laroque, fils de Sibille, venir à Montségur. Et un jour où j’étais à la maison de Raimond de Saint-Martin  diacre des hérétiques, ce Guiraud de Laroque vint voir les parfaits et les y adora à ma vue.

    Pour l’époque, il y a un an et demi.

    Item, Pierre-Roger de Mirepoix avec tous les chevaliers et sergents du château de Montségur allaient par les villages avec les parfaits et quand les parfaits trouvaient du lé ou de la farine, ils les achetaient, ou des fèves ou des légumes et envoyaient cela à Montségur. Et quand nous en trouvions qui ne voulaient pas vendre du blé ou de la farine, Pierre-Roger et tous les partisans du château nommés plus haut prenions bon gré mal gré ce blé ou cette farine et après nous donnions ce que nous voulions.

    Pour l’époque, c’était il y a un an et demi quand le comte de Toulouse faisait la guerre.

    Item, j’ai vu qu’alors qu’il y avait discorde entre Raimond de Péreille d’une part et Pierre-Roger de Mirepoix de l’autre, les chevaliers Guillaume d’Arnave et Pons Arnaud de Châteauverdun vinrent à Montségur faire la paix entre eux. Et alors Bertrand Marty traita avec ces chevaliers de la paix à faire. Ils ne purent pas s’entendre et la paix ne fut pas faite. Furent présents dans la maison de Bertrand Marty, quand il fut traité de cette paix moi-même, Raimond de Péreille, Pierre-Roger de Mirepoix, Bertrand de Bardenac, Bérenger de Lavelanet, Gaillard del Congost, Bertrand del Congost, Guillaume d’Arnave et Pons Arnaud de Châteauverdun. Et là moi-même et tous les autres avons adoré ces parfaits comme il a   été dit.

    Pour l‘époque, il y a environ deux ans.

    Item, j’ai vu une ou deux fois Raimond Salles de Lordat et son fils Guillaume Salles venir à Montségur. Ils allèrent à la maison de l’évêque Bertrand Marty et adorèrent ces parfaits à ma vue.

    Pour l’époque, il y a environ six ans.

    Item, j’ai vu Pierre de Na Flandina et son frère Paris de Villeneuve d’Olmes venir plusieurs fois à Montségur. Ils allèrent plusieurs fois voir l’évêque Bertrand Marty. Et j’allais parfois à la maison de ces parfaits avec eux. Ils ont plusieurs fois adoré ces parfaits à ma vue.

    Pour l’époque, il y a deux ans.

    (Sur interrogation) : je n’ai jamais eu de dépôt des parfaits ni d’autres rapports avec eux comme il a été dit. Je ne sais rien des vaudois.

    Item, j’ai entendu dire par les parfaits lorsqu’ils sortaient du château et étaient livrés aux Français que des parfaits étaient sortis du château la nuit précédente.

    Pour l’année, cette année depuis le Carême.

    (Sur interrogation) : j’ai été croyant des hérétiques depuis l’âge de quatorze ans en sort que mort j’aurais été sauvé.

    Il a déposé cela par-devant Frère Pierre Durand, inquisiteur. Témoins Bomacip, Pierre Aribert et Pierre Grand, notaire qui l’a écrit.

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6 juillet 2014 7 06 /07 /juillet /2014 15:53

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1. Contexte :

    La conquête de l’ancienne vicomté de Trencavel, fin 1240, fait de la région une marche frontière avec les domaines catalano-aragonais dont les contentieux sont loin d’être réglés. En effet, à Carcassonne, avec la complicité de certains habitants, Olivier de Termes s’empare du Bourg Saint-Vincent mais ne peut investir la Cité. Le 11 octobre, après trente-quatre jours, il doit lever le siège à l’arrivée de l’armée de secours envoyée par le roi de France et conduite par jean de Beaumont. Il se réfugie avec les siens dans Montréal à son tour assiégée par les Français. Les dames de la noblesse participent à la défense de la place à son tour assiégée par les Français, dans laquelle se trouvent l’évêque de l’Eglise cathare du Carcassès, Pierre Paulhan et plusieurs parfaits. Leur fuite est organisée par Jourdain de Lanta, Pierre de Mazerolles et Guiraud Hunau, tous trois chevaliers de Raymond de Péreille.    Les Bons hommes trouvent refuge à Besplas. L’intervention diplomatique des comtes de Foix et de Toulouse met fin au siège de Montréal.

     Si l’armée occitane peut partir saine et sauve, le castrum est rasé comme le sont d’autres localités qui ont apporté leur soutien à Trencavel. Les suspects d’hérésie sont marqués au fer rouge d’une croix au front. Jean de Beaumont engage une course poursuite derrière les occitans, s’empare de leur arrière-garde, pend quelques « faidits ». Il assiège Laroque-de-Fa défendue par Olivier de Termes. Contraint à la reddition Olivier n’est pas inquiété et, six mois plus tard, présentera sa soumission au roi de France avant de retrouver son exil catalan. En 1246, il renoncera définitivement à tous ses droits et son engagement dans la croisade de Terre Sainte  libérait alors le roi de tout danger de représailles éventuelles venant du sud des Pyrénées.

IMGP7190 

    Le 16 novembre 1240, après trois jours de siège, Guillaume de Peyrepertuse livre sa forteresse des Corbières. Suit la reddition de Géraud de Niort à Duillac.

    Pour assurer ses frontières, Louis IX devait donc résoudre le problème de la maison de Barcelone.

    Jacques Ier dit « le Conquérant », fils et héritier de Pierre II d’Aragon (qui mourut lors de la bataille de Muret), était seigneur de Montpellier, comte de Barcelone et roi d’Aragon et pouvait toujours revendiquer la suzeraineté de la vicomté de Trencavel et quelques autres droits fort disséminés tels que Millau et la vicomté de Gevaudan. En outre, en tant que comte de Barcelone, il avait toujours dans sa mouvance, au nord des Pyrénées, la Roussillon, le Vallespir et le Conflent. Mais il y avait aussi, tout près de là, le Fenouillèdes et, dans les hautes Corbières, le Peyrepertusès qui étaient des terres vassales du comté du Roussillon. Elles constituaient une marche frontière entre les Etats de Jacques 1er et ceux de Louis de France dont l’intérêt stratégique était d’autant plus grand qu’elles étaient hérissées de redoutables forteresses, Puilaurens, Peyrepertuse, Queribus pour ne citer que les plus importantes. IMGP7176

    Cette marche était de surcroît profondément imprégnée d’hérésie. Il y avit un diaconat cathare aux Fenouillèdes ; Puilaurens abritait en 1242 une très importante communauté de parfaits et de parfaites aux besoins de laquelle pourvoiyait un seigneur du Peyrapertusès, Bérenger de Cucugnan (localité du célèbre curé de Cucugnan, l’abbé Marti) et que visitaient de nombreux croyants dont le sergent Imbert de Salles, venu de Montségur (nous avons écrit un long article sur sa déposition devant le tribunal de l’inquisition le 19 mai 1244 voir fg occitanie). Des parfaits résidaient dans le château voisin de Fenouillet dont le seigneur fut accusé, à titre posthume, d’être mort en hérétique. Puilaurens devint français aux environs de 1250 sans que les sources nous disent s’il abritait toujours des hérétiques. Guillaume, seigneur de Peyrepertuse nommément désigné comme « ennemi de la paix et de la foi » par le Concile de Toulouse de novembre 1229 ne se livra avec toute sa terre à l’armée royale qu’en 1240 après l’échec du soulèvement de Trencavel auquel il avait participé. Au demeurant Louis IX avait déjà acheté Peyrepertuse et ses dépendances l’année précédente au comte de Roussillon, Nuno Sanchez.IMGP7220.JPG

Village de Cucugnan depuis le châtreau de Queribus.

    Quant à Quéribus, où l’évêque cathare du Razès, Benoît de Termes s’était réfugié sitôt après le Traité de Paris (1229), il servait d’asile quand Imbert de Salles le visita fin 1241 ou début 1242 aux parfaits Raymond de Narbonne et Guillaume de Bugarach ainsi qu’au diacre du Fenouillèdes Pierre Paraire.

    Ils étaient tous trois sous la protection du chevalier Chabert de Barbaira, un « faidit »  notoire qui avait rallié Trencavel lors de son soulèvement de 1240. Il n’était pas seigneur de Quéribus qui n’a jamais été autre chose qu’un poste militaire, une forteresse satellite de Peyrepertuse. Les domaines de Barbaira étaient situés dans la basse vallée de l’Aude. Il est vraisemblable que Chabert s’était réfugié, comme tant d’autres « faidits » et des clans familiaux du Lauragais, sur les terres du roi d’Aragon. S’il est à Quéribus en 1241-1242 c’est parce qu’il tient la place pour le compte de du seigneur de Fenouillèdes., Pierre de fenouillet à qui succédera l’année suivante son fils Hugues de Saissac.

    Mais on ne sait si Quéribus abritait encore des parfaits au printemps 1255 lorsque Louis IX ordonna au sénéchal de Carcassonne, Pierre d’Auteuil de s’en emparer.

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2.     Les Faits.

    En ordonnant de s’en emparer, le roi s’assurait de forteresses défensives contre les ambitions de conquête de la Maison de Barcelone et extirpait les lieux des hérétiques qui y résidaient et poursuivaient leur mission prédicatrice aux alentours.

    En octobre 1254, les habitants de Montpellier, unis derrière leurs consuls et ligués avec l’évêque de Maguelonnes, s’étaient rebellés contre  Jacques Ier. L’évêque le 15 avril 1255 devant le sénéchal de Beaucaire Guillaume d’Auton avait proclamé que son domaine épiscopal de Montpellier avait toujours été en fief des rois de France et que si jacques était le seigneur de Montpellier ce n’était pas à titre de roi d’Aragon mais en tant que vassal à lui, l’évêque. Il rendait ainsi Jacques Ier vassal du roi de France.

    Décidé de résoudre le conflit, Jacques Ier demanda au roi de France de lui accorder le droit de traverser ses terres pour se rendre à Montpellier. Le Roi accepte le passage des troupes aragonaises à condition que celles-ci ne causent aucun dégât. Il écrira dans ce sens au sénéchal de Carcassonne lui prescrivant de rester en dehors du conflit, d’autoriser seulement le passage après avoir pris toutes les garanties nécessaires et nomme deux observateurs, Pierre de Voisins et le maréchal de Mirepoix, Guy II de Levis. Il interdira à ses sujets de s’engager dans l’armée de jacques Ier. En fait, le roi Jacques Ier ne bougea pas immédiatement. IMGP7631

    Conquérir Quéribus devenait, pour le roi Louis IX, s’assurer une place forte et stratégiquement très importante, sur un piton dominant la plaine de Fenouillèdes et une grande partie du Roussillon ; il récupérait ainsi son achat de 1240 pour le  Peyrapertusès dont Quéribus était un satellite. En 1255, le roi de France fit occuper la château et chasser Chabert de Barbaira devenu allié de jacques Ier.

    Le 5 mai 1255, le sénéchal Pierre d’Auteuil écrivit à l’archevêque de Narbonne et aux évêques de sa province pour leur dire qu’ayant reçu l’ordre royal d’assiéger Quéribus et ayant commencé l’opération ils devaient lui fournir les aides normalement dues au souverain.

   En mai 1255, Chabert de Barbaira écrit : « Moi, Chabert de Barbaira, chevalier, je restitue et remets au très excellent seigneur Louis, par la grâce de Dieu illustre roi de France, et à vous, seigneur Pierre d’Auteuil, chevalier, sénéchal de Carcassonne et de Béziers, qui le recevez en son nom, le château de Quéribus, qui est du fief du roi, avec toutes ses appartenances… Je promets de remplir cet engagement et je le jure sur les Saints Evangiles ». Puis il lui présente ses cautions, Philippe de Montfort et Pierre des Voisins, qui seront chargés d’accomplir ses engagements et ceux-ci signent : «… S’il venait à y faillir, nous paierions au seigneur les mille marcs d’argent sur son ordre ou sur le vôtre Nous nous obligeons sur nous-mêmes et tous nos biens meubles et immeubles. Lorsque vous, seigneur sénéchal, aurez remis Chabert au pouvoir du roi pour qu’en sa présence il se soumette ç sa volonté, nous serons libres et dégagés de de l’obligation susdite ».

On ne sait rien sur les opérations du siège.

 La reddition de Quéribus marque le début du règlement politique entre les rois de France et d’Aragon. Les tractations furent difficiles et à l’été 1256 les médiateurs n’étaient arrivés à aucune solution. Sur les terrains les tensions devenaient croissantes. Mais les rois reprirent leurs négociations ; le 11 mars 1258, Jacques Ier envoya trois ambassadeurs à la cour de France dont l’évêque de Barcelone avec mission de composer avec Louis IX. Leur ordre de mission fait un inventaire précis et complet des domaines en litige : « Nous vous donnons pouvoir de transiger et composer à notre place et notre nom avec Louis, par la grâce de Dieu illustre roi des Français, sur tout droit que nous possédons ou devons posséder sur Carcassonne et le Carcassès, Rennes et le Razès, Laurac et le Lauragais, Termes et le Termenès, Minerve et le Minervois, Fenouillet et le Fenouillèdes, Peyrepertuse et le Peyrapertusès, le comté de Millau et de Gevaudan, Nîmes et le Nîmois, le comté de Toulouse et de Saint-Gilles, et sur toute autre terre et juridiction de feu le comte de Toulouse, et sur tous leurs revenus. Nous vous donnons pouvoir de céder et abandonner à perpétuité ces droits au roi et aux siens… Nous vous donnons également pouvoir de transiger et composer avec le roi de France et de recevoir de lui cession et abandon de tout droit qui qu’il prétend avoir  sur le comté de Barcelone, et de tout droit, s’il en a ou croit en avoir, sur les comtés de Bésalu, Roussillon, Empurdàn, Cerdagne et Conflent… ».

Louis IX reçoit les ambassadeurs à Corbeil où fut rédigé et scellé le Traité. Jacques d’Aragon le ratifia le à Barcelone le 11 juillet 1258. Cette frontière  délimitera les deux royaumes pendant quatre siècles jusqu’au Traité des Pyrénées de 1639.   IMGP7238

BIBLIOGRAPHIE :

COLLECTIF : Les Cathares, MSM, 2000.

ROQUEBERT (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Perrin, 2006-2007.

ROQUEBERT (M.) : Histoire des cathares, Perrin, 2002.

DUVERNOY (J.) : Le catharisme, 2 tomes, Privat, 1976 et 1979.

Cahiers de Fanjeaux, numéros 4, 14, 20,  Privat.

BOURRET (Ch.) : Les Pyrénées centrales du IXe au XXe siècles, la formation progressive d’une frontière, Pyrégraph, 1995.

DE BEAUMONT (R.) : Les Croisades franques d’ Espagne, Toucan 2011.

 

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28 juin 2014 6 28 /06 /juin /2014 15:11

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    A la veille de la croisade royale (29 mars 1226), l’Eglise cathare témoigne d’une intense activité afin de restructurer ce qui souffrit de quinze ans de  persécutions.  

    Ainsi Bernard de Lamothe, fils majeur de Guilhabert de Castres, entreprend une grande tournée pastorale entre 1223 et 1226 ; il parcourt, en compagnie de Raymond Déjean, depuis Villemur le Tarn puis le bas-Quercy, le Toulousain, le comté de Foix et le Lauragais et à Laurac où il réside quelque temps chez Bernard-Othon de Niort enfin dans la Montagne Noire et s’arrête à Limoux.

    Interrogé par l’inquisiteur Ferrer le 19 février 1239, Raymond Déjean rapporte le grand Concile qui se tint en 1226 à Pieusse, tout près de Limoux, auquel il assista avec Bernard de Lamothe : une centaine de parfaits s’y étaient assemblés dans la maison des hérétiques autour de Guilhabert de Castres. Les parfaits du Razès demandèrent que fût nommé un évêque pour l’évêché du Razès qui alors s’ajouterait aux quatre autres existants (Agen, Toulouse, Carcassonne et Albi). Benoit de Termes fut ordonné  évêque par Guilhabert de Castres qui lui donna Raimond Agulher pour fils majeur et, pour fils mineur Pons Bernardi.

    Or, à Paris, début 1226, le roi devant le parlement et en présence du cardinal-légat Romain Frangipani établit un plan précis de campagne et à l’édifice juridique de la croisade ajoute l’ordonnance contre les hérétiques et leurs complices afin que l’entreprise ait sa pleine logique de justification : « nous décidons que les hérétiques qui s’écartent de la foi catholique, une fois condamnés pour hérésie par l’évêque du lieu ou par une autre personne d’Eglise reçoivent sans délai la châtiment mérité… ».

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    Quand le 17 mai 1226, le roi se met en route pour Bourges, il sait la panique qui secoue tout le Languedoc et les nombreuses soumissions qui s’en suivirent. L’abbé de Saint-Gilles était arrivé  en portant les actes d’allégeance de seigneurs ; d’autres, tels Héracle de Montlaur, grand baron du Vivarais et surtout Pierre-Bermond de Sauve, petit-fils de Raimond VI, qui présenta au roi son hommage-lige pour sauve, Anduze et tous ses autres châteaux. Le roi accepta et en fit son vassal. Louis VIII se trouvait seigneur immédiat d’un certain nombre de villes et de baronnies à conquérir ! Ce patrimoine ne fera que s’accroître au fur et à mesure que lui parviendront les courriers portant actes de soumission et offres de vassalité telles Avignon et autre du couloir rhodanien. Le ralliement des villes bien qu’elles tenaient à leur indépendance et à leur liberté pourrait s’expliquer par des mobiles économiques puisqu’elles avaient établi des échanges florissants avec la Champagne et la Bourgogne sans négliger la crainte de revivre les tragédies de 1209 et les désastres que pourrait créer une très forte armée sous les ordres du roi.

    Le 16 mars 1226, Bernard d’Alion, vassal du comte de Foix, depuis son château d’Usson, « se soumet à la volonté et aux décisions de la sainte Eglise romaine… Je promets entière fidélité à mon seigneur louis, illustre roi des Français ; je livre à sa volonté ma personne et mes châteaux et m’engage par serment à lui obéir et à suivre tout en ses ordres ».

    Un seigneur du Bas-Languedoc, Raymond de Roquefeuil, se rend à Narbonne et jure devant l’archevêque, Pierre Amiel, d’obéir aux ordres du légat et du roi et promet de faire prêter le même serment de fidélité à ses vassaux. Se soumirent également en mars et avril un grand seigneur du Quercynois, Bertrand de Gourdon, et le seigneur de Laurac et du pays de Sault, Bernard-Othon écrit au roi : « Nous sommes impatients de nous placer à l’ombre de vos ailes et sous votre domination. Comme nous possédons dans le pays plusieurs châteaux, moi, mes frères et mon père, nous vous les offrons… Sachez en outre que Pierre de Laure, seigneur de cabaret, son frère Pierre-Roger, Jourdain de cabaret et beaucoup d’autres sont prêts à suivre les traces de nos pas… Si vous nous donniez l’ordre d’entrer en guerre contre vos ennemis, quels qu’ils soient, nous nous empresserions sans hésitation de marcher contre quiconque ».

    Le comte de Béziers, début avril, dépose les armes et se livre au bon vouloir du roi. Le 14 avril, ce fut Pons de Thézan qui jure devant l’évêque d’obéir à toutes les volontés du roi et du légat et de couper les ponts avec Raimond VII, le comte de Foix et Trencavel. Ce serment eut pour témoins un certain nombre de seigneurs locaux, Bérenger de Puyserguier, les frères Pons et Frotard d’Olargues, Pierre-Raymond de Corneilhan, Guillaume-Pierre de Vintrou qui, avec quelques autres se soumirent, peu de temps après, dans les mêmes termes.

    Le 29 avril, les cinquante-quatre prudhommes de Béziers se rendent au roi sur les conseils de l’archevêque de Narbonne. Entre temps le 15 avril deux seigneurs du Gévaudan, Odilon Guarin et Guillaume Meschin avaient écrit au roi en lui remettant tous leurs domaines et en lui offrant leurs services. Un noble baron catalan, ancien conseiller de Pierre II d’Aragon et vétéran de la bataille de Muret, Guillaume de Cervera fit ses offres de services à Louis VIII par le canal de l’abbé de Lagrasse.

    Le plus dramatique c’est l’effondrement et la trahison de la noblesse militante, celle des « faidits » et des croyants cathares qui avaient fourni la chevalerie de la « reconquista ». Ils abandonnent les principes sous la bannière desquels ils avaient reconquis leurs propres domaines. Leur soumission au roi et à l’Eglise est le signe de l’abandon de l’Eglise cathare et le signal de la répression qu’entraînera l’arrivée de l’armée royale. Indiscutablement, dans cette servilité et reniement des principes, se loge la peur de revivre, avec la nouvelle invasion, le cortège des exactions, des ravages, des confiscations des biens, des meurtres. Il y a aussi une lassitude et le désespoir à l’annonce de nouvelles atrocités ; tant de familles ont été atteintes dans leur chair, dans ces quinze années qui ont pesé sur le Languedoc  qu’il est aisé de comprendre les craintes vitales d’autant plus que cette croisade est conduite par le roi lui-même. Or, dans la mentalité populaire du moyen-âge, le roi est un personnage sacré, d’origine divine depuis le IXème siècle ; par le sacre, il est le représentant temporel de Dieu sur la terre de France. A la crainte se joint un respect mystique dans le respect et la confiance filiale.

    Le clergé du royaume et celui du Languedoc se sont mobilisés pour propager, sous l’impulsion de Pierre Amiel, archevêque de Narbonne, l’arrivée prochaine du roi. Ainsi Guillaume de Puylaurens, dans sa « Chronique » écrit : « envoyé en avant par le roi et le légat, il (Pierre Amiel) les précéda et, promettant aux châteaux, aux bonnes villes et à leurs seigneurs, la paix de l’Eglise et du roi, il les mit ainsi dans son alliance ». Il ira à Nîmes, Beaucaire et Castres. Les abbés (de Lagrasse, Saint-Gilles, Belloc et de Grandselve), sillonnaient le pays annonçant «  la fin des ennemis du roi et de l’Eglise grâce à la Croisade royale et le spectre des nouveaux malheurs s’ils n’adhéraient pas à la justice et à la protection du roi ». L’évêque d’Albi et l’archidiacre de Carcassonne parcourent le pays albigeois afin de gagner le peuple à la Croisade qui leur apporterait la paix, la protection et la miséricorde du roi.

    Pendant que le clergé local travaillait littéralement au corps féodaux, pouvoirs urbains et bourgeoisie commerçante, la diplomatie de l’Eglise et du roi s’assurait de la neutralité des deux plus puissants voisins du Languedoc. D’une part, le roi Jacques Ier d’Aragon publiait dès le 15 avril une charte (l’édit de Barcelone) à l’adresse de tous ses barons, officiers, gens de justice et bourgeois pour rappeler que son royaume était vassal du Saint-Siège et donc lui-même et ses sujets « étaient les fils privilégiés de la Sainte Eglise romaine… C’est pourquoi nous vous ordonnons de veiller expressément et rigoureusement, quelles que soient les difficultés, à ne pas accueillir ni tolérer qu’on accueille sur vos domaines et juridictions les hérétiques, les ennemis de l’Eglise, leurs fauteurs ou leurs complices, et à ne leur fournir ni aide, ni conseil ; mais de les traiter au contraire aussi durement que possible en ennemis de Dieu et de la Sainte Eglise romaine… ».

    C’était donc interdire aux rebelles languedociens de trouver refuge outre-Pyrénées comme certains l’avaient fait au temps de Simon de Montfort et de l’Inquisition mais surtout que Jacques Ier ne lèverait le petit doigt pour voler au secours de son oncle Raimond VII ni des anciens vassaux ou protégés de la couronne d’Aragon, princes et barons de la vicomté de Béziers-Carcassonne ou du comté de Foix. Barcelone se désengageait complétement de l’affaire albigeoise.

    A la lettre de Louis VIII, Nuno-Sanche, cousin germain de Pierre II d’Aragon,  répond : « …Nous espérons que la clémence du Tout-Puissant renouvellera pour vous les hauts-faits de vos ancêtres pour la défense de la foi et l’exaltation de l’Eglise, et qu’elle restaurera par votre ministère la foi, la paix et la justice qui ont presque entièrement disparu du pays des hérétiques…Nous mettons à votre disposition notre personne, notre terre et nos vassaux pour anéantir les ennemis de la foi, pour venger les injures faites au Sauveur et promouvoir son affaire… ».

    Afin d’isoler Raimond VII de toute aide étrangère, le pape Honorius III avait rappelé le 27 avril aux croisés qu’il ne fallait en aucun cas provoquer les suzerains catholiques, l’empereur, le roi d’Aragon et celui d’Angleterre. Or, Henri III d’Angleterre avait promis aide et secours à son cousin, Raimond VII bien qu’il soit excommunié et, par ailleurs il voulait reconquérir le Poitou, l’Aunis et le Saintonge. Par cette ambition, il contrecarrait le plan de Louis VIII. Le 29 avril, Honorius III écrivit à Henri III en le menaçant de sanctions canoniques s’il envahit le royaume pendant que Louis VIII « est occupé à l’affaire de la foi et au service du Christ » et de prononcer contre lui l’anathème et l’excommunication en devenant fauteur d’hérésie. Après avoir réuni son conseil, Henri III décida de ne pas intervenir. Le roi de France avait désormais les mains libres.

    Malgré cette vaste opération de propagande intensive et de conditionnement menaçant, l’Eglise cathare poursuit avec dynamisme son œuvre missionnaire : fin 1206, Pierre Isarn entreprend une grande tournée pastorale. Il fut cependant capturé au bois de Cassenon, près d’Auriac en Lauragais par la troupe de Humbert de Beaujeu qui le livra à l’archevêque de Narbonne qui le jugea, le condamna et le fit brûler à Caunes-Minervois. Guiraud Abit, son ancien compagnon, lui succéda.

    Vers 1227, Raimond Affre quitte Cabaret pour aller à Roquefère assister au « consolament » de son frère Bernard Pons de Laure alors gravement malade. Bernard Pons revint à Cabaret puis fit défection et reniement de sa foi en recevant la paix royale. Peu de temps après, Raimond revient à Roquefère pour assister cette fois au « consolament » de sa belle-sœur, Bermonde, la femme de Bernard Pons.

    Fin de 1227, Isarn Bozon, chevalier d’Hautpoul, qui était à Cabaret, alla à Hautpoul pour visiter les parfaits dont le diacre Arnaud Bas, les adorer et partager leur repas.

    On ne sait si cabaret eut à supporter un siège royal fin 1227-début 1228. On garde la trace de deux victimes : Bernard de Conques, « faidit » au temps du roi, qui mourut à Cabret, tué par un carreau » et Bernard-Arnaud de Rustiques qui « fut tué par les gens du roi dans la guerre de Cabaret ». IMGP7992

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14 juin 2014 6 14 /06 /juin /2014 16:54

ou « CAB ARETS » en occitan,  ville à « TETE DE BELIER ».

IMGP7897    Dès le début du XIe siècle (vers 1063), Cabaret-Lastours était une forteresse, un centre d’une importante seigneurie liée au vicomté de Carcassonne, comme l’atteste un document de 1166 : «  Moi, Pierre Laure et Raymond son frère, et Roger de Cabaret et Mir et Bernard de Cabaret et Hugo et ses autres frères, et Pierre de cabaret et Bérenger son fils et Guillaume de Roquefère et Arnaud-Raimond et Raymond-Guillaume et Bernard de Roquefère son frère, et Guillaume de Cabaret et Raymond, fils de Roger de Cabaret. Nous sommes tous ensemble seigneurs et maîtres de Cabaret ».

     Tous seront « faidits », ardents défenseurs de la cause cathare, guerroyant auprès des comtes méridionaux.  Quatre d’entre eux, devenus parfaits lors de la mi-Carême, le 13 mars 1244, moururent sur le bûcher de Montségur. D’autres, après Montségur, ont combattu dans la clandestinité, participé à certains batailles lors de la Reconquista, arrêté des soldats dans des embuscades et connu l’exil soit dans les Pyrénées aragonaises ou vers la Lombardie.IMGP7970

     Le castrum devient le lieu privilégié d’une forte communauté cathare à la fin du XIIe siècle où la quasi-totalité de la population est croyante, reçoit le passage d’évêques cathares du Carcassès et devient le siège permanent d’un diacre cathare, celui du Cabardès.IMGP7990

     Gaucelin de Maraval, dans sa déposition devant le tribunal de l’Inquisition, avoue avoir séjourné durant une année en 1199 à Cabaret et rencontré Arnaud Hot, diacre cathare qui prêchait devant une assistance composée des clans seigneuriaux et des villageois. Durant la Reconquista de 1216 et après la mort de Simon de Montfort en 1218, les seigneurs méridionaux retrouvèrent leurs fiefs et leurs biens.IMGP7989

     En 1208, l’armée royale arriva devant Cabaret qui, pendant trois ans, résiste aux assiégeants  et Pierre-Roger de Cabaret envoya en 1211 un baron de Montfort, Bouchard de Marly, qui était son prisonnier, afin de négocier une reddition avec des conditions favorables : ses habitants quittèrent le castrum et les maisons ne furent pas détruites. En avril 1211, Cabaret vit arriver une centaine d’hommes venant de Bram (mars 1211). En effet, à Bram, Simon de Montfort, après trois jours de siège, donna l’assaut et pour se venger des atroces mutilations que Guiraud de Pépieux avait fait subir à deux chevaliers croisés, regroupa une centaine d’hommes, leur fit crever les yeux et couper le nez. Puis il les envoya à Cabaret sous la conduite de l’un d’entre eux que l’on s’était contenté d’éborgner. IMGP7988

    Ainsi, la conservation des maisons ont permis des fouilles et de retrouver des chartes de peuplement, octroyant des privilèges pour ceux qui viendraient s’y installer, les droits de tenir des foires et des marchés, divers objets d’usage courant.

    En 1226, sous le commandement du sénéchal de Carcassonne, Humbert de Beaujeu, le dévastateur cruel du Lauragais et de l’Ariégeois, assiégea Cabaret qui, après deux ans de résistance, à bout de souffle et de vivres, au milieu de malades, se rendit aux forces françaises.

    Quand les comtes occitans, vaincus, ont signé la paix de 1229, une sénéchaussée française fut installée à Carcassonne et les biens de Cabaret furent donnés au chapitre de la cathédrale de Carcassonne.IMGP7994

BIBLIOGRAPHIE :

DUVERNOY (J.) : L’Histoire des Cathares, 2 tomes, Privat 2004.

ROQUEBERT (M.) : L’épopée cathare, 5 tomes, Privat 1971-1989.

BRETON (A.), DE TONNAC (J.-P.) : La contre-enquête, Albin Michel 2008.

BRETON (A.) : Les archipels cathares, Dire 2000.

COLLECTIF : Les Cathares, M.S.M. 2000.

GARDEL (M.-E.) : Histoire et Archéologie d’un castrum, Heresis 1999.

 

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