Né au château de Berga, près d’Urgel, en Catalogne, ce troubadour, vicomte de Berguedà, nous est connu par ce qu’en dit son biographe dans la « Vida » et ses propres textes qui révèlent une existence tumultueuse entre conflits de voisinage, inimitiés avec les autorités épiscopales, les alliances éphémères avec Alphonse II, roi d’Aragon, et des pactes et complots avec Richard Cœur-de-Lion contre Raymond VI, comte de Toulouse.
Meurtrier du vicomte Raimond Folc de Cardona, il fut probablement assassiné par un soldat qui était au service de ses ennemis.
Ami de deux autres troubadours, Aimeric de Peguilhan et Bertrand de Born qui, repenti de sa vie guerrière, prie Guilhem de quitter le champ et le goût effréné des guerres et de leurs redoutables conséquences
Il nous reste une trentaine d’œuvres dont une quinzaine sont des « sirventès » où percent la violence et la cruauté obscène des événements auxquels il fut mêlé. Il a écrit « un planh » à l’occasion du décès du marquis de Mataplana et une « tençon » partagée avec Aimeric de Peguilhan.
ŒUVRE :
Dans cette chanson, il dénonce, non sans humour et métaphores savoureuses, la perfidie, la fourberie, la lâcheté et la traîtrise du marquis de Mataplana dont la virilité s’exprime dans des mœurs immorales.
Cançoneta lèu e plana Une chansonnette leste et simple
Leugereta sens ufana, Toute légère et sans prétention,
Farai ieu de mon Marqués, Je ferai sur mon Marquis
Del trachor de Mataplana Sur ce traître de Mataplana
Qu’es d’engan farcits et plens. Qui de fourberies est farci et rempli.
A ! Marqués, Marqués, Marqués, Ah ! Marquis, Marquis, Marquis
D’engans ètz farcits et plens. De fourberies vous êtes farci et rempli.
Marqués, ben ajan la pèiras Marquis, bienheureuses soient les pierres
De Melgur de près Smèiras De Mauguio, près de Sommières
Ont perdètz de las dents tres ; Où vous avez perdu trois de vos dents
No-i ten dan que las primèiras Il n’ya pas là dommage, car les premières
I son e no-i paron gens. Y sont, mais on ne les voit guère.
A ! Marqués, Marqués, Marqués Ah ! Marquis, Marquis, Marquis
D’engans ètz farcits e plens. De fourberies vous êtes farci et rempli.
Del braç no-os prètz una figa Votre membre je ne l’estime pas une figue
Que cabrelha par de biga Il ressemble au rayon grêle d’une roue de char
E portatz lo mal estés; Et vous ne le portez pas bien raide;
Ops i auriatz ortiga Vous auriez besoin des orties
Que-l nèrvi vos estendés. Pour que le nerf vous durcît.
A ! Marqués, Marqués, Marqués Ah ! Marquis, Marquis, Marquis
D’engans ètz farcits et plens. De fourberies vous êtes farci et rempli.
Marqués, qui a vos se fia Marquis, à qui vous se fie
Ni a amor ni paria, N’y trouve ni amour ni bonne amitié
Gardar se deu tota ves Il doit se garder en permanence
Com quez an : an de clar dia Avec vous, toujours en plein jour
De noit ab vos non an ges. Mais de nuit jamais avec vous.
A! Marqués, Marqués, Marqués Ah ! Marquis, marquis, Marquis
D’engans ètz farcits e plens. De fourberies vous êtes farci et rempli.
Marqués, ben es fols qui-s vana Marquis, bien fou est qui se flatte
Qu’ab vos tenga meliana De faire avec vous la sieste de midi
Mens de brailhas de cortvés, Sans braies en cuir de Cordoue
Et anc filhs de crestiana Car jamais fils de chrétienne
Pejor costuma non mes. N’eut d’aussi mauvaises mœurs.
A ! Marqués, Marqués, Marqués Ah ! Marquis, Marquis, Marquis
D’engans ètz farcits e plens. De fourberies vous êtes farci et rempli.