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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 18:34

 

   Né au château de Berga, près d’Urgel, en Catalogne, ce troubadour, vicomte de Berguedà, nous est connu par ce qu’en dit son biographe dans la « Vida » et ses propres textes qui révèlent une existence tumultueuse entre conflits de voisinage, inimitiés avec les autorités épiscopales, les alliances éphémères avec Alphonse II, roi d’Aragon, et des pactes et complots avec Richard Cœur-de-Lion contre Raymond VI, comte de Toulouse.

    Meurtrier du vicomte Raimond Folc de Cardona, il fut probablement assassiné par un soldat qui était au service de ses ennemis.

    Ami de deux autres troubadours, Aimeric de Peguilhan et Bertrand de Born qui, repenti de sa vie guerrière, prie Guilhem de quitter le champ et le goût effréné des guerres et de leurs redoutables conséquences

    Il nous reste une trentaine d’œuvres dont une quinzaine sont des « sirventès » où percent la violence et la cruauté obscène des événements auxquels il fut mêlé. Il a écrit « un planh » à l’occasion du décès du marquis de Mataplana et une « tençon » partagée avec Aimeric de Peguilhan.

   Guilhem-de-Bergueda.JPG

ŒUVRE :

Dans cette chanson, il dénonce, non sans humour et métaphores savoureuses,  la perfidie, la fourberie, la lâcheté et la traîtrise du marquis de Mataplana dont la virilité s’exprime dans des mœurs immorales.

 

 Cançoneta lèu e plana                     Une chansonnette leste et simple

Leugereta sens ufana,                       Toute légère et sans prétention,

Farai ieu de mon Marqués,              Je ferai sur mon Marquis

Del trachor de Mataplana                Sur ce traître de Mataplana

Qu’es d’engan farcits et plens.         Qui de fourberies est farci et rempli.

 

A ! Marqués, Marqués, Marqués,     Ah ! Marquis, Marquis, Marquis

D’engans ètz farcits et plens.              De fourberies vous êtes farci et rempli.

 

Marqués, ben ajan la pèiras               Marquis, bienheureuses soient les pierres

De Melgur de près Smèiras                 De Mauguio, près de Sommières

Ont perdètz de las dents tres ;            Où vous avez perdu trois de vos dents

No-i ten dan que las primèiras            Il n’ya pas là dommage, car les premières

I son e no-i paron gens.                        Y sont, mais on ne les voit guère.

 

A ! Marqués, Marqués, Marqués      Ah ! Marquis, Marquis, Marquis

D’engans ètz farcits e plens.               De fourberies vous êtes farci et rempli.

 

Del braç no-os prètz una figa             Votre membre je ne l’estime pas une figue

Que cabrelha par de biga                   Il ressemble au rayon grêle d’une roue de char

E portatz lo mal estés;                        Et vous ne le portez pas bien  raide;

Ops i auriatz ortiga                             Vous auriez besoin des orties

Que-l nèrvi vos estendés.                    Pour que le nerf vous durcît.

 

A ! Marqués, Marqués, Marqués      Ah ! Marquis, Marquis, Marquis

D’engans ètz farcits et plens.               De fourberies vous êtes farci et rempli.

 

Marqués, qui a vos se fia                     Marquis, à qui vous se fie

Ni a amor ni paria,                               N’y trouve ni amour ni bonne amitié

Gardar se deu tota ves                         Il doit se garder en permanence

Com quez an : an de clar dia              Avec vous, toujours en plein jour

De noit ab vos non an ges.                   Mais de nuit jamais avec vous.

 

A! Marqués, Marqués, Marqués        Ah ! Marquis, marquis, Marquis

D’engans ètz farcits e plens.                De fourberies vous êtes farci et rempli.

 

Marqués, ben es fols qui-s vana          Marquis, bien fou est qui se flatte

Qu’ab vos tenga meliana                     De faire avec vous la sieste de midi

Mens de brailhas de cortvés,               Sans braies en cuir de Cordoue

Et anc filhs de crestiana                      Car jamais fils de chrétienne

Pejor costuma non mes.                       N’eut d’aussi mauvaises mœurs.

 

A ! Marqués, Marqués, Marqués       Ah ! Marquis, Marquis, Marquis

D’engans ètz farcits e plens.                De fourberies vous êtes farci et rempli.IMGP5186

IMGP5193

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13 juin 2013 4 13 /06 /juin /2013 10:29

    Fils des seigneurs du château de Ripoll (Catalogne), ce chevalier fit des études et acquit une solide culture et grande maîtrise de l’art poétique. Sa vie se fond dans les activités comtales et les fêtes pour lesquelles il composa de nombreuses chansons  dont un cycle de quatre pièces pour la marquise d’Urgel qu’il nomme «ont tot mi platz - celle chez qui tout me plaît ».

     Il participa au siège de Conca en 1177 aux côtés du roi-troubadour Alphonse II d’Aragon. Il vint auprès de Raymond VI dans le comté de Toulouse et dédia une de ses chansons à une des filles du comte, Azalaïs de Burlats.

     On ignore le lieu et les circonstances de sa disparition.

      Il nous reste neuf  pièces. Et un « sirventès » où il s’attaque violemment à l’Eglise, aux bras séculiers de l’inquisition et aux hommes de loi et nomme Pons de Thézan qui fut excommunié pour cause d’hérésie comme le fut d’ailleurs Raymond VI.

Ponc-de-la-Guardia.JPG

 

ŒUVRE :

D’un sirventés a far ai grand talent

E farai lo si Dieus me benesia,

Car tot lo mond vei tornar en nient

Que neguns om l’uns en l’autre no-s fia ;

Ans si-m sirvètz vos farai ab falsia

Tro que-os aja fach lo vostre perdent

Et aissi a grand desconoissement

Per que-ns dona Dieus grand mal cascun dia

E de tot ben frachura e carestia.

 

« J’ai grand désir de faire un sirventès

Et je le ferai. Que Dieu me bénisse,

Car je vois tout le monde aller vers le néant

Et nul homme à un autre se fier ;

Au contraire, si vous me servez, je vous traiterai avec fausseté

Jusqu’à ce que je vous aie fait perdre votre bien ;

Et c’est ainsi une grande folie,

A cause de quoi chaque jour Dieu nous donne grands maux

Et disette et privation de tous biens.

 

 

De la glèisa vos dic primeirament

Que-i cor engans e far non o deuria,

Car cobeitats la laça e la pren

Que per denièrs perdonan que que sia,

E presican la gents le nèit e-l dia

Que non ajan enveja ni talent

De nula ren mas ges els non en sen

E devedan renou e raubaria

Et els fan lo e d’els pren om la via.

 

Au sujet de l’Eglise je vous dirai d’abord

Que tromperie y a cours, ce qui ne devrait pas être ;

Car la cupidité la ligote l’emprisonne,

Et pour des deniers on absout n’importe quoi ;

On y prêche aux gens la nuit et le jour

Qu’ils ne soient envieux ni désireux

De rien, mais eux n’ont guère cette pensée ;

Ils interdisent l’usure et le vol

Mais ils les pratiquent et on suit leur chemin.

 

A legistas vei far grand falhiment

E corr’entr’els grands bautucs e bausia,

Car tot bon drech fan tornar a nient

E fan tener de tort la dreita via,

Ett  anaissi damnan l’arm ‘e la via

Per que n’iràn trastots a perdiment

Ins en infèrn e sfriràn torment

E grèu dolor e peior malautia

En escurdat ab fèra companhia.

 

Aux hommes de loi je vois faire de grandes fautes

Et parmi eux ont cours des disputes et des tromperies,

Car tout bon droit ils réduisent à néant

Et rendent tortueux le droit chemin ;

Et par là ils damnent leur âme et leur vie

Si bien qu’ils iront tous en perdition

Au fond de l’enfer, et ils souffriront tourments,

Grandes douleurs et pires maladies,

Dans les ténèbres en cruelle compagnie.

 

En tots mestièrs vei far galiament

Sol que i cor nula mercadaria,

Car messorguièr son comprant e vendent

E sens mentir neguns om no-os vendria ;

E getan Dieu e la Verge Maria

En messorgas per cobeitat d’argent ;

Ailas ! Caitiu que non son conoissent

Que als denièrs donan tal senhoria

Que perdón Dieu que-ls ten tots en bailía!

 

Dans tous les métiers je vois faire des tromperies

Dès qu’il est question de commerce,

Car les menteurs achètent et vendent

Et sans mensonge nul ne vendrait.

Ils jettent Dieu et la Vierge Marie

Dans leurs mensonges par cupidité de richesse ;

Hélas ! Malheureux qui ne savent pas

Qu’en donnant aux deniers un tel pouvoir,

Ils perdent Dieu, qui les tient tous en sa puissance.

 

 

Ar vei lo mond mal e desconoissent

E senes fe e de tot avol guía,

Car om paubres non trova al manent

Nul’amistat si gasanh no-i vesia ;

E doncs aicel que-ns formats e-ns cria

E sofri mort oltra son mandament ;

Fa-m cascun jorn e fa-m dieu de l’argent

E per denièrs lo metem en oblia

Et a la fin neguns no-n porta mia.

 

                                     Maintenant je vois le monde mauvais et ignorant

Et sans foi et ouvert à toute méchanceté ;

Car le pauvre ne trouve auprès du riche

Nulle affection sil n’y trouve aucun profit ;

Et donc Celui qui nous a faits et créés

Et qui mourut pour nous, outre sa volonté

Nous passons chaque jour et faisons notre dieu de l’argent

Et pour des deniers nous L’oublions ;

Et portant à la fin, nul n’emportera rien avec lui.

 

Anc mais non aic coratge ni talent

De repentir mas ara si podia

Car cascun jorn propcham del feniment

Per que cascuns confessar se deuria

Car grand signe en vi antan un dia

Que ploc tèrra e sang veraiament

E que valgués a son par qui podia

Et enaissi cascuns s’amendaria.

 

Jamais jusqu’ici je n’avais eu le courage ni l’envie

De me repentir, mais maintenant si je le pouvais !

Chaque jour nous approchons de la fin :

Aussi chacun devrait-t-il se confesser ;

Car j’ai vu un jour de l’an dernier un grand signe :

Une pluie de terre et de sang, véritablement

Pour cela, nous devrions avoir de bonnes pensées

Et à notre prochain rendre service,

Et ainsi chacun s’amenderait.

 

A mon Azaut vai corrent e ten via

Mon sirventés car es flors de jovent

E sobre tots issauça son prètz gent

E sa valor e sa gaia paria

Et agradants es en tot luèc ont sia.

 

Vers mon Azaut, vas en courant et prends la route,

Mon « sirventès », car elle est fleur de jeunesse

Et au-dessus de tous elle élève son noble mérite

Et sa valeur et sa joyeuse compagnie ;

Et elle est agréable en quelque lieu qu’elle soit.

 

Ponç de Tezàn, Dieu prèc que-os benesia

Car a tots ètz de bèl aculhiment

E cascun jorn creissètz vostr’onrament

Per qu’ieu me soi mes en vostra bailia

Car bon’a fin qui ab bon arbre-s lia.

 

Pons de Thézan, je prie Dieu qu’Il vous bénisse

Car à tous vous faites bel accueil

Et chaque jour vous augmentez votre mérite ;

C’est pourquoi je me suis mis en votre pouvoir

Car il fait bonne fin qui à bon arbre s’attache.

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20 mai 2013 1 20 /05 /mai /2013 10:50

   Originaire de la Tour Blanche, château près de Ribérac en Dordogne, il était jongleur puis troubadour. Il parcourt les seigneuries languedociennes puis passe en Italie où il demeurera jusqu’à sa mort. Il devient le protégé de deux grandes familles lombardes, les Estes et les Malespina. Il visite les cours des comtes de Briandrate puis celle des Romano.

    Il écrit entre 1215 et 1235

    Sa « Vida » est un tissu de légendes

    Il nous reste quatorze pièces dont huit « cançons », un « descort », deux « sirventès » et deux « partiments » ou poème dialogué.

 Guilhem-de-la-Tor.JPG

ŒUVRE :

Voici le récit de l’aventure que connut le poète avec son hôtesse.

 

Una, doas, tres e quatre                     Une, deux, trois et quatre

Cinc e seis e sèt e uèch,                       Cinq et six et sept et huit fois

M’aven l’autrièr a combatre             Il m’arriva l’autre jour de me battre

Ab m’osta tot’una nuech;                  Avec mon hôtesse, toute une nuit;

Si-m trobès fol ni mal duèch,             Et je me serai trouvé fou ou épuisé

Fe que dei a Dieu, bèl fratre,             Par ma foi en Dieu, mon frère !

Ben fora tots mos pans cuèch            Et tout mon pain eût été cuit

Si-m volgués esbatre.                         Si j’avais voulu m’ébattre encore.

 

 

E non vos cuidètz bèl osta                  Et ne croyez pas, belle hôtesse

Quez ieu mais ongan çai torn,            Que j’y retourne désormais

Quand per la vostra somosta             Puisqu’à votre invitation

Non puosc mièlhs estar un jorn ;       Je ne puis rester un jour de plus;

Qu’ans m’anetz l’autrièr entorn       Car l’autre jour vous m’avez tourné autour

Tan que me calfètz la costa ;              Au point que vous m’avez chauffé les côtes ;

Anc non cugèi veser jorn,                   Et je ne pensais pas revoir le jour

Tan me fo mal en posta.                     Tant j’étais en mauvaise posture.

 

N’osta, vos non ètz ges lota,                Hôtesse, vous n’êtes guère paresseuse

Ben o conosc, al montar;                     Je l’ai bien vu en vous montant;

Si no-m tengués a la cota                    Si je ne m’étais pas retenu à votre cotte

Ja non pogra sus estar;                       Je n’aurai pas pu rester sur vous;

Tant aut me fasiatz levar                    Tellement vous me faisiez sauter

Com s’ieu fos una pelota.                   Comme si j’avais été une balle!

Tots temps fai mal cavalcar               Il est toujours malaisé de chevaucher

En bèstia qu’aissi trota.                      Une bête qui trotte ainsi.IMGP2977

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10 mai 2013 5 10 /05 /mai /2013 18:39

    Originaire de Romans (Drôme), il fut d’abord jongleur et de cour comtale en château de seigneurs, il acquit l’art des troubadours qui fit sa brillante renommée et devint le protégé de Frédéric II, empereur romain germanique.

     Sa « Vida » insiste sur son aisance dans les conversations galantes et la grande estime que lui manifestaient son entourage et ses protecteurs.

    Il réside dans plusieurs cours en Italie et assiste à Rome au couronnement du roi Frédéric II.       Il séjourne en Provence et compose avec le troubadour Blacatz une « tenso » avant de retourner en Italie.

    Il nous reste quatorze œuvres dont trois « cansons », quatre « sirventès », une « tenso », deux poèmes religieux et un salut d’amour.

 Falquet-de-Romans.JPG

ŒUVRE :

    C’est une belle chanson d’amour aux références multiples puisées dans les romances chevaleresques, les légendes héroïques et l’histoire sainte.

Ma bèla Dona, per vos dei èsser gais

Qu’al departir me donetz un coç bais

Tan doçament lo cor dels cors me trais ;

Lo cor avètz dona qu’ieu lo vos lais

Per tal convent qu’ieu no-l volh cobrar mais;

                             Que mièlhs non pres a Raol de Cambrais

Ni a Floris, quand pogèt el palais,

Com fès a mi car soi fins e verais,

Ma bèla dona.

 

Ma belle Dame, par vous je dois être joyeux

Car en nous séparant vous m’avez donné un doux baiser

D’une douceur telle qu’il m’a ôté le cœur du corps ;

Le cœur vous l’avez, Dame, car je vous le laisse

Avec la promesse de ne le recouvrer jamais ;

Car il n’est pas meilleur bonheur, Raoul de Cambrai

Ni Floire, quand il monta au palais,

Que je n’eus, car je suis fidèle et sincère,

Ma belle Dame.

 

Ma bèla don’,a vos me valha Dèus

Que mil aitan soi mièlhs vostre que meus,

Obedient plus que sèrv ni judèus ;

E de vos tenc mon aloc e mes fèus,

E nul trabalh nom me pot èsser grèus,

Sol qu’a vos plas’, ans m’es plasents e lèus ;

E morai tot aissi com fes N’Andrèus

E volgra mais qu’aqués mort romèus,

Ma bèla dona.

 

Ma belle Dame, que Dieu m’aide auprès de vous
car je suis mille fois plus à vous qu’à moi,

Plus obéissant qu’un serf ou qu’un juif ;

De vous je tiens mon alleu et mon fief

Et aucun tourment ne peut m’être grave ;

Pourvu qu’il vous plaise, il m’est agréable et léger ;

Et je mourrai ainsi que fit sire André,

Et j’aurai préféré avoir tué vingt pèlerins,

Ma belle Dame.

 

Ma bèla dona ja vos ami eu tan fort,

Si non vos ai, venguts soi a mal port,

Qu’ieu ai ben vist e conoguts en sort

Qu’en brieu de temps m’auràn li sospir mort

Si ieu ab vos en cambra no-m deport,

A! Doça res, vostre cor s’i acort,

Que ren sens vos non me pot dar conort !

S’enaisssi mor pecat, n’auretz e tort,

Ma bèla dona.

 

Ma belle Dame, je vous aime certes si fort

Que si je ne vous ai pas, c’est que j’ai accosté au mauvais port,

Ce que j’ai bien vu et compris, de sorte

Qu’en peu de temps les soupirs m’auront tué

Si je ne me divertis pas en chambre avec vous.

Ah ! Douce personne, votre cœur y consente,

Car rien sans vous ne peut m’apporter réconfort !

Si je meurs ainsi, vous aurez péché et fait tort,

Ma belle Dame.

 

Ma bèla dona, non me laissatz morir,

Que mil aitan vos am ieu non sai dir

Que nula ren non am tan ni desir

Com ieu fas vos, per qui planh e sospir,

Lo dans èr vostre s’enaissi-m fas languir,

Quand plus vos vei mas vos vei embellir ;

Nafrat m’avètz, non sai tan d’escremir,

Ab doç esgard et ab gents aculhir,

Ma bèla dona.

 

Ma belle Dame, ne me laissez pas mourir
Car je vous aime mille fois plus que je ne sais le dire

Et je n’aime ni ne désire personne

Comme vous, pour qui je me plains et soupire
le tort sera vôtre si vous me faites ainsi languir

Plus je vous vois et plus je vous vois embellir ;

Vous m’avez blessé, et je ne puis me défendre

Avec un doux regard et un accueil avenant,

Ma belle Dame.

 

Ma bèla dona, de vos soi envejos

Sbètz per que, car ètz valents e pros

E gents parlant e d’avinent respons ;

Qu’om non vos ve que non si’amoros,

Que dieus vos dèt cors ab bèlas faiçons

E ja no-os pes s’en soi un pauc gelos ;

Que per amor fui vençuts Salomons,

Ma bèla dona.

Ma belle Dame, je suis plein de désir pour vous

Vous savez pourquoi ; vous êtes noble et de valeur

Et de propos agréables et de reparties avenantes ;

On ne peut vous voir sans qu’on soit amoureux,

Car Dieu vous donna un corps aux belle formes
Et ne vous en déplaise, j’en suis un peu jaloux ;

Si Salomon fut vaincu par l’amour

Je le suis de même pour vous, courtoise personne,

Ma belle dame.

IMGP1643

 

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6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 16:39
    Fils de Guillaume VIII et d’Hildegarde de Bourgogne, il est marié par intérêt à la fille du comte d’Anjou, Ermengarde qui, trompée et aigrie, le quitte mais ne connaissant pas le bonheur dans son remariage, se retire dans le monastère de Fontevrault
    Très riche et grand amoureux des plaisirs de la vie, le comte est excommunié par l’Eglise à cause de son existence dissolue et de son irrespect des droits ecclésiastiques.
    En 1094, il se remarie avec Philippa, fille de Guillaume IV, comte de Toulouse ; elle connaît le même déconvenue et, avec sa fille Aldéarde, rejoint Ermengarde à Fontevrault. D’autres conquêtes féminines rejoindront Fontevrault après les inconduites de Guillaume qui guerroie et conquiert les terres de es voisins partis en Croisade. Il sait avec compétence, diplomatie et efficacité gérer les affaires comtales, neutraliser ses adversaires et les prétendants et jouer de son droit marital pour, en 109, conquérir Toulouse dont le comte Raymond IV de Saint Gilles est parti en Croisade depuis 1095.
    En mars 1101, il rejoint la Croisade avec ses frères, Eustache et Beaudoin ; il combat sans succès pendant plus d’une année. De retour à Poitiers, il abandonne son épouse toulousaine pour s’unir à l’épouse de son vassal, le vicomte de Châtelleraut. Il sera excommunié pour s’être remarié sans que la nullité ait été prononcée par la Tribunal Ecclésiastique de Rome.Guillaume réunit 30 000 hommes et s’allie au roi de Castille et Léon, Alphonse, il participe à la « Reconquista » de 1120 à 1123 dans le royaume de Valencia où, à ses côtés, guerroie le célèbre Rodrigo Diaz dit le Cid Campeador (surnom arabe de « seid » ou seigneur et « campeador » ou chef de bande en espagnol). Il connaît l’importante victoire de Cutanda. A son retour, dans les dernières années de sa vie, il fait embellir et agrandir le palais des comtes de Poitiers et participe financièrement à la création de monastères et d’un couvent où résideraient les plus belles femmes de la région poitevine.
Inextricablement lié à la vie politique, Guillaume IX de Poitiers est humaniste, soucieux d’arts et de lettres ; sa cour accueille de nombreux artistes tel le barde gallois Blédri ap Davidor qui lui apporte la légende des amours tragiques ; il écrit en occitan toutes ses œuvres et s’inspire des textes de Saint Fortunat (VIe) conservés dans l’abbaye Sainte Croix de Poitiers.
Ses œuvres, considérées comme modèles (fond et forme) par les troubadours, allient la gaudriole audacieuse dans la bisexualité à la finesse délicate de la courtoisie chevaleresque. Il évoque avec humour ses revers guerriers et amoureux sans oublier le désir irréfragable devant la femme d’autant plus désirée qu’elle est inaccessible, affolante jusqu’au sublime de l’intouchabilité, de l’inaccompli qui multiplie l’exaltation du désir de possession.
    Il nous reste onze pièces et des « chansons avec, pour certaines, leurs mélodies particulières.Guillaume de Poitiers
EXTRAITS
 
    Les éléments invoqués appartiennent à la grande tradition de l’amour courtois : la naissance et la douceur du printemps, le renouveau de la nature, le chant des oiseaux, l’onde claire des sources et des ruisseaux. Ainsi apparaît l’amour dans la lumière du partage entre la noirceur de la nuit et la rudesse du gel (images de la distance et de l’éloignement de l’être aimé) et la joie victorieuse de la lumière du soleil ( symbole de la réunion des cœurs et des âmes des amants).
 
Ab la doçor del temps novèl         Dans la douceur du temps nouveau
 
Folhon li bosc e li aucèl                 Feuillent les bois, et les oiseaux
 
Chantant chascuns en lor latin    Chantent chacun en son latin
 
Segon lo vèrs del novèl chant :     Suivant la chanson du nouveau chant :
 
Adonc està ben qu’om s’aisi         Il est donc bien que l’on jouisse
 
D’aiço dont om a plus talant.       De ce dont on a le plus envie.
 
 
De lai dont m’es olus bon e bèl,    De là-bas où tout m’est bon et beau,
 
Non vei messagièr ni sagèl,          Je ne vois venir ni messager ni lettre scellée
 
Per que mon cor non dorm ni ri ;    Aussi mon cœur ne dort ni ne rit ;
 
Ni non m’aus traire adenant,           Et je n’ose aller plus avant,
 
Tro que sacha ben de la fin             Jusqu’à ce que je sache si notre accord
 
S’el’es aissi com ieu demand.          Est tel que je le souhaite.
 
 
La nostr’amor vai enaissi                  Il en va de notre amour
 
Com la branca de l’aubespin            Comme de la branche de l’aubépine
 
Qu’està sobre l’arbr’en tremant,      Qui est sur l’arbre, tremblante,
 
La nuech, a la pluèj’ez al gèl,            La nuit, à la pluie et au gel ;
 
Tro l’endeman, que sols s’espand     Mais le lendemain le soleil se répand
 
Per las fuèlhas verdse-l ramèl.         A travers les feuilles vertes sur le rameau.
 
 
Enquèr me membre d’un matin        Il me souvient encore d’un matin            
 
Que nos fesem de guèrra fin,             Où nous avions mis fin à la guerre,
 
E que-m donèt un don tan grand,      Elle me fit un don si grand
 
Sa drudari’e son anèl :                        Son amour et son anneau :
 
Enquèr me lais Dieu vieure tant        Que Dieu me laisse encore vivre assez
 
Qu’aja mas mans son mantèl !     Pour que j’aie mes mains sous son manteau !
 
 
Qu’ieu non ai sonh d’estranh latin     Car je n’ai cure de l’étrange langage      
 
Qu’em parta de mon Bon Vesin,   Qui pourrait me séparer de mon Bon Voisin,
 
Qu’ieu sai de paraulas com van        Je sais comment vont les paroles
 
Ab un brèu sermon que s’espèl,       Et ces brefs discours que l’on répand :
 
Que tal se van d’amor gabant,          Tel pourrait se vanter de son amour,
 
Nos n’aven la pèç e-l cotèl.   Mais nous, nous en avons la pièce et le couteau.IMGP1643
 
 
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2 mai 2013 4 02 /05 /mai /2013 18:29

    Dans « l’Histoire Littéraire des Troubadours » , nous pouvons lire à son propos qu’il était de Gênes, « homme savant et d’origine noble, juge et chevalier et consul de la République et que son portrait trônait dans la maison du vicomte de Cigala avec cette inscription « Lafrancus Cigala, consul, anno 1248, jurisconsultus, poeta egregius », selon Crécimbéni, un de ses contemporains.

    « Il se livra beaucoup à la galanterie et à la poésie et composa bonnes maintes chansons dont Dieu était le principal objet ».

    Il fut également ambassadeur auprès de Raimond Bérenger IV de Provence en 1241. Là, il rencontra une demoiselle nommée Berlanda de l’ancienne et illustre maison des Cibo.  Fort amoureux, il lui dédia plusieurs chansons.

    Après la mort de son aimée, il écrivit une complainte : « il y a plus de mille ans que la mort n’a commis un si grand crime. Personne ne l’entendit nommer qu’il n’en devint amoureux ».

    La dévotion pour la  Vierge Marie remplaça Berlanda dans le cœur de Cigala.

    Selon Nostradamus, il fut assassiné  près de Monaco en 1278.

    Il nous reste une trentaine de pièces dont huit chansons d’amour, quatre chansons dédiées à la Vierge et une tenson.
    Il est avec Sordello le plus important troubadour Italie, ayant choisi d’écrire en occitan.

 Lanfranco-Cigala.JPG

ŒUVRE :

 

Selon les règles du genre (débat entre des idées contraires), le poète prend à témoin Dame Guilhelma dans un langage clair et léger, élégant et courtois.

 

-Na Guilhelma, maints cavalièrs aratge

Anant de nuèit, per mal temps que fasia,

Se planhian d’albèrg en lor lengatge ;

Ausiron dui bar que, per drudaria,

S’en anavan ves lor donas non lent ;

L’uns retornet per servcir cela gent,

L’autre anèt ves sa dona corrent.

Quals d’aquels dos fes mièlhs ço que-lh tanhia ?

 

Dame Guilhelma, maints chevaliers

Errant de nuit par le mauvais temps qu’il faisait

Se plaignaient en leur parler de ne pas trouver d’auberge ;

Deux barons les entendirent qui, par raison d’amour,

S’en allaient à vive allure vers leurs dames ;

L’un fit demi-tour pour servir ces gens-là,

L’autre alla vers sa dame au galop.

Lequel des deux agit le plus correctement ?

 

 

                    Amics, Lanfrancs mièlhs compli son viatge,

Al mieu semblant, cel que tenc vers s’amia ;

E l’autre fes ben, mas son fin coratge,

Non poc saber tan ben sidons a tria

Com cel que-lh vi denant sos uolhs present

Qu’atendut l’ac sos cavalièrs concent ;

E val trop mais qui ço que ditz aten

Que qui en als son coratge cambia.

 

Ami Lanfranc, il choisit mieux sa route,

A mon avis, celui qui courut vers son amie ;

L’autre fit bien, mais son cœur loyal,

Sa dame n’a pas pu aussi bien l’estimer

Que celui qu’elle vit présent sous ses yeux,

Car elle a attendu en vain son chevalier ;

Et il a plus de valeur celui qui fait ce qu’il dit

Que celui qui ses désirs en d’autres change.

  

Dona, si os platz, tot quant fes d’agradatge

Lo cavalières que per sa galhardia

Garda-ls autres de mort e de damnatge,

Lo moc d’amor, que ges de cortesia

Non a nuls oms si d’amor no-lh deiscend;

Per que sidons deu-lh grasir per un cent,

Cai desliurèt per s’amor de torment

Tans cavalièrs que se vista l’avia.

 

Madame, s’il vous plaît, tout ce que fit de bien

Le chevalier qui par son courage

Sauva les autres de la mort et du mal,

Lui vint de l’amour car en courtoisie,

Tout chez l’homme naît de l’amour.

Aussi sa dame doit-elle lui être cent fois plus reconnaissante

Que s’il l’avait vue car pour l’amour d’elle

Il a délivré du tourment tous ces chevaliers.

 

Lanfrancs, jamais non rasonètz musatge

Tan grand quant fon d’aicel qu’aiço fasia,

Car sachatz ben mout i fes grand oltratge

Per bèls servirs tan de cor li movia ;

Car non servi sidons primeirament

Et agra-n grat d’el’e d(els eissament,

Pois per s’amor pogra servir sovent

En maints bons locs que falhir no-i podia.

 

Lanfranc, ne justifiez jamais une folie

Aussi grande que fut celle qu’il commit,

Car sachez bien qu’il a fort mal agi ;

Si de bien servir son cœur le pressait,

Pourquoi n’a-t-il pas d’abord servi sa dame

Dont il aurait eu gré d’elle et d’eux également ?

Car par son amour il aurait pu souvent servir

En maints bons lieux sans risque de faillir.

 

Mercé vos quièr, dona, s’ieu dic folatge,

Qu’uoimais vei ço que tot o mescresia

Que non vos plai qu’autre pelegrinatge

Fassan li drud mas vers vos tota via ;

Pero cavals qu’om vol que biord gent

Deu om menar ab mesur’et ab sens;

E car los druds cochatz tan malament

Lor falh poders dont vos sobra feunia.

 

Pardonnez, Madame, si je dis folie,

Mais je vois maintenant ce que je refusais de croire

Il ne vous plaît pas qu’un autre pèlerinage

Soit fait par les amants sinon celui qui conduit toujours vers vous ;

Mais le cheval dont on veut qu’il joute bien,

On doit le mener avec mesure et avec soin ;

Et puisque vous pressez si fort les amants,

Leur force faillira, ce qui vous remplira de rage.

 

 

Ancar vos dic que son malvats usatge

Degra laissar en aquel meseis dia

Li cavalièrs pos dona d’aut paratge

Bèla e pros dec aver en bailia

Que’en son albèrg servisson largament

Ja el no-i fos ; mas chascuns rason prend,

Car el si sent tan de recresement

Qu’al major ops poders li falhiria.

 

Je vous dis une fois encore que le chevalier

Aurait-dû ce jour même abandonner son mauvais choix,

Dès lors qu’il devait avoir la possession

D’une dame de haut lignage, belle et noble

Car chez lui on l’aurait servi avec largesse

Quand bien même il n’y aurait pas été ! Mais chacun trouve un prétexte

Parce qu’il se sent si lâche

Que la force lui manquerait pour l’action la plus importante.

 

 

Dona, poder ai ieu et ardiment

Non contra vos que vencés en jasent,

Per qu’ieu fui fols car ab vos pris content,

Mas vencut volh que m’ajatz com que sia.

 

Madame, j’ai la forcé et l’audace

De vaincre au lit, mais pas contre vous :

Aussi suis-je fou d’avoir entrepris de lutter avec vous

Mais je veux bien, quoi qu’il en soit, que vous m’ayez vaincu.

 

 

Lanfrancn aitan vos autrei e-os consent

Que tan mi sent de cor e d’ardiment

Qu’ab aital genh com dona si defend

Mi defendri’al plus ardit que sia.

 

Lanfranc, je vous l’avoue et vous l’accorde aussi

Que je me sens si brave et si hardie,

Qu’avec l’habileté avec quoi une femme se défend

Je me défendrai contre le plus hardi qui soit. Sordello

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29 avril 2013 1 29 /04 /avril /2013 18:03

 

    Seigneur d’Ampurdan, ce troubadour de la seconde moitié du XIIIe était le fils de Bernard de Foixà. Il entra dans l’ordre de Saint François d’Assise au couvent de Monzon vers 1267 puis quitta l’ordre franciscain pour rejoindre les bénédictins dans un monastère près de Gérone (vraisemblablement à Sant Feliù-de-Guixols) puis alla au monastère bénédictin de Sant Père de Galligants où Pierre III, roi d’Aragon, lui aurait confié des missions diplomatiques en Sicile.

    Son nom est mentionné dans des documents de 1295.

    Il est l’auteur d’un traité de grammaire « Vers et regles de trobar » (Versification et règles de l’art des troubadours) en imitant l’ouvrage « Rasons de trobar » du troubadour Raimond Vidal de Bersalù.

    Il nous reste trois chansons.

 jofre-de-foixa.JPG

ŒUVRE :

 Celle-ci rend hommage à ses troubadours préférés : Arnaud de Maruèlh, Perdigon, Folquet de Marselha, Gaucelm Faidit et Ponç de Capduelh. Chacune de ces strophes se termine par un vers de ces troubadours. Le thème de la soumission à la dame est repris avec une particulière intensité où l’heur s’accouple avec la souffrance d’où émerge une joie certaine.

 

 Ben m’a long temps menat a guisa d’aura

Ma bon’ amors, com fai naus sobre vents,

Mas lo perilh m’assauava e-m daura

Lo bons espers qu’ai en vos fermaments,

En qui amar es fèrms tots mos talents

Qu’aissi m’an pres de vos qu’es blond’e Saura

Los grands beutats e-l fins ensenhaments.

 

Bien m’a longtemps mené comme la brise

Ma bonne amour, comme fait le nef sous le vent ;

Mais le péril m’est adouci et m’est doré

Par le bon espoir que je place fermement en vous,

Puisqu’à vous aimer tout mon désir est sûr

Et que m’ont attaché à vous, blonde aux cheveux dorés,

Vos grandes beautés et votre fine culture.

 

Non m’agra ops que-m fos tant agravida,

Vostr’amistats, dona, de bons aips flors,

Pois deviatz envas mi tant autiva

De cor èsser e lonhar mi-l secors

Qu’ai atendut longaments car uns plors

M’en sors tan grèus que non cre gaire viva

Si-m destrenhètz,dona, vos et amors.

 

Il ne m’est pas nécessaire qu’il me soit si agréable

Votre amitié, madame, fleur de toutes bonnes qualités

Car vous deviez être envers moi si altière

De cœur et de moi éloigner tout réconfort,

Que j’ai attendu longtemps, et les pleurs

Que je verse sont si douloureux que je en crois plus vivre

Tant vous me torturez bien fort, Madame, vous et l’amour.

 

E ja de vos no-m don ço qu’ieu desire

Jamais Jésus si per als a morir

Tem mas per ço car sai sens contradire

Que pois morts fos no-os poiria servir ;

Pero si-l mal vos plason ni-l martir

Ni-l grèu afan de que ieu soi sofrire,

Ben aia-l mal e l’afan e-l consir.

 

Et jamais ne me donne ce ue je désire de vous

Jésus, si pour autre chose je crains de mourir,

Pour ce que je sais sans conteste,

Qua quand je serai mort je ne pourrai vous servir ;

Mais si les maux vous plaisent et les martyres

Et les graves tourments dont je suis à souffrir,

Que soient bénis ces maux, ces peines et ces tourments.

 

Qu’a mi non deu plaser mas ç-o que-os plaia,

Pois del tot soi vostre ab bona fé;

Sol non volhatz que d’amar vos m’estraia

Car lo podeers non es ges mieus de ren ;

Ben soi conquès mas trop soi lonh de ben

Qu’en tal consir m’an empenh que m’esglaia

Ir’e pensars e dona sens mercé.

 

Car à moi ne doit plaire que ce qui vous plaisait,

Puisque je suis tout à vous de bonne foi ;

Pourvu que vous ne veulliez pas qu’à vous aimer je renonce

Car je n’en ai nullement le pouvoir ;

Je suis bien conquis mais je suis trop loin du bien

Car à tel souci je me suis heurté, que j’en suis effrayé

Colère et chagrin et une dame sans merci.

 

E vos, amors, pois ab tan fèrm coratge

Vos am e-os sèr per que-os truèb tan nosent

Qu’adès m’auciretz tolhent alegratge,

Et adès m’auciretz tolhent alegratge,

Et adès mi revivètz jois rendent;

Per qu’ieu trac piègs d’ome del tot morent,

Donc pois avètz en mi-l plen poderatge,

Amors mercé non mueira tan sovent.

 

Et vous, amour, avec un cœur si ferme

Je vous aime et vous sers, pourquoi vous trouvé-je si néfaste ?

Car toujours vous me tuez en m’ôtant l’allégresse

Et toujours vous me ressuscitez en me rendant la joie ;

Aussi je souffre plus qu’homme qui meurt totalement

Et puisque vous avez sur moi plein pouvoir,

Amour, grâce ! Que je ne meure pas si souvent !

 

Dona, per vos m’es amors tan sobrèira

E si m’auci de vos mou l’ocaisons

Dont volgra ben que-os ausés esquerèira

Nomnar vas fe mas en vos falhisos ;

Non dei pensar sia pero de vos

Tenc er que-m faitz mal, dona plasentèira,

Mon cor e mi e mas bonas chançons.

 

Madame, mon amour pour vous est si élevé

Et s’il me tue, la raison vient de vous ;

Aussi je voudrais bien qua vous soyez mauvaise

Et accuser la foi, mais qu’en vous il y ait des fautes

Je ne dois pas penser que cela soit, pourtant de vous,

Dame gracieuse, me vient maintenant du mal et vous en faites

A mon cœur, à moi et à mes bonnes chansons.

 

Vostres soi tan don’agradiv’e pros

Qu’om piègs mi faitz ab amor plus entèira

Umils e francs e fins soplei vas vos.

 

Je suis tant à vous, Dame agréable et noble,

Que quoi que vous fassiez de pire avec un amour plus entier,

Humble et franc et fidèle je me soumets à vous.

Arnaut-de-Mareuil.JPG  Perdigon-2.JPG

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28 avril 2013 7 28 /04 /avril /2013 18:12

    Originaire de La Bachèlerie, près d’Uzerche (Corrèze), sa « Vida » le décrit comme un jongleur-troubadour, errant de cour en cour, résidant ici et là selon le plaisir et la qualité de l’accueil.

     Il participe avec deux autres troubadours ( Savaric de Mauléon et Gaucelm Faidit) à un « joc partit » ou débat autour du thème de la passion amoureuse de trois amants de la même Dame.

     Il nous reste six pièces dont une « chanson », une « alba », trois « tençons » et un « joc partit » ou débat.

Uc de la Bacalaria 

ŒUVRE :

    Loin de suivre la tradition des troubadours qui fêtent l’arrivée du soir et de l’ombre propice à l’exaltation des désirs et à la réalisation de la fusion amoureuse, le poète célèbre l’aube et le jour naissant comme promesse de rencontres et de dialogues amoureux

    Le poète évoque des héros des romans de geste médiévaux : Andrieu de paris, Floris ou Floire ou Blanchefleur, Amèlis ou Amile.

    La dame de son cœur (N’A Elis) est certainement Elise de Montfort, sœur de Maria de Ventadorn. 

 

Per grasir la bon’estrena             Pour remercier le doux présent

D’amor que-m ten ne capdèl      D’amour qui me tient sous la loi

E per aleujar ma pena,               Et pour alléger ma peine

Vuèlh far alb’ab son novèl.         Je veux faire une aube sur une mélodie nouvelle.

La nuèch vei clar’e serena          Je vois la nuit claire et sereine

Et aug lo chant d’un aucèl,         Et j’entends le chant d’un oiseau

En que mos mals se refrena,      Par quoi mon mal se calme

Dont quièr lo jorn et apèl.          Alors je souhaite le jour et l’appelle.

Dieus ! Qual enuèg                      Dieu ! Quel ennui

Mi fai la nuèch                             Me fait la nuit

Per qu’ieu desir l’alba.                C’est pourquoi je désire l’aube.

 

Qu’ieu jur pels sants evangèlis    Car je vous jure sur les Saints Evangiles

Que anc Andrieu de Paris,           Que jamais Andrieu de Paris,

Floris, Tristans ni Amèlis            Floris, Tristan ni Amèlis

Non fo vas amor tan fins.            Ne furent en amour aussi fidèles.

Despuis mon cor dèi a N’Elis      Depuis que j’ai donné mon cœur à Dame Elis

Un pater noster non dis,               Je n’ai pas dit un Pater Noster,

Anc ieu dissés qui est in coelis,   Sans que, avant de dire qui est in coelis

Fon ab lièis mos esperits.             Mon esprit ne fût auprès d’elle.

Dieus! Qual enuèg                        Dieu ! Quel ennui

Mi fai la nuèch                              Me fait la nuit          

Per qu’ieu desir l’alba.                 C’est pourquoi je désire l’aube.

 

En mar, en plan ni en roca,            En mer, en plaine et sur des rochers,

Non puèsc ad amor gandir,           Je ne puis à l’amour me soustraire

Mais non creirai gent badoca       Mais je ne croirai pas les sottes gens

Que-m fassa de lièis partir ;         Qui me feraient m’éloigner d’elle;

Qu’aissi-m ponh al cor e-m toca   Car elle me point au coeur et me pique

E-m tolh manjar e dormir             Et m’ôte le manger et le dormir

Que s’ieu èra en Antioca,               Si bien que si j’étais à Antioche

Ieu volri’ab lièis morir.                  Je voudrais avec elle mourir.

Dieus! Qual enuèg                           Dieu ! Quel ennui

Mi fai la nuèch                                 Me fait la nuit

Per qu’ieu desir l’alba.                    C’est pourquoi je désire l’aube.

 

Amors, ieu sauprai genh tendre     Amour, je saurai tendre des pièges

O penre ors o laupard                     Ou prendre l’ours et le léopard,

O per far fort castèl rendre,           Ou faire rendre un château puissant,

Mas vas vos non truèp nul’art,      Mais avec vous, je ne trouve nul art

Ni non plai ab vos contendre          Et il ne me plaît pas de lutter avec vous

Qu’aissi co-n n’ai major part,        Car plus je prends l’avantage

Soi plus volpils al defendre              Plus je suis lâche à me défendre

E n’ai mil tans de regard.                Et j’en ai mille fois plus de crainte

Dieus! Qual enuèg                            Dieu! Quel ennui

Mi fa la nuèch                                   Me fait la nuit

Per qu’ieu desir l’alba.                    C’est pourquoi je désire l’aube.Savary de Mauleon  Gaucelm Faidit

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 17:04

    Fils de Guillaume VIII et d’Hildegarde de Bourgogne, il est marié par intérêt à la fille du comte d’Anjou, Ermengarde qui, trompée et aigrie, le quitte mais ne connaissant pas le bonheur dans son remariage, se retire dans le monastère de Fontevrault

    Très riche et grand amoureux des plaisirs de la vie, le comte est excommunié par l’Eglise à cause de son existence dissolue et de son irrespect des droits ecclésiastiques.

    . En 1094, il se remarie avec Philippa, fille de Guillaume IV, comte de Toulouse ; elle connaît le même déconvenue et, avec sa fille Aldéarde, rejoint Ermengarde à Fontevrault. D’autres conquêtes féminines rejoindront Fontevrault après les inconduites de Guillaume qui guerroie et conquiert les terres de es voisins partis en Croisade. Il sait avec compétence, diplomatie et efficacité gérer les affaires comtales, neutraliser ses adversaires et les prétendants et jouer de son droit marital pour, en 109, conquérir Toulouse dont le comte Raymond IV de Saint Gilles est parti en Croisade depuis 1095.

      En mars 1101, il rejoint la Croisade avec ses frères, Eustache et Beaudoin ; il combat sans succès pendant plus d’une année. De retour à Poitiers, il abandonne son épouse toulousaine pour s’unir à l’épouse de son vassal, le vicomte de Châtelleraut. Il sera excommunié pour s’être remarié sans que la nullité ait été prononcée par la Tribunal Ecclésiastique de Rome.Guillaume réunit 30 000 hommes et s’allie au roi de Castille et Léon, Alphonse, il participe à la « Reconquista » de 1120 à 1123 dans le royaume de Valencia où, à ses côtés, guerroie le célèbre Rodrigo Diaz dit le Cid Campeador (surnom arabe de « seid » ou seigneur et « campeador » ou chef de bande en espagnol). Il connaît l’importante victoire de Cutanda. A son retour, dans les dernières années de sa vie, il fait embellir et agrandir le palais des comtes de Poitiers et participe financièrement à la création de monastères et d’un couvent où résideraient les plus belles femmes de la région poitevine.
    Inextricablement lié à la vie politique, Guillaume IX de Poitiers est humaniste, soucieux d’arts et de lettres ; sa cour accueille de nombreux artistes tel le barde gallois Blédri ap Davidor qui lui apporte la légende des amours tragiques ; il écrit en occitan toutes ses œuvres et s’inspire des textes de Saint Fortunat (VIe) conservés dans l’abbaye Sainte Croix de Poitiers.
    Ses œuvres, considérées comme modèles (fond et forme) par les troubadours, allient la gaudriole audacieuse dans la bisexualité à la finesse délicate de la courtoisie chevaleresque. Il évoque avec humour ses revers guerriers et amoureux sans oublier le désir irréfragable devant la femme d’autant plus désirée qu’elle est inaccessible, affolante jusqu’au sublime de l’intouchabilité, de l’inaccompli qui multiplie l’exaltation du désir de possession.

    Il nous reste onze pièces et des « chansons avec, pour certaines, leurs mélodies particulières.

Guillaume-de-Poitiers.JPG

EXTRAITS :

    A l’espoir de la belle saison annonciatrice du renouveau de l’amour se mêle l’inquiétude du poète qui déplore ses mésaventures et son chagrin. La courtoisie du « fin’amor » est ici définie avec élégance et sincérité avec un dépassement de l’amour lui-même pour considérer les relations entre humains. Il s’en dégage une véritable éthique sociale et morale. Comme Bernard de Ventadorn, on retrouve l’opposition joie :inquiétude et le sentiment de vanité des choses.

Pos vesem de novèl florir             Puisque nous voyons de nouveau fleurir

Prats, e vergièrs reverdesir,         Les prés, et reverdir les vergers,

Rius e fontanas esclarzir,             Les ruisseaux et les sources couler plus clair,

Auras e vents,                                    Les brises et les vents,

Ben deu chascuns lo joi jausir          Il est bon que chacun savoure la joie

Dont es jausents.                                Dont il jouit.

 

D’amor non dei dire mas ben ;          D’amour je ne dois dire que du bien ;

Car non ai ni petit ni ren ?                 Pourquoi n’en ai-je ni peu ni prou ?

Car ben lèu plus non m’en conven !  Sans doute n’ai-je pas droit à plus !

Pero lèumens                                        Pourtant sans peine

Dona grand joi qui be-n manten        Il donne grande joie à qui observe

Los aisiments.                                        Ses convenances.

 

A tots jorns m’es pres anaissi                Toujours pour moi il en fut ainsi

Qu’anc d’aquo qu’amièi no-m jausi ;    De ne jamais jouir de ce que j’ai aimé ;

Ni o farai, ni anc non  fi ;                         Je ne parviendrai pas, ni jamais ne parvins

Qu’az escients                                            Et c’est sciemment

Fauc, mantas vetz que-l cor me di :   Que je le fais, bien que souvent mon cœur dise :

« Tots es nients ».                                    « Tout cela est vain ».

                  

Per tal n’ai mens de bon saber                Et si j’en ai moins de savoir

Car vuèlh ço que non puèsc aver.             C’est que je veux ce que je ne puis avoir.

E si-l reprovièrs me ditz ver :                  Pourtant le proverbe dit vrai :

“Certanaments                                          « Assurément

A bon coratge non poder,                          A bonne volonté, bon pouvoir,

Qui-s ben sofrents ».                                  A qui sait être patient ».

 

Ja non serà nuls oms ben fins        Aucun homme ne sera jamais parfait

Contr’amor  si  non l’es aclins,      Au regard de l’amour, s’il ne s’incline devant lui,

Et als estranhs et als vesins            Et si avec les étrangers et les proches

Non est contents,                              Il ne sympathise,

Et a tots cels d’aicel aisins              Et si à tous ceux de chez lui

Obedients.                                        Il ne fait obédience.

 

Obediença deu portar                       Il doit vouer obédience

A maintas gens, qui vol amar           A maintes gens, celui qui veut aimer,

E conven li que sacha fa                    Et il convient qu’il sache accomplir

Faits avinents                                      Des actions plaisantes

E qui-s gard en cort de parlar           Et qu’il se garde de parler à la cour

Vilanaments.                                        Comme un vilain.

 

Del vèrs vos dic que mais ne vau      Ma chanson, je dis qu’elle vaut davantage

Qui ben l’enten, e n’a plus lau,          Et mérite plus de louange, si on l’entend bien

Que-ls mots son faits tots per egau     Car les paroles sont toutes égales

Comunalments                                      Ensemble

E-l son es, ieu meteis m’en lau,            Et la mélodie, dont je me loue moi-même

Bon e valents.                                         Est bonne et de valeur.

 

A Narbona, mais ieu ni-i vau,               A Narbonne, puisque je n’y vais pas,

Sia-l presents                                          Que lui parvienne

Mos vèrs, e vuèlh que d’aquest lau      Ma chanson, et je veux que de cette louange

Sia guirents.                                             Elle me soit garante.

 

Mon Estève, mas ieu no-i vau,               Mon Estève, puisque je ne vais pas à elle

Sia-l  presents                                          Que lui parvienne

Mos vèrs, e vuèlh que d’aquest lau        Ma chanson, et je veux que de cette louange

Sia guirents.                                              Elle me soit garante.

 

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20 avril 2013 6 20 /04 /avril /2013 18:24

    Nommé Sordèl en Occitanie, Sordello est le plus grand troubadour italien en langue provençale. Sa « Vida », aux péripéties controversées le fait naître à Mantoue d’un chevalier de condition modeste. On le voit à la cour de Richard de Sanbonifacio à Vérone.

    Il devient l’amant de l’épouse du comte, s’enfuit avec elle, quitte l’Italie en 1228 pour se réfugier en Provence où il vit sous la protection de Raimon Béranger puis, quelques années plus tard, il est  à la cour de Charles d’Anjou qui lui attribua des terres et lui proposa une nouvelle épouse.

    Il parcourt l’Auvergne et la Cerdagne en Espagne. Il rejoint l’Italie en 1256 et meurt dans les Abruzzes après 1269.

    On conserve quarante-trois œuvres dont douze « chansons » d’amour et des « sirventès » dont l’éloge posthume (une complainte funèbre) de Blacatz, seigneur d’Aups, troubadour, protecteur et ami de nombreux troubadours. (lire l’article consacré à ce troubadour où j’ai inclus le chant de Sordello).

 

Sordello

 

 

EXTRAIT :

A l’occasion de la mort de son ami BLACATZ, le poète écrit cette plainte qui se transforme en « sirventés » car Blacatz, troubadour aussi, était connu poura sa bravoure, sa générosité e l’accueil qu’il réservait aux poètes dans son château d’Aulps dont il était le seigneur.

Le poème devient un terrible réquisitoire contre Frédéric II, empereur de Rome qui était en lutte contre la ligue lombarde, Saint Louis ou Louis IX et sa mère Blanche de Castille de qui il tenait le royaume, Jean sans Terre roi d’Angleterre à qui Philippe Auguste avait conquis les territoires français, Pierre Ier, roi d’Aragon qui voyait Marseille puis Millau disparaître de son héritage, Ferdinand III de Castille, fils d’Alphonse IX de Léon et de Bérengère de Castille, sœur de Blanche, la mère de Louis IX et Raimond VII de Toulouse dépossédé de tous ses biens lors du Traité de Paris en 1229.

 

Plànher volh en Blancatz en aquest leugièr son

Ab cor tris e marrit, et ai en grand rason,

Qu’en lui mescabat senhor et amic bon,

E car tot l’aip valent en sa mort perdut son.

Tant es mortals lo dans qu’ieu non ai sospeiçon

Qu’onca mais se revenh, s’en aital guisa non

Qu’onm li traga lo cor e qu’en manjo-l baron

Que vivon descorats, pois auràn de cor pron.

 

Je veux pleurer le seigneur Blacatz sur cette simple mélodie

Avec un cœur triste et dolent, et j’ai raison de le faire

Car en lui j’ai perdu un bon seigneur et ami,

Et toutes ses valeureuses qualités sont perdues par sa mort.

La perte est si mortelle que je n’ai plus espoir

Que jamais on la répare, à moins qu’on ne fasse en sorte

De prendre son cœur et qu’en mangent les barons

Qui n’en ont pas, afin qu’ensuite ils en aient.

 

Premièr mange del cor per ço que grand ops l’es,

L’emperaire de Rom, s’el vol los milanés

Par força conquistar ; car lui tenon conqués

E viu deseretats malgrat de sos tiés.

E de seguentre lui manj’en lo reis francés,

Pois cobrarà Castel’qu’el pèrd per nesciés;

Mas si pes’a sa mair’, il non manjarà res,

Car ben par a son pretz qu’el non fai ren qu-l pes.

 

Que le premier mange de ce cœur, car grand besoin lui est

L’empereur de Rome, s’il veut les Milanais

Conquérir par la force, car c’est lui qu’ils tiennent conquis

Et qui vit déshérité en dépit de ses Allemands.

Et après lui qu’en mange le roi de France,

Puis il recouvrera la Castille qu’il perd par niaiserie ;

Mais si cela déplaît à sa mère, il n’en mangera point,

Car à son honneur on voit bien qu’il ne fait rien qui lui déplaise.

 

Del rei englés me platz, car es pauc coratjos,

Que mange pron del cor; pois es valents e bons

E cobrarà la terr’per que  viu de prètz blos:

Que-l tol le reis de Franç’, car lo sab noalhos,

E lo reis castelans tanh qu’en mange per dos,

Car dos regismes ten ni per l’un non es pros:

Mas s’il en vol manjar, tanh qu’en manj’a rescons,

Que si-l mair’ o sabi batria-l ab bastons.

 

Pour ce qui est du roi d’Angleterre, me plaît, car il a peu de cœur

Qu’il en mange à souhait ; il en deviendra vaillant et fort,

Et il conquerra la terre pour laquelle il vit dépourvu de mérite

Et que lui prend le roi de Franc, qui le sait indolent,

Et le roi de Castille, il convient qu’il en mange pour deux,

Car il tient deux royaumes et n’a pas de cœur pour un seul !

Mais s’il veut en manger, il faut qu’il le fasse en cachette

Car si sa mère le savait, elle lui donnerait le bâton.

 

Del rei d’Aragon volh del cor deja manjar,

Que aiço lo fara de l’anta descargar

Que pren çai de Marselh’ e d’Amilhau; qu’onrar

NO-s pot estièrs per ren que posca dir ni far.

Et après volh del cor don om al rei Navar,

Que valia mais coms que reis, ço aug contar.

Torts es quand Dieus fai om en grand ricor pojar,

Pois sofracha de cor de prètz lo fai baissar.

 

Et le roi d’Aragon, je veux qu’il mange de ce coeur,

Car cela le fera dégorger de la honte

Qui lui vient de Marseille et de Millau ; il ne peut retrouver

Son honneur autrement, quoi qu’il puisse dire ou faire.

Et ensuite je veux qu’on donne de ce cœur au roi de Navarre

Qui valait mieux comte que roi, à ce que j’entends conter.

Il est dommage quand Dieu a fait accéder un homme au plus haut rang

Qu’il perde toute valeur parce qu’il manque de courage.

 

Al comte de Tolos’ops es quen mange ben,

Si-l membra ço que sol tener e ço que ten;

Car si ab autre cor sa perda bon reve,

No-m par que la revenh’ab aquel qu’a en se.

E-l coms proençalls tanh qu’en mange, si-l soven

Qu’om que deseretats viu gaire non val ren :

                                E si tot ab esforç si defend ni-s capten,

Ops es mange del cor pel grand fais que sosten.

 

Le comte de Toulouse grand besoin est qu’il en mange,

S’il se souvient de ce qu’il avait et de ce qu’il a ;

Car si d’un autre cœur il ne répare pas sa perte,

Il ne me semble pas qu’il le répare avec le sien.

Et le comte de Provence, il faut qu’il en mange, s’il se souvient

Qu’un homme qui vit déshérité ne vaut pas grand-chose :

Et malgré ses efforts pour se défendre et se maintenir

Il est nécessaire qu’il mange de ce cœur pour le grand fardeau qu’il porte.

 

Li baro-m voldràn mal de ço que ieu dix ben;

Mas ben sachan qu’ieu-ls pretz autan pauc com ilh me.

 

Les barons me voudront du mal pour ce que je leur dis bien,

Mais qu’ils sachent que je les estime aussi peu qu’ils m’estiment.

 

Bèls Restaurs, sol qu’ab vos posca trovar mercé,

A mon dan met cascun que per amic no-m ten.

 

Beau Réconfort, pourvu qu’auprès de vous je puisse trouver merci,

Je méprise celui qui ne me tient pas pour son ami.

 Blacatz

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